Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sacré (suite)

En tant qu’il s’effectue sur le modèle (perfection) de la cosmogonie mythique, le cérémonial de création du monde est aussi son amélioration : aux Fidji, pour sauver les récoltes ou pour marquer le début d’un nouveau règne, le rituel cosmogonique devait être préalablement effectué. En Polynésie, la récitation rituelle des paroles de l’être mythique Io — qu’il prononça pour créer le cosmos — est utilisée pour guérir les malades, pour rendre une femme féconde, pour favoriser une expédition guerrière et pour faciliter aux mourants le passage d’un monde à l’autre.

De même, chez les Naxi (Na-hi) du Yunnan, toute guérison nécessite la relation des mythes ayant trait à la création, à l’origine des maladies, au premier chaman (magicien-guérisseur) qui révéla aux hommes l’usage des remèdes dont ils disposent actuellement. On ajoute parfois à ces récits (Proche-Orient, Europe) celui de l’histoire de la maladie en cause et de la défaite du démon qui la provoqua au cours d’un affrontement avec un être divin.

Au cours des fêtes totémiques annuelles, les Aruntas (Australie) parcourent, en accomplissant les mêmes gestes, en s’arrêtant aux mêmes endroits, le trajet effectué par l’ancêtre mythique du clan au commencement des temps. Durant ces cérémonies, ils doivent respecter de nombreux tabous (jeûne, chasteté) et déposer leurs armes.

À Tikopia, en Polynésie, bruit, jeux, danses sont interdits pour toute la durée des cérémonies.

Concepts fondamentaux dans l’analyse du sacré

impureté, caractère de ce qui menace les règles sociales et/ou l’ordre naturel, symbole de l’ordre humain — l’insolite, l’anormal, l’inconditionné, le devenir.

purification (rites de), rites qui complètent le tabou ; alors que ce dernier interdit le contact avec l’impur, les rites de purification tendent à éliminer les conséquences d’un contact qui n’a pu être évité.

rites, actes ou comportements qui se répètent, tels que cérémonies, actes de croyances ou, plus simplement, us et coutumes. Le rite est un acte individuel ou collectif — plus souvent collectif — qui, reproduit identiquement à lui-même, possède une efficacité irréductible aux enchaînements de causalité empiriques.

rites négatifs et rites positifs, distinction introduite par Mauss. Les rites religieux dits « négatifs » garantissent la séparation du sacré d’avec le profane ; ce sont des prohibitions. Les rites religieux dits « positifs » établissent la participation de l’humain à la transcendance du sacré (transcendance élaborée par la séparation sacré/profane) ; il s’agit d’opérations de sacralisation.

sympathie (lois de), lois qui doivent être incluses dans les mécanismes de fonctionnement de la pensée symbolique en général et selon lesquelles toute propriété, vertu, impureté se transmet d’un objet à un autre, d’un objet à un être vivant et vice versa, d’un être vivant à un autre, en vertu d’associations par contact (continuité), par similarité (contagion homéopathique) ou par contrariété.

tabou, terme emprunté aux langues polynésiennes et qui désigne le rite visant à interdire le contact avec l’impur en même temps qu’il qualifie l’objet de cette prohibition. (V. l’article.)

N. D.

➙ Initiation / Magie / Religion (sociologie de la) / Tabou / Totémisme.

 S. Reinach, Cultes, mythes et religions (Leroux, 1905-1908 ; 3 vol.). / H. Hubert et M. Mauss, Mélanges d’histoire des religions (Alcan, 1909). / M. Mauss, la Prière (Hérissey, 1909) ; Sociologie et anthropologie (P. U. F., 1950 ; nouv. éd., 1966). / A. Van Gennep, les Rites de passage (Nourry, 1909). / E. Durkheim, les Formes élémentaires de la vie religieuse (Alcan, 1912). / S. Freud, Totem und Tabu (Vienne, 1912 ; trad. fr. Totem et tabou, Payot, 1924, 7e éd., 1972). / P. de Mortillet, Origines du culte des morts, les sépultures préhistoriques (Gamber, 1914). / K. L. R. Otto, Das Heilige (Breslau, 1917, 2e éd., 1922 ; trad. fr. le Sacré. L’élément non rationnel dans l’idée du divin et sa relation avec le rationnel, Payot, 1929, nouv. éd., 1969). / B. Malinowski, Sex and Repression in Savage Society (Londres, 1927 ; trad. fr. la Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives, Payot, 1932, nouv. éd., 1967). / G. Róheim, Animism, Magic and the Divine (Londres, 1930) ; Magic and Schizophrenia (Londres, 1955). / H. A. Junod, Mœurs et coutumes des Bantous. La vie d’une tribu sud-africaine (Payot, 1936 ; 2 vol.). / G. Van der Leeuw, l’Homme primitif et la religion. Étude anthropologique (P. U. F., 1940). / H. Webster, Taboo, a Sociological Study (New York, 1942, nouv. éd., 1973 ; trad. fr. le Tabou, Payot, 1952). / M. Eliade, Traité d’histoire des religions (Payot, 1949 ; 6e éd., 1970) ; le Mythe de l’éternel retour, archétypes et répétitions (Gallimard, 1949 ; nouv. éd., 1969). / R. Caillois, l’Homme et le sacré (Gallimard, 1950). / E. Lot-Falck, les Rites de chasse chez les peuples sibériens (Gallimard, 1953). / J. Cazeneuve, les Rites et la condition humaine (P. U. F., 1958) ; Sociologie du rite. Tabou, magie, sacré (P. U. F., 1971). / C. Lévi-Strauss, la Pensée sauvage (Plon, 1962) ; le Totémisme aujourd’hui (P. U. F., 1962). / R. Girard, la Violence et le sacré (Grasset, 1972). / R. Bastide, le Sacré sauvage (Payot, 1975).

sacré du xxe s. (art)



Un besoin de renouveau

Comme toutes choses de nos jours en Occident, l’art sacré est un sujet de contestations et d’expériences. La notion même d’« art sacré » est nouvelle et des plus difficiles à définir. En effet, elle a perdu la valeur d’enseignement et d’exaltation des sentiments religieux qu’elle avait conservée pendant les siècles du Moyen Âge et ceux du classicisme. La coupure s’est faite progressivement au cours du xixe s. : la décadence était venue peu à peu, et le besoin d’un renouveau polarisa les efforts des écrivains, des artistes et des architectes au cours de ce xixe s. confus et tumultueux.

On découvrit d’abord les beautés de l’art médiéval à la suite de Chateaubriand* et de Victor Hugo*, de Prosper Mérimée* et de Viollet-le-Duc*. On croyait que c’était la voie du salut : ce fut, en fait, le triomphe du pastiche.