Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rokossovski (Konstantine Konstantinovitch) (suite)

Promu maréchal en 1944, il entre à Dantzig et prend liaison le 3 mai 1945 près de Wismar avec les forces britanniques du général Dempsey. En 1949, Rokossovski est mis à la disposition du gouvernement polonais, qui en fait son ministre de la Défense. Durant sept ans, il se consacre à la réorganisation de l’armée polonaise avec le concours de plusieurs centaines d’officiers soviétiques.

Maréchal de Pologne, membre du bureau politique du parti communiste polonais, Rokossovski sera rappelé en U. R. S. S. en 1956 et nommé l’année suivante commandant militaire de la région de Transcaucasie. Suppléant du ministre de la Défense en 1958, il devient en 1961 membre suppléant du bureau du parti communiste soviétique, et en 1962 inspecteur général des forces armées soviétiques.

Rokossovski a écrit fréquemment dans l’Étoile rouge (Krasnaïa zbezda), où il a jugé sévèrement les souvenirs de certains généraux. Il a pourtant laissé des Mémoires publiés en 1968 sous le titre le Devoir du soldat, dans lesquels il fait l’éloge de Staline, « chef compétent, ferme et exigeant ».

L. A.

Rolland (Romain)

Romancier, auteur dramatique et essayiste français (Clamecy 1866 - Vézelay 1944).


Romain Rolland consacra toute son existence à la réalisation d’un double idéal : la liberté et la littérature. Son œuvre foisonnante, mais animée par une pensée toujours fidèle et attentive au monde, est le fruit de la liberté dans la littérature et de la littérature pour la liberté. Comment comprendre, sinon par cette ouverture du cœur et de l’esprit, la diversité de la production de R. Rolland, le lien qui rattache, par exemple, son grand roman Jean-Christophe à cet autre cycle qu’est l’Âme enchantée, ou bien tel de ses essais, Empédocle d’Agrigente, à ce conte savoureux qu’est Colas Breugnon ? Romain Rolland fut toujours un écrivain « engagé », mais engagé dans la vie de son œuvre, dans le monde de son œuvre, parce qu’il était engagé dans la création d’un monde qu’il voulait aussi grand, aussi humain qu’une œuvre. Jamais il ne fut un écrivain « embrigadé ». D’où l’unité de sa production derrière tant de diversité, d’où la volonté, la noblesse et l’humanité de ce visage qui, pour de nombreux lecteurs, reste à jamais celui de Jean-Christophe, le musicien de la vie.

Romain Rolland fut, avant tout, une conscience libre : il vécut les deux guerres mondiales et les années tragiques qui les ont séparées ; sa pensée, attentive à ce drame de l’humanité, sut en refléter le angoisses, les illusions et les espoirs.

Se trouvant en Suisse pendant la Première Guerre mondiale, au service de l’Agence des prisonniers de guerre, il proteste contre les atrocités allemandes (Lettre ouverte à Gerhart Hauptmann) et se veut « au-dessus de la mêlée » : ce n’est nullement une « trahison », mais la volonté de préserver sa liberté de penser et d’espérer, cette attitude s’accompagnant de nombreux messages de fraternité, de tentatives pour préserver les valeurs de la civilisation ; « au-dessus de la haine », Romain Rolland est, cependant, incompris.

Il ne l’est pas moins après la guerre : on ne veut voir en lui que l’« intellectuel de gauche », alors qu’il combat au sein des mouvements « humanitaires ». Esprit international, il est l’ami de Gāndhī* et de Gorki*, il préside de nombreuses manifestations (le congrès d’Amsterdam contre la guerre, en 1932) et refuse la médaille Goethe que le gouvernement de Hitler veut lui décerner. Son vrai visage reste pourtant méconnu : ses Mémoires, sa correspondance le dégagent dans toutes ses nuances. R. Rolland s’est expliqué sur sa passion de liberté et de fidélité, se disant essentiellement « religieux » et vigilant : « Il veille. Il épie ce qui vient, les épaves, les récifs cachés... » Cet idéalisme héroïque de penseur désintéressé, cet apostolat de la conscience, il l’a vécu sans faiblesse, dénonçant le matérialisme, l’hypocrisie et l’égoïsme, « la médiocrité de l’âme » et les mensonges du totalitarisme : sa grande passion fut l’humanité et, simplement, la vie authentique, la « vérité vivante » : « Il y a la vie, il y a l’instinct puissant de la vie, il y a l’amour. Ce ne sont pas des rêves, c’est la réalité la plus vigoureuse et la plus profonde. On ne peut les renier sans se mutiler soi-même. » Il veut l’air pur, le vent de la vie : « L’air est lourd autour de nous », écrit-il dans la préface à sa Vie de Beethoven. « Le monde étouffe. Rouvrons les fenêtres. Respirons le souffle des héros [...], de ceux qui furent grands par le cœur. »

Sympathie, générosité, humanisme se confondent pour cet esprit indépendant « d’abord, et avant tout, et contre tout, coûte que coûte ». Romain Rolland sait que la vérité est diffuse, difficile : « Tout comprendre pour tout aimer », tel est l’idéal qui s’ensuit et qui va de pair avec l’exigence d’une absolue sincérité : « Penser sincèrement, même si c’est contre tous, c’est encore pour tous. » Ainsi, sa pensée est le théâtre d’une lutte héroïque pour faire triompher la conscience et la vérité, pour harmoniser le monde intérieur et le monde extérieur : « Je veux former des âmes braves et libres. » Son œuvre littéraire, animée de ce même souffle intérieur, en est la plus fidèle expression.

Elle est tout d’abord l’histoire d’une âme, fidèle à ses instincts et à la liberté de création : « J’ai été forcé par une nécessité intérieure à écrire Colas Breugnon et Liluli [...]. L’hérédité paternelle, rieuse, frondeuse, gauloise, est venue réclamer sa part [...]. Mais ne vous y trompez pas : c’est toujours le même être, sous ses aspects divers. » Philosophe, historien, musicologue, Romain Rolland fut aussi à ses débuts auteur dramatique : ses Tragédies de la foi et son Théâtre de la Révolution, « épopées dramatiques », se proposent de rallumer « l’héroïsme et la foi de la nation », mais n’obtiennent que peu de succès. Le romancier fait oublier le dramaturge : Jean-Christophe fait pâlir Danton.