Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rome (suite)

Les forums impériaux

En supprimant le Comitium, César lui substitue un nouveau forum fermé par des portiques et enfermant le temple de Venus Genitrix ; cet ensemble, restauré par Trajan et complètement fouillé de nos jours, sert de modèle à Auguste, dont le forum, perpendiculaire à celui de César, enferme le temple de Mars Ultor, dédié en 2 av. J.-C. Vespasien consacre une place carrée à la Paix, Domitien élargit aux dimensions d’un forum la vieille rue de l’Argilète. Trajan enfin crée un ensemble aussi vaste à lui seul que tous les précédents réunis, comprenant le Forum proprement dit, la basilique* Ulpia, les deux bibliothèques encadrant la colonne Trajane et le temple funéraire de l’empereur, ensemble encore élargi par d’immenses marchés de brique qui formaient tout un quartier étage sur les pentes du Quirinal.


Les plaines du bord du Tibre

À cette Rome des collines s’oppose la ville basse des bords du fleuve. Au début, c’est seulement la plaine sud, entre Capitole et Aventin, qui est utilisée, d’abord comme centre commercial ; on y trouve le marché aux bestiaux et celui des légumes, mais aussi de très vieux temples, au pied du Capitole ; c’est là (ancien Forum boarium) que subsistent, presque intacts, deux sanctuaires qui remontent à la fin de la République, l’un circulaire, l’autre rectangulaire. La dépression allongée au sud du Palatin accueille dès le vie s. av. J.-C. le Grand Cirque, où courent les chars. La plaine nord, élargie par un méandre, sera longtemps, sous le nom de champ de Mars, le terrain d’exercice de l’armée. À partir de la fin du iiie s. av. J.-C., elle est envahie par les édifices religieux qui souvent commémorent un triomphe. Le groupe sud s’ordonne autour du cirque installé par Flaminius sur le bord du fleuve ; plus au nord, Pompée construira en 56 av. J.-C. son théâtre et ses jardins, qui rejoignent l’aire sacrée, aujourd’hui dégagée, du portique Minucia (Largo Argentina). Une troisième phase d’urbanisation, commencée par César, sera poursuivie par Agrippa ; celui-ci construit des thermes et un premier Panthéon rectangulaire, que l’actuelle rotonde, extraordinaire nouveauté architecturale d’où dérivent toutes les églises et mosquées à coupoles, remplace sous Hadrien. Les empereurs multiplient aussi les monuments commémoratifs, de l’Ara Pacis augustéenne à la colonne de Marc Aurèle.

En dehors des zones que l’on vient de parcourir, il faut signaler encore, au moins, trois monuments gigantesques et prestigieux : le Colisée (amphithéâtre Flavien), inauguré en 80 apr. J.-C. et qui occupe l’emplacement du lac de la Maison dorée (Domus aurea) de Néron, aux ruines toutes proches ; les deux grands édifices thermaux, celui du sud, construit par Caracalla au début du iiie s., et celui du nord, œuvre de Dioclétien à la fin de ce même siècle.

G. Ch. P.


La Rome médiévale

L’histoire de l’art dans la Rome médiévale est marquée du signe de la continuité. Aucune autre cité au monde n’a perpétué ainsi la tradition antique jusqu’aux Temps modernes. Ce maintien de la tradition peut s’expliquer en partie par la survivance de nombreuses œuvres antiques in situ, il est dû surtout à la volonté délibérée des papes de retourner aux sources. En effet, la Rome du Moyen Âge est pontificale. Cela est si vrai que pendant les périodes d’éclipsé de la papauté, au xiie s. par exemple, lors de la lutte du Sacerdoce et de l’Empire, au xive s., lors de l’exil des souverains pontifes en Avignon, l’art entre en sommeil à Rome. Mais, lorsque les papes sont forts, ils bâtissent des églises et les ornent, ils sont les mécènes de la ville. La tradition antique qu’ils conservent est celle de la chrétienté triomphante du ive s., de la Rome constantinienne, et il est bien difficile de tracer une ligne de partage entre l’art romain du Bas-Empire et celui du haut Moyen Âge. À Rome, plus qu’ailleurs, l’art paléochrétien* se poursuit au-delà de l’Antiquité proprement dite. Et le retour périodique aux modèles de celle-ci, au ixe s., au xiie s., a assuré la transmission au monde occidental de son patrimoine. Il y a enfin un paradoxe dans l’histoire de l’art romain médiéval, c’est que cet art, imprégné d’Antiquité, ne s’est jamais rallié aux grands courants occidentaux de l’art roman et de l’art gothique et que, pourtant, il a fasciné les chrétiens médiévaux de l’Europe occidentale, qui ont souvent tenté de l’imiter. Ainsi la vieille basilique Saint-Pierre au Vatican, bâtie au ive s., n’a été démolie qu’à partir du milieu du xve s. et a longtemps inspiré les constructeurs d’églises more romano, « à la manière de Rome », comme on écrivit au ixe s. à propos de l’abbatiale germanique de Fulda. Saint-Pierre fut modifiée au cours des âges ; dès le viie s., l’abside était surélevée et un couloir établi autour, couloir considéré comme un ancêtre lointain des déambulatoires romans.

Luttes, destructions, reconstructions se succédèrent à Rome bien au-delà du Moyen Âge, au point que pratiquement aucun édifice n’a conservé son état d’origine. Le souci de continuité a conduit à des remaniements et à des restaurations nombreuses de la plupart des églises anciennes de Rome. Ainsi, la basilique Saint-Clément remonte au ve s., mais seulement pour ce qui est de l’église inférieure, d’ailleurs transformée au ixe s. Presque complètement détruite en 1084 par les Normands de Robert Guiscard, elle fut rétablie entre 1085 et 1115 par le pape, qui fit refaire en partie le décor intérieur et fit construire au-dessus l’église haute avec son atrium. D’autres monuments ne conservent plus que quelques vestiges de leurs origines, tel Saint-Paul-hors-les-Murs, incendié en 1823 et rebâti sur le modèle paléochrétien ; des mosaïques de l’arc triomphal ont été conservées, ainsi que le chandelier pascal de la fin du xiie s. et le tabernacle du maître-autel de la fin du xiiie, par Arnolfo* di Cambio.

L’art romain médiéval passe par trois grandes étapes : la suite de l’art paléochrétien, jusqu’au viiie s. ; le ixe s., sous l’impulsion de l’empire carolingien et de son alliance avec la papauté ; les xiie et xiiie s. Le xive s., si fécond en Toscane, a laissé peu de traces à Rome à cause de l’exil d’Avignon, puis du Grand Schisme* d’Occident, et c’est sans transition que la Ville Éternelle a pénétré dans la Renaissance*.