Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

Le sentiment national

Le début du xixe s. est marqué par une recrudescence de la volonté d’émancipation nationale et sociale, dont témoigne le mouvement révolutionnaire de 1821, qui a à sa tête Tudor Vladimirescu (1780-1821) et aura pour conséquences l’abolition du régime phanariote en Valachie aussi bien qu’en Moldavie et le rétablissement des règnes autochtones.

Après une nouvelle guerre russo-turque (1828-29), terminée par la paix d’Andrinople (qui prévoit la suppression de toutes les restrictions commerciales imposées par la Porte aux principautés roumaines), la Valachie et la Moldavie sont gouvernées par une administration militaire russe (1828-1834). Durant cette période sont élaborés les « règlements organiques » (1831-32) — les premières Constitutions des deux pays —, point de départ de la modernisation des structures de l’État, qui, par l’assimilation des institutions publiques ainsi que par l’accord douanier (1846-47), préparent l’union des principautés.

Les conflits socio-politiques, latents jusqu’alors, éclatent au grand jour lors de la révolution de 1848-49 — partie intégrante de la révolution européenne —, qui, sous l’impulsion de causes similaires, se produit presque simultanément dans les trois pays roumains. En vertu des principes figurant dans ses programmes (suppression du servage, distribution de terres aux paysans, liberté industrielle et commerciale, liberté de la presse et des réunions, affranchissement du joug ottoman et de celui des Habsbourg, etc.), la révolution de 1848-49 dans les pays roumains revêt un caractère démocratique bourgeois ; elle a pour but, sur le plan national, l’union de la Moldavie et de la Valachie en un seul État indépendant, la reconnaissance de la nation roumaine en Transylvanie, ensuite l’union, en une principauté autonome, de toutes les régions roumaines incorporées dans l’empire des Habsbourg et enfin, pour l’avenir, la constitution de l’État roumain unitaire.

Lorsque la révolution de 1848-49 est étouffée, du fait de la réaction intérieure et de l’intervention des empires voisins, la Valachie et la Moldavie sont soumises jusqu’en 1856 à un régime presque ininterrompu d’occupation turque, russe et autrichienne. Mais la situation internationale, qui a rendu possible l’intervention russo-turque contre le courant de rénovation sociale et d’unification politique, est modifiée au bout de quelques années par la guerre de Crimée (1854-55), à laquelle met fin le traité de paix de Paris (1856). En vertu de ce traité, la Valachie et la Moldavie, tout en continuant à se trouver sous la suzeraineté de la Porte, bénéficient de la garantie collective des grandes puissances. En même temps, ce traité stipule que la population des principautés sera consultée au sujet de l’union par la voix de délégués de toutes les classes sociales dans le cadre de Divans ad hoc convoqués à Iaşi et à Bucarest. Les représentants du peuple se prononcent (oct. 1857, dans les deux Divans ad hoc, élus pendant l’été de 1857) en faveur de l’union des principautés en un seul État au nom de Roumanie ; toutefois, la conférence des grandes puissances convoquée à Paris (mai 1858), tenant compte de l’opposition de la Turquie, de l’Autriche et de la Grande-Bretagne, adopte une convention (août 1858) qui refuse le droit de l’union à la population des principautés.

Les pays roumains se voient donc imposer une Constitution hybride qui maintient, sous le nom de « Principautés unies de Moldavie et de Valachie », leur séparation toujours sous la suzeraineté de la Porte, chaque principauté ayant son prince régnant, son gouvernement et son assemblée législative ; les seules institutions communes admises sont une commission centrale pour l’élaboration des lois d’intérêt commun et une cour de cassation unique pour les deux principautés, ayant leur siège à Focşani.

Les puissances européennes n’ayant pas accédé à la volonté primordiale des Roumains, exprimée dans les Divans ad hoc, ceux-ci imposent leur volonté et réalisent en lait l’union des principautés roumaines, en élisant comme prince régnant, aussi bien en Moldavie (5 janv. 1859) qu’en Valachie (24 janv. 1859), le colonel Alexandre-Jean Cuza (1859-1866). Posant les fondements de l’État national roumain — dont le parachèvement sera effectué en 1918 — l’union de 1859 constitue l’acte de naissance de la Roumanie moderne.

Alexandre-Jean Ier Cuza

Prince régnant de Roumanie (Galaţi 1820 - Heidelberg 1873). Alexandre-Jean Cuza appartient à une ancienne famille moldave. Il fait ses études à Iaşi et à Paris. En 1848, il se trouve au premier rang des révolutionnaires moldaves. Leur désir de réformes et d’union politique trouve une occasion de se manifester lors de la conclusion du traité de Paris de 1856, qui met fin à la guerre de Crimée (1854-55). Les deux assemblées, ou Divans ad hoc, qui, conformément à ce traité, doivent formuler les desiderata de la population des principautés roumaines quant à la future organisation du pays adoptent des résolutions communes : union des principautés, respect de leur autonomie et de leur neutralité, création d’une chambre représentative de tous les intérêts de la population. Ces résolutions doivent être mises en pratique sous la garantie collective des puissances signataires du traité de Paris. Mais, réunies en une nouvelle conférence, les puissances n’acceptent qu’une partie des revendications du peuple roumain, en raison des réserves formulées par l’Autriche et la Grande-Bretagne, qui soutiennent la Turquie. Elles n’acceptent, en conséquence, qu’un début d’union : chaque principauté aura son propre prince régnant, son gouvernement et sa chambre, mais il existera une commission centrale, ayant pour but d’élaborer des lois communes, et une cour de cassation commune également, ces deux institutions ayant leur siège dans la ville de Focşani. Est admise la dénomination de « Principautés unies ».