Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

romance (suite)

Du café-concert au music-hall

Le répertoire du café-concert, s’il est abondant, n’est pas toujours de qualité. Cependant, quelques romances créées au caf conc’ ont connu un succès durable : le Temps des cerises (J.-B. Clément-Renard), la Tour Saint-Jacques (Darcier-G. E. Hachin), Le printemps chante (P. Marinier). Au Chat-Noir, on applaudit les romances de Paul Delmet (1862-1904).

Le mot romance n’apparaît que rarement dans la chanson contemporaine : la Romance de Paris (Charles Trenet, 1941) ; la Romance au bord de l’eau (D. R. White - P. J. Lapeyres, 1943) ; la Romance (J. Holmès, 1963) ; cependant, on peut estimer que certaines chansons à succès se rattachent à la romance sans en respecter toujours les caractéristiques : Parlez-moi d’amour (J. Lenoir, par Lucienne Boyer), Chanson tendre (J. Larmanjat - F. Carco), Un jour tu verras (G. Van Parys - M. Mouloudji), À l’ombre du cœur de ma mie (Brassens), l’Odeur des roses (Louis Ducreux), l’Étang chimérique (Léo Ferré), Écoutez la ballade (F. Lemarque), les Feuilles mortes (J. Prévert - J. Kosma).

F. V.

➙ Café-concert / Chanson / Music-hall.

romancero (le)

Dans la littérature espagnole, nom donné à plusieurs séries de collections de romances (poèmes narratifs) d’une même facture.



Le « vieux romancero »

Il a été constitué entre 1547 et 1551 (Cancionero de romances [sin año], Anvers, v. 1547 [reproduit par Ramón Menéndez Pidal à Madrid en 1914 et en 1945] ; 2e édition, corrigée et augmentée, Anvers, 1550 [rééditée par Antonio Rodríguez Moñino, Madrid, 1957] ; Silva de varias romances, Saragosse, 1550 [rééditée par Antonio Rodríguez Moñino, 1970]). Les compilateurs ont tiré leurs poèmes — environ 250 — de chansonniers ou de « feuilles » imprimées dans la première moitié du siècle, ainsi que des contributions orales d’amateurs de romances. Le genre emporte vite la faveur du public. En 1550, Alonso de Fuentes publie à Séville Cuarenta Cantos de diversas y peregrinas historias ; en 1551, Lorenzo de Sepúlveda donne à Anvers Romances nuevamente sacados de las historias antiguas de la Crónica de España ; en 1583, Pedro de Padilla recueille des romances tant légendaires qu’historiques sur les guerres du temps de Charles Quint et de Philippe II ; en 1573, l’imprimeur, libraire et écrivain Juan de Timoneda publie à Valence, sous le titre général de Rosa de romances, quatre recueils où, à vrai dire, l’on distingue mal ce qui lui revient et ce qui revient à l’école.


Le « nouveau romancero »

À partir de 1582, les poètes de la jeune génération exercent leur plume et leur esprit sur des thèmes à la mode : la pastorale, l’amour frivole et même burlesque, les aventures des prisonniers des Barbaresques, la vie galante et courtoise des Mores de Grenade avant 1592 et des Morisques depuis lors. Bergers, captifs et Mores ne sont que des masques, et leurs aventures que d’ingénieuses fantaisies présentées comme telles. Ces romances sont recueillis entre 1600 et 1605 dans le Romancero general (treize parties et un recueil complémentaire), qui sera réédité en 1904 à New York et en 1947 à Madrid. Les 1 392 compositions qui y figurent sont anonymes ; mais, bien souvent, on peut identifier leurs auteurs : un Lope de Vega*, un Góngora*, un Cervantès*, entre autres. La vogue du romance artistique amena un regain de faveur aux vieux romances, que l’on imita ou que l’on utilisa notamment dans la comédie (les Jeunesses du Cid, 1618, de Guillén de Castro).


Le « romancero moderne »

Le romantisme fit un sort au romancero espagnol tant en Allemagne qu’en Angleterre et en France. Il y voyait l’expression spontanée du « génie populaire ». À partir de 1828, Agustín Durán recueille les vieux et les nouveaux romances des vieilles collections. Il les publie dans son Romancero general, qui tient deux tomes de la « Biblioteca de autores españoles ». Deux érudits allemands, F. Wolf et C. Hofmann, les classent, les annotent et en publient les plus représentatifs dans leur Primavera y flor de romances (Berlin, 1856). Marcelino Menéndez y Pelayo les réunit à son tour dans son Antología de poetas líricos castellanos (1890-1908), rééditée à Santander en 1945.


Le « romancero populaire »

Tout au long des xviiie, xixe et xxe s., le moule du romance est utilisé pour la diffusion, dans les classes illettrées, de faits divers locaux, régionaux ou même nationaux, de crimes passionnels, de scandales galants, de meurtres dans la pègre, de procès à sensation et d’actes de banditisme. Les créateurs et les colporteurs de ces romances sont souvent des aveugles, qui les chantent et les vendent dans les villages et les quartiers populaires des villes.


Le « romancero traditionnel »

Le plus abondant des romanceros est certainement constitué par les romances traditionnels, transmis en milliers de variantes de génération en génération, surtout dans les communautés coupées de la culture vivante, dans la montagne d’Espagne, en Amérique, en Afrique du Nord, en Asie Mineure et dans les Balkans. Les folkloristes du xixe s. les ont patiemment recueillis et les historiens érudits du xixe et du xxe s. ont étudié leurs modes de transmission jusque dans la mémoire des paysans galiciens, portugais, catalans, castillans, américains et des juifs sefardim. Ils y ont trouvé d’utiles compléments au vieux romancero, dont, en partie, ces poèmes sont dérivés. Menéndez Pidal en a publié la théorie et l’histoire dans Romancero hispánico (Madrid, 1953). Cet ouvrage est complété par le Romancero tradicional de las lenguas hispánicas, recueil dont deux tomes sont parus respectivement en 1957 et en 1963, l’un sur le roi Rodrigue et Bernado del Carpio, l’autre sur les contes de Castille et les infants de Lara. Les compilateurs ne font pas de différence entre les romances recueillis récemment et les romances oubliés, inclus dans les vieilles collections. Ils supposent qu’un seul même « peuple » a élaboré poétiquement et comme à coups de pouce depuis le xe s. jusqu’à nos jours les données de l’histoire telle qu’il la vivait. De fait, les romances surgissent à partir du xve s. dans l’aristocratie ; ils glissent au xvie s. dans la bourgeoisie lettrée, qui leur donne une tout autre signification et accroît leur thématique ; ils tombent dans la tradition sefardi à partir du xvie s. ; et c’est au plus tôt au xviie s. qu’ils commencent à se répandre dans la paysannerie espagnole. Cette lente popularisation s’accompagne d’une dégradation de la qualité littéraire. Le romancero traditionnel des lavandières et des bergers, essentiellement romanesque, traite des amours des infantes et des exploits des preux. Il ne s’engrène pas sur la vie quotidienne, faute d’un contenu idéologique. On comprend toutefois l’attrait sentimental des romances pour des communautés qui cherchent à se ressourcer culturellement dans leur histoire. C’est le cas de l’« hispanité », notion antisociologique fondée sur la langue et sur la « race ». C’est le cas des sefardim, disséminés par l’exode, qui essaient d’étoffer par une tradition littéraire une unité fondée sur le rite religieux et sur la langue. Les textes recueillis sont remplis de termes catalans, galiciens, turcs, slaves ou hébreux, de patois, d’argot ou de sabir.