Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

Les Assyriens firent d’autre part usage d’une technique dont l’origine doit être cherchée en Syrie du Nord et dans le pays hittite : ce sont les orthostates sculptés (grandes dalles dressées à la base des murs comme un simple décor plaqué), que l’on retrouve dans des cours et dans certaines salles. L’âge d’or de cet art, qui donna au génie assyrien l’occasion de se développer le plus librement, se situe entre le ixe et le viie s. Certes, là comme dans tous les arts assyriens, la spontanéité et la simple humanité font souvent défaut. Mais il est toute une série de reliefs — provenant de Ninive en particulier — où une liberté de conception et de composition, un sens des attitudes et le goût de la description ont convergé pour donner des œuvres d’un grand intérêt plastique : telles sont les représentations des chasses d’Assourbanipal.

La statuaire, en revanche, n’obtint jamais de résultats comparables : les artistes n’ont pas su se dégager de la matière pour donner un souffle d’humanité à l’effigie représentée, et l’aspect écrasant des lions ou des taureaux androcéphales, ailés ou non, au rôle de gardiens de portes, ne provoque pas une admiration sans mélange. Dans d’autres domaines, des réussites certaines virent le jour : la glyptique, les portes de bronze de Balawat, de petites sculptures animalières en ronde bosse sont là pour l’attester. Il n’en reste pas moins que l’art assyrien apparaît dans son ensemble comme figé par les règles strictes d’une école officielle, dominé par la volonté de glorifier le souverain et trop enclin à rechercher un simple effet de puissance.

J. C. M.

 A. Parrot, Archéologie mésopotamienne (A. Michel, 1946-1953 ; 2 vol.) ; Assur (Gallimard, 1961). / J. Deshayes, les Civilisations de l’Orient ancien (Arthaud, 1969).


La littérature assyro-babylonienne


Une lente redécouverte

Il n’y a guère plus d’un siècle, on ignorait à peu près tout de la littérature assyro-babylonienne. On ne savait d’ailleurs que fort peu de chose sur l’histoire des peuples qui, dans l’Antiquité, avaient habité les régions du Tigre et de l’Euphrate. Les villes d’alors, bâties en briques d’argile, n’étaient plus que des tas de terres éboulées, ne laissant guère subsister de ruines ou de vestiges reconnaissables.

On écrivait aussi sur l’argile, le plus souvent sur des tablettes d’argile lavée et pétrie, qui, une fois inscrites au moyen d’un calame de roseau, étaient séchées au grand air ou, plus rarement, cuites au four. Mais, alors que l’argile était un fragile matériau de construction, elle allait se révéler un solide et durable support pour l’écriture. Enfouie, elle résistait à presque tous les agents de destruction ; inondations ou incendies étaient sans effet sur elle. Aussi était-ce par centaines de milliers que les documents écrits laissés par ces peuples subsistaient, intacts ou cassés, au profond des décombres accumulés.

Jusqu’au début du xixe s., et avant que des fouilles systématiques ne ramenassent au jour ces innombrables témoignages du passé, seuls de rares briques ou cylindres inscrits trouvés en surface ou quelques inscriptions rupestres avaient attiré l’attention des voyageurs et des savants. Mais le souvenir des langues qui y étaient écrites était oublié depuis longtemps et perdu le secret de ces signes, que l’on devait appeler cunéiformes et dans lesquels certains sceptiques refusaient même de voir une écriture.

L’Antiquité classique ne nous avait transmis sur les « lettres assyriennes », dont parlent entre autres Hérodote et Strabon, que des indications très vagues, qui ne furent d’aucune utilité pour leur déchiffrement. Mais on put entreprendre celui-ci grâce à l’existence d’inscriptions trilingues, relevées à Béhistoun ou à Persépolis. Le même texte y était rédigé en vieux perse, en élamite et en babylonien. Les trois écritures étaient cunéiformes, mais différentes et également inconnues. La version vieux perse céda la première, en raison d’une écriture plus simple et des rapports de la langue avec le persan. L’écriture élamite, plus compliquée (111 signes au lieu de 37), résista plus longtemps. La plus difficile fut la babylonienne.

Son déchiffrement dura plus de cinquante ans. Ce fut très lentement, en prenant appui au départ sur la lecture de quelques noms royaux heureusement reconnus, que les déchiffreurs vinrent à bout de l’extraordinaire complexité d’un système graphique qui, accumulant les difficultés, était à la fois syllabique et idéographique, où chacun de ses très nombreux signes pouvait avoir plusieurs valeurs, et où une même valeur pouvait être indifféremment rendue par plusieurs signes, alors que certains d’entre eux, déterminatifs ou compléments phonétiques, étaient, à la lecture, parfaitement superflus.

La difficulté s’aggravait du fait que l’on ignorait la langue que cachait cette écriture. Lors même qu’on commença à supposer qu’elle pouvait être un idiome sémitique apparenté à l’hébreu ou à l’arabe, il ne manqua pas de bons esprits, dont le grand Renan lui-même en 1859, pour le contester âprement. En 1875, il était encore des historiens pour affirmer que l’imprécision de la graphie cunéiforme condamnait l’usage des sources assyriennes.

Un pas décisif, pourtant, avait été franchi en 1857, lorsque, sous l’égide de la Société asiatique de Londres, il fut demandé à quatre savants, H. Fox Talbot, Henry C. Rawlinson, Edward Hincks et Jules Oppert, de traduire séparément une même inscription d’un roi assyrien. La confrontation des résultats se révéla concluante : les traductions concordaient tant pour le sens général que pour le détail de chaque mot.

Dès lors, les progrès furent constants et rapides, cependant qu’affluaient des documents nouveaux exhumés dans les fouilles.

La littérature assyro-babylonienne proprement dite commence vers 2330 avant notre ère, lorsque le roi sémite Sargon d’Akkad s’empara du pouvoir politique que les Sumériens détenaient dans le pays depuis de longs siècles déjà. Les scribes, alors, se mirent aussi à écrire dans la langue des nouveaux maîtres, l’akkadien, rameau oriental — et le plus ancien — des langues sémitiques. Divisé par la suite en deux dialectes, l’assyrien et le babylonien, pendant plus de dix-sept siècles, il allait donner naissance à une abondante littérature et devenir la grande langue de culture du monde civilisé d’alors.