assurances sociales (suite)
La France, elle, se signale par un retard d’autant plus curieux que le financement tripartite (assuré-employeur-État) d’une assurance obligatoire semble bien avoir été l’œuvre de ses administrateurs. En effet, le règlement royal du 23 septembre 1673 avait ordonné d’effectuer une retenue sur les soldes des équipages de la marine royale en vue de la construction d’hôtels pour les invalides à Rochefort et à Toulon ; en 1689, Seignelay abandonna le projet, mais conserva la cotisation, qui constituait l’un des éléments du financement d’une pension d’invalidité pour les marins de l’État. En 1709, Pontchartrain étendit le bénéfice de cette « demi-solde » aux marins blessés au service des négociants et armateurs du royaume. La Caisse des invalides de la marine, financée par une triple cotisation (marin-employeur-État), prit vite de l’importance et devint un véritable organisme d’assurance invalidité-vieillesse obligatoire, qui s’ouvrit en 1823 aux marins pêcheurs.
Il est vrai que la mise en place de la législation française d’assistance s’étend de 1893 (dix ans après l’assurance maladie de Bismarck) à 1913. En 1898, la mutualité est encouragée et, en 1910, est votée la loi sur les retraites ouvrières et paysannes (R. O. P.), qui pose le principe d’une assurance vieillesse obligatoire financée par des cotisations des salariés et de leurs employeurs avec intervention ultérieure d’une participation de l’État. Discutée par les salariés autant que par les employeurs et sabotée par les tribunaux, la loi ne connaîtra qu’une application relative au début de la Seconde Guerre mondiale (40 p. 100 seulement des effectifs prévus). Cependant, en 1928 est adopté un système d’assurances sociales (maladie-maternité-invalidité et vieillesse) inspiré des assurances allemandes du xixe s. Mais c’est un système amoindri qui entre en application en 1930 en faveur des salariés les moins payés ; le caractère interprofessionnel qui oppose l’assurance sociale à l’assurance de droit commun (dont le caractère international apparaît dans le cadre de la réassurance) n’est pas complètement adopté, du fait qu’un régime spécial — à cadre corporatif — est prévu pour l’agriculture.
Dans cette même entre-deux-guerres, les assurances sociales obligatoires apparaissent ou s’améliorent d’ailleurs dans presque toute l’Europe (les lois tchécoslovaques qui se développent entre 1919 et 1929 apparaissent souvent à l’observateur comme particulièrement favorables aux assurés) et en Amérique latine (Chili, 1925 ; Pérou, 1936 ; Brésil, 1933-1936), aux États-Unis (Social Security Act, 1935) et en Australie (1938).
Le passage d’un système d’assurances sociales au système de la sécurité sociale, qui caractérise la période suivant la Seconde Guerre mondiale, paraît avoir été amorcé par deux législations : celle qui s’est développée en U. R. S. S. de 1917 à 1933, où « les assurances sociales ne constituent que l’un des chaînons d’un système politique, économique et administratif d’ensemble », et celle qui a été adoptée en 1938 par la Nouvelle-Zélande, dont certaines caractéristiques sont encore aujourd’hui considérées comme pouvant servir de modèle à la plupart des législations nationales.
Alors que l’assurance sociale était caractérisée par une volonté de solidarité interprofessionnelle, la sécurité sociale correspond au désir d’une solidarité nationale ; dans la mesure où cette dernière joue en faveur non seulement des salariés les plus défavorisés, mais de toute la population active ou même de toute la population du pays, des problèmes de financement nouveaux se posent, qui s’apparentent à ceux que doivent résoudre les autorités financières en matière de répartition des charges budgétaires.
R. M.
➙ Accident du travail / Aide sociale / Assurance / Décès / Familiale (politique) / Invalidité / Maladie / Maternité / Santé / Sécurité sociale / Transferts sociaux / Vieillesse.
