Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rome (suite)

Avec Paul II et plus encore avec Sixte IV (1471-1484), l’architecture tant civile que religieuse s’affirma en des œuvres insignes. Le premier fit construire à partir de 1455 le palais de San Marco qu’on appela plus tard « de Venise », ville dont le prélat était originaire ; c’est la première grande œuvre de la Renaissance* à Rome et on y trouve encore, avec sa tour d’angle et ses merlons, le souvenir des structures du château-forteresse médiéval. Un peu plus tard, de 1489 à 1496, le cardinal Riario, neveu de Sixte IV, fit construire le palais de la Chancellerie, qui englobe l’ancienne basilique San Lorenzo in Damaso, tout comme dans le palais de Venise est incluse l’ancienne basilique Saint-Marc. On y reconnaît, tant dans la façade que dans la cour intérieure à loggia et dans le grand escalier, une influence de l’architecture du nord de l’Italie. La magnificence nouvelle de ce palais, la noblesse de ses proportions en font un manifeste de la première Renaissance à Rome. On ignore (comme pour le palais de Venise) quel fut son architecte.

C’est le pape Sixte IV qui donna son nom à la fameuse chapelle commencée en 1473 au Vatican et qui devait devenir un des hauts lieux de l’histoire de l’art. Le plan en est très simple, mais les proportions parfaites et, dès le début, il était prévu que les parois en seraient couvertes de fresques. La première série de ces peintures forme une suite ordonnée, de scènes évoquant l’Ancien et le Nouveau Testament et confiée à des artistes originaires de Toscane ou d’Ombrie : Botticelli*, Signorelli*, le Pérugin*, les Ghirlandaio*, Pinturicchio, Cosimo Rosselli. C’est seulement en 1508 que Michel-Ange* Buonarroti, sculpteur florentin dont le premier passage à Rome date de 1496, se voit confier par un autre pape, le terrible Jules II Della Rovere, la tâche de compléter la décoration de la chapelle Sixtine par un ensemble de fresques au plafond. Ce travail titanesque fut terminé en 1512. Beaucoup plus tard, un autre pape admirateur de Michel-Ange, Paul III Farnèse, décida de sacrifier sur un mur des fresques du Pérugin pour y faire peindre le fameux Jugement dernier. C’est donc à l’extrême fin du xve s. que, grâce à l’action des pontifes, leur culture, leur souci de jouer les mécènes, le grand foyer de la Renaissance se déplace de Florence à Rome, qui redevient la capitale des arts et le théâtre d’une des plus éblouissantes floraisons de chefs-d’œuvre.

Après sa première sculpture romaine, le Bacchus de 1496, c’est pour un cardinal français que Michel-Ange sculpta la merveilleuse Pietà de Saint-Pierre, sous le règne d’Alexandre VI Borgia, pontife d’une moralité contestée, mais homme de goût fastueux qui fit construire au Vatican les appartements portant toujours son nom.

Le grand architecte de cette époque est assurément Bramante*, originaire d’Urbino, qui mit au point des formes et des proportions d’un classicisme harmonieux et d’une grande noblesse, adaptées tout naturellement à la Ville Éternelle, où il laissa une empreinte durable et où il se heurta au génie tumultueux de Michel-Ange. Les premières œuvres de Bramante apparurent comme de grandes nouveautés : le cloître de Santa Maria della Pace et surtout le charmant Tempietto de San Pietro in Montorio (1502) ; on retrouve la même perfection des proportions, la même habileté dans l’escalier du Belvédère au Vatican.

Cependant, son principal souci était la reconstruction de la basilique de Saint-Pierre, que Jules II lui avait confiée. Il revint au plan paléochrétien, la croix grecque, avec la seule couverture qui convînt pour un édifice insigne, la coupole. La première pierre fut posée en 1506. Après la mort de Bramante, en 1514, c’est au peintre le plus célèbre que l’on confia la maîtrise de l’ouvrage, à Raphaël*, aidé de Fra Giocondo et de Giuliano da Sangallo*. Raphaël pensait à un plan à croix latine qui resta à l’état de projet. Puis Paul III fit appel à Michel-Ange, qui reprit le plan de son ancien ennemi Bramante et en accentua la majesté, notamment pour la coupole. Il n’eut pas le loisir de la mener à bonne fin. Après sa mort, Domenico Fontana et Giacomo Della Porta la terminèrent d’après ses dessins, avec quelques menues retouches qui n’enlèvent rien à son caractère grandiose.

Raphaël Sanzio, originaire d’Urbino lui aussi, décora les « chambres » du Vatican de fresques qui firent date (chambres de l’Incendie, de la Signature, d’Héliodore) et fut à la tête d’une équipe remarquable où se distinguèrent Giovanni da Udine et Jules Romain*, que l’on retrouve aux « loges », décorées sur les dessins de Raphaël. Un autre de ses grands ensembles orne la villa que le banquier siennois Agostino Chigi se fit construire par Baldassare Peruzzi* entre la via della Lungara et le Tibre et que l’on appela plus tard la Farnesina, du nom de ses nouveaux propriétaires.

Peruzzi, Siennois d’origine, construisit également le curieux palais Massimo alle Colonne (sur le corso Vittorio Emanuele II), dont la façade épouse, par sa convexité, la courbe de la rue. Il montre un souci de l’environnement et de l’urbanisme nouveau pour une époque où la capitale des papes offrait encore un aspect très anarchique.

Les papes et leurs architectes manifestent en effet l’intention de doter Rome de voies commodes. C’est à cette époque que l’on dessine et que l’on construit les vie dei Coronari, della Lungara, di San Celso, di Ripetta, prélude timide à la grande entreprise de Sixte Quint. Antonio da Sangallo* le Jeune, originaire de Florence, travaille surtout à Rome. Dans l’église Santa Maria di Loreto près du Forum, il adopte le plan centré et la coupole. On lui attribue de nombreux palais via Monserrato et via Giulia, qui devient l’artère où font bâtir les grandes familles de Florence (à son entrée s’élève l’église Saint-Jean-des-Florentins, leur sanctuaire national, construite par Léon X de Médicis et où se succèdent J. Sansovino*, Sangallo, Giacomo Della Porta, Carlo Maderno). Jusqu’à la fin de sa vie, Sangallo est occupé par son œuvre majeure, le palais Farnèse, qui sera achevé par Michel-Ange.