Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rugby (suite)

Après 1918, le rugby connut un développement considérable en France ; le rassemblement à Joinville (les meilleurs joueurs sous les drapeaux permit de remarquables progrès, notamment chez les trois-quarts, où R. Crabos, F. Borde et A. Jauréguy furent considérés comme les meilleurs spécialistes d’Europe. Les victoires de 1920 à Dublin, de 1921 à Inverleith (Écosse), le match nul de 1922 à Twickenham illustrèrent cet après-guerre. Un déclin se manifesta ensuite, qui fut suivi d’une remontée en 1930. Cet entre-deux-guerres vit la domination de l’Écosse (avec les rudes avants de J. M. Bannerman et ses fameux trois-quarts I. Smith et G. P. S. MacPherson), cinq fois vainqueur de 1920 à 1929, et de l’Angleterre, conduite par l’avant-aile W. Wakefield. Celui-ci, après avoir battu le record des sélections, devint lord Kendal. Dans cette équipe anglaise, qui devait terminer dix fois en tête de 1920 à 1939, on remarqua tour à tour la paire de demis W. Davies et C. A. Kershaw ainsi que les avants A. T. Voyce, R. Covesmith, J. S. Tucker et C. N. Lowe.

Avec la reprise, en 1947, s’affirma la maturité française. Vainqueur pour la première fois au pays de Galles, à Swansea, en 1948, et en Angleterre, à Twickenham, en 1951, le XV de France fut alors bien près de terminer à la première place, qu’il obtint enfin en 1954. Les avants R. Soro, A. Moga, J. Prat, G. Basquet et J. Matheu avec les demis de mêlée Y. Bergougnan et G. Dufau marquèrent particulièrement cette période. Sur le plan international, c’est surtout le pays de Galles (qui réalisa le grand chelem en 1950 et en 1952) et l’Irlande (auteur d’un semblable exploit en 1948) qui se distinguèrent. Les Gallois possédaient alors de remarquables lignes arrière avec H. Tanner, W. B. Cleaver, K. Jones, B. Williams, J. Matthews, et les Irlandais des avants généreux, K. Mullen, J. W. McKay ainsi que J. S. McCarthy et aussi un des plus grands demis d’ouverture de l’histoire du rugby, J. Kyle.

Le tournoi 1954, où la France partagea la première place avec l’Angleterre et le pays de Galles, marqua l’avènement du rugby français. Battant les Springboks en Afrique du Sud pour leur première grande tournée en 1958, les Français, conduits par un de leurs plus grands capitaines, Lucien Mias, remportèrent seuls, enfin, le tournoi 1959 grâce à une suprématie totale d’un jeu d’avants remarquablement organisés et disposant de riches individualités, comme A. Roques, R. Vigier, A. Quaglio, B. Momméjat, J. Barthe, F. Moncla, M. Celaya, M. Crauste en avants, P. Danos, R. Martine, M. Prat, J. Bouquet, J. Dupuy et M. Vannier à l’arrière. Sur sa lancée, tour à tour sous le capitanat de F. Moncla, de P. Lacroix, de M. Crauste, de C. Darrouy et de C. Carrère, le XV de France remporta encore le tournoi en 1960 (avec l’Angleterre), en 1961, en 1962 et en 1967, avant de réussir le grand chelem en 1968 et de terminer encore en tête en 1970 (avec Galles). Il disposait toujours d’avants d’une rare qualité athlétique et d’une grande aisance dans le jeu à la main (A. Domenech, A. Gruarin, B. Dauga, A. Herrero et W. Spanghero) ainsi que de lignes d’arrières de talent (P. Albaladejo, A. et G. Boniface, J. Gachassin, P. Villepreux).

Devant cette montée française, seule l’Angleterre, avec sa grande équipe de 1957 et de 1958, celle des D. Marques, de P. G. D. Robins, de C. R. Jacobs, de J. D. Currie, de D. Jeeps, de J. Butterfield, de P. Jackson, avait fait front. Ce fut ensuite l’ascension galloise, avec les succès accumulés en 1966, en 1969, en 1970, 1971, 1975 et 1976. Cette période a été marquée par le jeu très élaboré des Gallois, les premiers à adopter un système collectif de préparation pour leur équipe nationale et qui disposèrent d’atouts de premier ordre avec une paire de demis exceptionnelle, G. Edwards et B. John, des trois-quarts bien menés par J. Dawes et un arrière offensif aux prodigieux moyens athlétiques, J. Williams.


Les grandes tournées

Le rugby a sans doute été le premier sport à se lancer dans des entreprises à l’échelon planétaire, avec les grandes tournées d’un hémisphère à l’autre. Dès 1888, une équipe britannique conduite par R. L. Seddon allait jouer 35 matches en Australie et en Nouvelle-Zélande. L’hiver suivant, 1888-89, c’était une sélection de Maoris de Nouvelle-Zélande qui se lançait dans une prodigieuse expédition de sept mois. Après avoir joué 15 matches en Australie, cette équipe disputa 74 matches en Grande-Bretagne.

C’est dans ces grandes aventures que le rugby international a effectué le plus de progrès techniques, ces tournées mettant les équipes dans des conditions de vie qui permettaient un travail collectif exceptionnel. L’Europe a été marquée tout spécialement par certaines de ces tournées. Les All Blacks de D. Gallaher, avec leur fameux arrière W. J. Wallace, accomplirent l’exploit de gagner 32 de leurs 33 matches en 1905-06, inscrivant 868 points contre 47. Les Springboks d’Afrique du Sud affirmèrent à leur tour leurs qualités en 1906-07, sous le capitanat de P. Roos, remportant 25 matches sur 27 grâce à la puissance des avants et à un rugby méthodique. Puis, en 1912-13, les Sud-Africains de W. A. Millar furent les premiers à réussir le grand chelem, en gagnant les cinq lests européens. On y remarquait un arrière fameux, G. Morkel.

Entre les deux guerres, en 1924-25, les All Blacks de C. G. Porter, ayant triomphé dans leurs 30 matches, furent surnommés les « Invincibles ». Ils révélèrent l’incomparable arrière maori G. Nepia. Les Springboks de 1931 s’imposèrent par la force dynamique de leurs avants P. J. Nel, K. Bergh et M. M. Louw, par la classe de leurs demis D. H. Craven et B. L. Osler ainsi que par le talent de G. H. Brand, un des plus grands arrières de l’histoire.

Après la Seconde Guerre mondiale, les grandes équipes de l’hémisphère Sud s’affirmèrent encore essentiellement par le gabarit supérieur de leur pack et leur discipline de jeu. Ce fut le cas des Springboks de Basil Kenyon en 1951-52, qui obtinrent 30 victoires sur 31 matches et le grand chelem international grâce à des avants inoubliables tels que H. Muller, S. Fry, C. Koch, H. J. Bckker, C. J. Van Wyk, et de ceux d’A. Malan, qui ne perdirent que 2 matches sur 34, manquant de peu le grand chelem international, en concédant le match nul contre la France à Colombes (en 1961). Il en fut de même pour les All Blacks menés par W. Whineray en 1963-64 ; vaincus une seule fois en 34 matches, ils dominèrent grâce à leur pack (C. et S. Meads, K. Gray, K. Tremain) et à la botte du colossal arrière Don Clarke. La plus belle réussite reste pourtant la tournée improvisée en 1967, où les Néo-Zélandais de B. Lochore terminèrent invaincus leur série de 15 matches en produisant un rugby total, qui fut une véritable révolution technique, œuvre de l’entraîneur F. Allen. Avec une équipe considérablement rajeunie, les All Blacks commandés par I. Kirkpatrick n’eurent pas la même réussite en 1972-73 et furent dominés par les Français. Les Springboks de D. de Villiers devaient connaître de leur côté une grande désillusion en 1969-70. Ils ne remportèrent aucun de leurs quatre lests dans les îles Britanniques, mais il est vrai que l’opposition du public à la politique sud-africaine de l’apartheid avait considérablement détérioré le climat sportif.