Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rotterdam (suite)

La commune de Rotterdam a perdu plus de 60 000 habitants en moins de 10 ans, ce qui traduit la diffusion de l urbanisation dans les nouvelles agglomérations du Rijnmond et l’accent mis à l’intérieur de la ville sur les activités tertiaires aux dépens de la fonction résidentielle. Un bilan de l’évolution récente fait ressortir un accroissement du rôle régional, national et international de Rotterdam ; si l’on doit s’attendre, à moyen terme, à un ralentissement de la croissance industrielle, la capacité d’adaptation du port aux conditions changeantes de la navigation maritime et le renforcement du pouvoir de direction économique de la ville constituent pour elle les meilleurs gages d’avenir.

J.-C. B.

➙ Amsterdam / Hanse / Hollande / Pays-Bas / Provinces-Unies / Randstad Holland.

 M. Braure, Histoire des Pays-Bas (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 195) ; 2e éd., 1966). / S. C. Van Kampen, De Rotterdamse particuliere scheepshouw in de tijd van de Republick (Assen, 1953). / P. Dibon, Pierre Bayle, le philosophe de Rotterdam : études et documents (Vrin, 1959). / G. J. Mentink et A. M. Van der Woude, De demografische Onfwikkeling fe Rotterdam en Cool in de xviie en xviiie eeuw (Rotterdam, 1965). / P. Jeannin, l’Europe du Nord-ouest et du Nord aux xviie et xviiie siècles (P. U. F., coll. « Nouv. Clio », 1969).

Rouault (Georges)

Peintre français (Paris 1871 - id. 1958).


Né pendant les combats de la Commune de Paris (dans le quartier populaire de Belleville), Rouault vivra les deux Guerres mondiales. Au travers de cette double épreuve, il va évoluer de la révolte contre les vices de ce monde vers une spiritualité répondant à ses plus fortes exigences intérieures et nourrie de foi et d’espérance. Ses images dénonciatrices deviendront des compositions aux qualités picturales exceptionnelles.

D’abord apprenti peintre verrier chez un restaurateur de vitraux anciens, il est de 1892 à 1895, à l’École des beaux-arts, l’élève de Gustave Moreau*, qui le présente à deux reprises, sans succès, au Prix de Rome. Il se consacre à des sujets religieux qui n’expriment pas encore une grande personnalité. Mais, au terme d’une crise de conscience aggravée par des problèmes matériels, Rouault opère en 1903 une véritable mutation morale et formelle. Sa ferveur religieuse, refusant l’hypocrisie bourgeoise (c’est l’époque où il fréquente Léon Bloy*), devient colère et révolte contre les laideurs et les crimes qui se multiplient dans la société. Il peint alors des tableaux où dominent noir, bleu de Prusse et couleurs sombres : portraits de clowns, de prostituées, puis tribunaux qui montrent avec une force caricaturale le revers de l’optimisme de la « Belle Époque ». Hostile au « beau idéal », il se rattache, en y ajoutant sa conscience religieuse, à la tradition qui part de Goya et passe par Daumier et Toulouse-Lautrec, mais il est aussi sensible à la leçon cézannienne (Tête de clown tragique, 1904, Kunsthaus, Zurich). Parmi ses œuvres, qui font scandale à chaque exposition (au Salon d’automne par exemple), seuls les clowns expriment une profonde humanité : en eux Rouault reconnaît l’humilité devant la destinée humaine qui correspond à sa croyance. Aussi donne-t-il au thème du clown (Pierrot, 1910, coll. M. et Mme J. Pulitzer Jr., Saint Louis) une couleur plus gaie et un climat plus léger qu’aux Juges (1908, musée royal des Beaux-Arts, Copenhague) et aux Têtes à massacre ou la Mariée (1907, Tate Gallery, Londres). Mais, au-delà de la virulence qui marque son style, il aspire à un apaisement, son art cherche la méditation et la grandeur (Trois Juges, 1913, Museum of Modern Art, New York). Peu à peu, il parvient à une composition, d’une valeur presque abstraite, par plans et zones de couleurs (le Vieux Clown, 1917, coll. Stavros Niarchos ; Crucifixion, 1918, coll. Henry P. MacIlhenny, Philadelphie). Il est alors maître de ses principaux thèmes et de son style, et son art atteint véritablement son indépendance.

On a pu parler au sujet de Rouault d’un expressionnisme* français, mais, à la différence de ses contemporains expressionnistes allemands, sa révolte reste fermée à tout matérialisme ; impuissant à saisir réellement de quels maux souffre l’humanité, plongé dans le drame de la guerre, il accroît son isolement dans un idéalisme plein de foi et d’espoir de rédemption. Il exécute alors, de 1917 à 1927, les 58 eaux-fortes en noir et blanc du Miserere, chef-d’œuvre de simplicité et de puissance. C’est Ambroise Vollard qui, devenu son marchand exclusif, lui offre dans une période très dure cette possibilité nouvelle de s’exprimer. À partir de 1930, il retrouve la couleur, dans l’eau-forte, mais surtout dans la peinture proprement dite. Son énergie se déploie non plus dans l’accusation, dans la charge, mais dans le travail pictural même : reprenant sans cesse ses toiles, il superpose les couleurs, enrichit sa matière pour atteindre une somptuosité et un éclat exceptionnels. La phosphorescence du coloris, la lumière qui semble irradier du tableau évoquent l’art du vitrail, qu’il a étudié à l’aube de sa carrière. Une ligne noire cerne les formes, mais, contrairement aux œuvres de 1917 ou 1918, la couleur n’est plus encastrée, elle se confond avec ses limites et donne directement naissance à la forme (Nu, peint après 1930, coll. W. et C. Floersheimer, Orselina [Suisse]).

Avec une exigence croissante, il poursuit sa recherche à la fois picturale et spirituelle ; le dépouillement se fait de plus en plus rigoureux, cependant que la matière colorée devient plus épaisse et plus riche. Il ne craint pas d’aborder le paysage (Couchant, 1937-38, Worcester Art Museum) ou même des thèmes décoratifs (Fleurs décoratives, 1948-1952, coll. priv., Paris), mais il n’abandonne pas pour autant ses thèmes de prédilection (la Sainte Face, 1933, musée national d’Art moderne, Paris ; Crucifixion, vers 1939, famille de l’artiste, Paris ; Ecce Homo, 1952, coll. priv., Paris). À l’éclat de la gloire (l’exposition de l’Art indépendant l’a révélé en 1937, la France l’a présenté en 1948 à la Biennale de Venise, et les rétrospectives de son œuvre se succèdent à travers le monde), Rouault préfère l’isolement et le silence pour poursuivre son travail, jusqu’à sa mort en 1958. Son œuvre prend alors une place tout à fait à part dans l’époque moderne, comme exemple d’une libération formelle issue d’une révolte et d’une exigence spirituelles, sans rapport mais non sans correspondance avec les innovations cubistes ou abstraites. Des écrits de Rouault ont été rassemblés en 1971 dans le recueil Sur l’art et sur la vie.

F. D.