Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rutherford of Nelson (Ernest) (suite)

En 1898, il est nommé professeur de physique à l’université McGill de Montréal. En 1907, la notoriété qu’il a déjà acquise le rappelle en Angleterre, où il remplace sir Arthur Schuster (1851-1934) dans la chaire de physique de l’université de Manchester. En 1908, le prix Nobel de chimie lui apporte une nouvelle consécration. Puis, en 1919, Rutherford succède à J. J. Thomson comme directeur du laboratoire Cavendish, où il a fait ses premières armes. Sous son impulsion, cet établissement devient le centre scientifique le plus actif qui ait jamais existé. Élu en 1925 président de la Société royale de Londres, Rutherford reçoit le titre de baron Rutherford of Nelson en 1931.

Malgré son unité profonde, sa contribution exceptionnelle aux progrès de la physique moderne peut, comme sa carrière, se diviser en trois étapes : au Canada, à Manchester et à Cambridge.

À Montréal, où il travaille souvent avec son collègue Frederick Soddy (1877-1956), Rutherford entreprend des recherches sur la radioactivité*. Il découvre en 1899 la radioactivité du thorium, isole son émanation et prouve l’appartenance de ce corps à la famille des gaz rares. Avec Soddy, il montre que la radioactivité est due à l’explosion spontanée d’un atome, et tous deux établissent en 1903 la théorie des désintégrations et des filiations radioactives. Ils mesurent en 1906 le quotient e/m de la charge par la masse des particules alpha et prouvent que celles-ci sont constituées par des noyaux d’hélium.

À Manchester, Rutherford s’attaque à la structure de l’atome, qu’il établit dès 1911 en reprenant la représentation planétaire suggérée par Jean Perrin* quelque dix ans plus tôt. Pour en fournir la preuve, il réalise une expérience fameuse, dans laquelle il projette des rayons alpha sur des lames métalliques minces. La plupart des particules ne sont pas déviées, ce qui montre que l’atome est essentiellement formé de vide ; mais la déviation de quelques-unes prouve qu’il existe un noyau central, dont la charge positive n’est autre que le numéro atomique de l’élément.

C’est enfin au laboratoire Cavendish que Rutherford couronne son œuvre, puisqu’il y réalise en 1919 la première transmutation artificielle, vainement poursuivie par les savants depuis le Moyen Âge. Lançant des corpuscules alpha sur des noyaux d’azote, il fait éclater ces derniers, avec expulsion de protons et conversion en oxygène. Il dirige ses élèves vers des expériences similaires, utilisant bientôt des projectiles artificiellement accélérés, et c’est sous ses auspices que va se constituer une physique nucléaire, dont on peut aujourd’hui constater le développement prodigieux.

Mort en pleine activité à la suite d’une opération chirurgicale, Rutherford est enseveli dans l’abbaye de Westminster, aux côtés de ses illustres prédécesseurs, Newton, Faraday et lord Kelvin.

R. T.

➙ Atome / Radioactivité.

 A. S. Eve, Rutherford (Cambridge, 1939). / Rutherford by those who knew him (Londres, 1954). / J. B. Birks, Rutherford at Manchester (Londres, 1962).

Ruysdael ou Ruisdael (les)

Famille de peintres paysagistes hollandais du xviie s., dont les principaux sont Salomon Van Ruysdael (Naarden v. 1600 - Haarlem 1670) et son neveu Jacob Van Ruysdael (Haarlem 1628 ou 1629 - id. 1682).


Si, au xviie s., le paysage hollandais, avec Rembrandt* et Hercules Seghers*, est plus rêvé que réaliste, un courant parallèle et, par la suite, dominant le conduit vers une observation plus précise de la nature. Cette tendance procède en ordre principal d’Esaias Van de Velde*, qui exercera une influence certaine sur Jan Van Goyen* et sur Salomon Van Ruysdael. C’est Van Goyen qui, dans des notations subtiles, va donner, aux jeux de l’atmosphère, aux grands ciels gris, une importance capitale aboutissant à des pages presque monochromes, auxquelles on trouvera plus tard une résonance impressionniste.

Salomon Van Ruysdael suit la même veine, mais avec moins de légèreté dans la touche et une palette plus variée. Ses maîtres ont probablement été les deux peintres qu’on vient de citer. Salomon est membre de la gilde de Saint-Luc de Haarlem en 1623. Sa manière vaporeuse le rapproche surtout de Van Goyen, dont il adopte même pendant un temps la tendance à la monochromie, à base d’ocre et de gris. Plus tard, vers 1640, apparaissent des bleus et des verts clairs. Salomon peint de préférence des rivages boisés au bord d’une rivière, ou bien des dunes. C’est un observateur précis des sites de son pays (Vue d’une rivière hollandaise, 1644 ou 1647, Mauritshuis, La Haye). Il a également laissé quelques natures mortes de gibiers ou de poissons.

Jacob Van Ruysdael est inscrit à la gilde de Saint-Luc de Haarlem en 1648. Il voyage de 1650 à 1655 dans l’est des Pays-Bas et dans l’ouest de l’Allemagne. Vers 1656, il s’établit à Amsterdam, où il demeurera. Détail singulier, il va, en 1676, conquérir le titre de docteur en médecine à l’université de Caen.

Il fut probablement l’élève de son père, Isaac Van Ruysdael (1599-1677), à la fois peintre et fabricant de châssis, et subit à ses débuts l’influence de Cornelis Vroom (v. 1591-1661) et de son oncle Salomon ; mais il s’en libère vite et crée un style personnel, très différent de celui des autres paysagistes. Comme ses devanciers, il reste fidèle, à quelques exceptions près, aux images de son pays natal, tout en en donnant une vision qui trahit sa nature farouche. Il est rare qu’il représente des personnages, et, s’il le fait, il recourt à la collaboration d’un confrère, comme pour la Vue d’un bois (Rijksmuseum, Amsterdam), dont les figures (un homme et des animaux) sont attribuées à Nicolaes Berchem (1620-1683). Sa prédilection va à des paysages d’où tout être humain est absent ; la nature est là, toujours baignée dans une atmosphère mélancolique, voire poussée au tragique quand l’orage gronde ou que la tempête souffle sur la mer. Le rappel de l’homme est limité à quelque bicoque ou à des ruines : présence qui semble sans poids dans ces sites presque hostiles, si différents des images aimables que la plupart des autres paysagistes donnent de leur pays.