Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rome (suite)

La condition économique des Romains au Moyen Âge est, en outre, misérable. La campagne est vide, et il n’y a ni industrie ni commerce. Les affaires ne se font que grâce à la présence de pèlerins déjà nombreux, aux monastères, à la cour pontificale. L’institution du jubilé par Boniface VIII, en 1300, améliore la situation, mais la « captivité » d’Avignon* (1309-1376) et le Grand Schisme* d’Occident (1378-1417) font disparaître les avantages que les Romains tiraient de la présence du Saint-Siège. La ville se retrouve aussi désertée qu’aux pires moments du vie s. L’autorité du pape n’existe plus, mais la noblesse guerrière est toujours là : les Colonna tiennent le nord de la ville, les Orsini le sud, les Savelli l’Aventin. La population se groupe dans le champ de Mars et la Subure, au milieu de potagers et de vignes ; églises et couvents sont parfois fortifiés, parfois déserts, parfois effondrés. Il ne reste plus beaucoup de prêtres. Mais il y a des brigands partout. Enfin, le pape rétablit progressivement son pouvoir. Nicolas V (1447-1455) consolide définitivement la papauté. Il anéantit le dernier mouvement populaire, dirigé par Stefano Porcari, un révolutionnaire qui se recommandait de Caton. La tradition médiévale de républicanisme, hostile au Saint-Siège, dure depuis le xe s. Elle laisse des traces durables, et les papes restent méfiants : sous Paul II (1464-1471), encore, les membres de l’Académie romaine sont emprisonnés sur suspicion de républicanisme.


La Renaissance de Rome

En ce xve s., où Rome renaît véritablement, la commune, avec un sénateur et trois conservateurs, coexiste avec un gouverneur, vice-camerlingue, qui représente le pape et détient le pouvoir réel. Le sénateur lui-même est choisi par le pape. Quant à la justice, la révision des statuts romains, en 1469, l’a fait dépendre également de l’Église en totalité. L’autorité pontificale se trouve affermie aussi grâce à l’argent : la fiscalité universelle, mise au point au temps d’Avignon, permet à la ville de sortir de ses ruines. Au Moyen Âge, on avait remanié des édifices, mais on n’avait rien construit. À présent, de grands travaux sont entrepris. Le Latran a été abandonné pour le palais qui s’édifie près de la basilique Saint-Pierre, dont la reconstruction est entreprise. Les papes président à la rénovation urbaine en perçant de nouvelles rues. Les ennemis de la papauté renoncent à lutter contre elle, et tous bâtissent : on voit s’élever des palais qui ne sont plus fortifiés (palais Colonna, villa Farnésine, palais de la Chancellerie, palais de Venise). Bramante*, Michel-Ange*, Raphaël* participent aux travaux, appelés par Jules II (1503-1513). Les antiquités sont recherchées : on fait des fouilles pour trouver des objets d’art. Le début des collections du musée du Vatican date de ce temps. Sous Léon X (1513-1521), l’accumulation de richesses se poursuit : Rome est la ville la plus luxueuse, la plus somptueuse. L’humanisme et l’archéologie, la théologie et la philosophie sont pratiquées avec passion. La cour pontificale est brillante. Les 55 000 habitants sont souvent aisés.

Le sac de Rome par les troupes de Charles* Quint, en 1527, arrive comme une catastrophe. Les armées comptent des luthériens fanatiques. Aucun palais, aucune basilique n’échappe au pillage. Les Espagnols tuent, les Allemands profanent. La famine et la peste complètent leur œuvre. Rome y perd le flambeau de la Renaissance artistique et littéraire. Mais la papauté trouve de nouvelles ressources, une énergie nouvelle. S’appuyant sur l’autorité que lui confère le concile de Trente*, elle commande la lutte contre le protestantisme, et elle accueille et soutient Oratoriens et Jésuites. Les années saintes attirent des flots de pèlerins : on en vit 210 000 ensemble en 1600. Les travaux de construction et de rénovation urbaine se poursuivent. Sixte Quint (1585-1590) perce de nouvelles rues et multiplie les fontaines. Les ressources pontificales proviennent des taxes traditionnelles touchant l’Église entière et la population de Rome, mais aussi de l’exploitation de l’alun de Civitavecchia et de l’émission d’emprunts. La banque romaine est active. Mais la fiscalité maintient les habitants dans un état de pauvreté ; la noblesse, endettée, vit en parasite de la papauté. Le ravitaillement est difficile, ce qui amène à interdire l’exportation des céréales (1562). Aux pèlerins s’ajoutent à présent les artistes d’Europe, pour qui le voyage à Rome est un élément traditionnel de leur formation. Ils viennent nombreux, accompagnés de quelques touristes fortunés. Des académies artistiques sont fondées par les nations intéressées. Grande est l’animation sur les chemins qui mènent à Rome, en dépit des explosions périodiques de banditisme. La population atteint 165 000 âmes en 1789.

La Révolution française provoque une impression profonde sur les Romains ; elle fait perdre au pape la moitié de ses ressources extérieures. Des Français rêvent de « délivrer la Rome antique du joug des prêtres ». Mais les Romains tuent un Français qui arborait une cocarde tricolore à Rome (1793). En 1797, un incident du même ordre sert de prétexte pour occuper Rome (1798). Une éphémère République romaine est constituée ; mais les républicains ne sont qu’une poignée. Et les Français semblent venus pour piller : les commissaires des Arts opèrent avec zèle dans les musées. La situation se détend ensuite grâce aux dispositions bienveillantes de Bonaparte, qui ménage le pape, jusqu’au jour où Pie VII (1800-1823) se refuse à participer aux mesures de blocus. L’empereur fait occuper la ville, où les incidents se multiplient. Rome est proclamée ville libre et impériale, mais la population reste hostile. Le pape est prisonnier. Un sénat se recrute tant bien que mal parmi l’aristocratie (1809). Le préfet Charles de Tournon réalise quelques fragments d’un grand projet d’urbanisme (Pincio, piazza del Popolo).

Après la chute de Napoléon Ier , les papes recouvrent leur pouvoir, qu’ils exercent à partir de 1814 avec une rigueur qui paraît alors anachronique. Les Jésuites, l’Inquisition, les anciens privilèges réapparaissent. La révolution* de 1848 établit une nouvelle République, toujours éphémère, car la France se charge de restaurer le gouvernement pontifical par la force en 1849, puis lui assure le secours d’une garnison française. Le départ de celle-ci entraîne la chute immédiate du pouvoir temporel du Saint-Siège ; Rome devient alors la capitale du royaume d’Italie, et le palais du Quirinal la résidence du roi (1870-1871).