Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Riemenschneider (Tilman) (suite)

La maturité de la carrière de Tilman Riemenschneider est marquée par l’exécution de retables importants : celui du Précieux Sang à Sankt Jakob de Rothenburg (1501-1505) représente la Cène sur le panneau central et, en bas relief sur les volets latéraux, l’Entrée à Jérusalem et le Mont des Oliviers ; celui de la Vierge à Creglingen (1505-1510) est une œuvre ample et complexe illustrant le thème marial, de l’Annonciation à l’Assomption. Tous deux se caractérisent par un souci d’unité et de cohésion qui conduit le sculpteur à faire évoluer ses personnages devant un arrière-plan percé de baies flamboyantes ; celui-ci fournit un élément d’espace et de profondeur, et intègre les formes dans la composition générale au lieu de les juxtaposer sur un fond nu. L’influence des gravures hollandaises est nette dans ce parti.

Dans la dernière période de la vie de l’artiste, les œuvres prennent un caractère moins personnel. La part de l’atelier dans la réalisation des commandes nombreuses doit être plus importante, mais la production de Riemenschneider se poursuit dans des genres variés, où dominent les statues isolées (Vierge du musée municipal de Sculpture [Liebieghaus] de Francfort ; Crucifix de l’église de Steinach ; Vierge du Rosaire de l’église de Volkach).

Tilman Riemenschneider n’a, sans doute, pas ignoré les recherches de la Renaissance italienne, mais il n’en a pas marqué ses figures, dernières floraisons du gothique, lyriques et mesurées, où les mains, les chevelures, les vêtements servent de support à l’expression de ce réalisme sans excès qui domine toujours son sentiment plastique.

M. L.

 K. Gerstenberg, Tilman Riemenschneider (Vienne, 1941 ; 4e éd., Munich, 1955).

Riesener (Jean-Henri)

Ébéniste français d’origine allemande (Gladbeck, près d’Essen, 1734 - Paris 1806).


Comme André Charles Boulle* sous Louis XIV et Jean-François Œben* sous Louis XV ont exprimé dans leur œuvre le style du meuble de leur époque, Riesener résume dans la sienne celui du temps de Louis XVI. Compagnon d’Œben, Riesener fut choisi pour diriger l’atelier maintenu par la veuve du maître, qu’il épousa en 1768, prenant à cette occasion ses lettres de maîtrise. On trouve l’estampille d’Œben frappée, légitimement, sur de beaux meubles nettement postérieurs à sa mort, en 1763. Maître à son tour, Riesener, adoptant le style « à la grecque », imprime un tour entièrement nouveau à sa production.

Peu de grands ébénistes ont marqué d’un accent aussi personnel leurs ouvrages. Sur le simple thème du secrétaire à volet abattant, Riesener a créé nombre de variantes originales, soit par le dispositif, soit par le décor, que la Wallace Collection et le South Kensington Museum à Londres, le Louvre et le musée Carnavalet à Paris, notamment, se partagent. L’ébénisterie parisienne, vers 1765, avait produit un modèle de commode au caisson légèrement décroché en sa partie médiale : Riesener le transfigure. De la section médiale de la paroi, il fait une sorte de tableau trapézoïdal, dont le décor de marqueterie — trophée, gerbe de fleurs, pile de livres auxquels s’appuie une lyre — se détache sur le fond mosaïque des parties latérales.

Les marqueteries de Riesener offrent un caractère tout particulier : sans doute un peintre, qui reste inconnu, était-il attaché à l’atelier du maître, dont les mémoires comptables ne nomment pas davantage l’habile ciseleur des bas-reliefs et des frises de bronze dont il enrichit ses meubles ; le nom de Gouthière* vient à l’esprit, mais le grand ciseleur avait des émules qui l’égalaient. Des porcelaines peintes, des médaillons de biscuit de Sèvres ont souvent décoré les meubles de Riesener, mais on connaît de lui certains secrétaires d’acajou nu, qui sont des chefs-d’œuvre d’élégance et de justes mesures. On lui doit aussi nombre de petits meubles, tables à gradin, tables à ouvrage, coffrets à bijoux, dont le moindre est marqué d’un accent personnel.

Riesener obtint la succession d’Œben en la charge d’ébéniste du roi, qu’il remplit jusqu’en 1785. Il s’en démit alors, rejetant les disciplines de l’administration du Garde-Meuble, soucieuse d’économies. Il n’en resta pas moins l’ébéniste ordinaire de la reine, dédaigneuse de ces considérations budgétaires, et les ouvrages exécutés pour Saint-Cloud, domaine privé de Marie-Antoinette, comptent parmi les plus exquises réalisations du maître. Survint la Révolution. Le mobilier des palais de la Couronne mis à l’encan, Riesener, qui ne croyait pas à la durée du soulèvement national, racheta ses œuvres. Il dut bientôt s’en séparer, mais à vil prix : le goût public n’était plus à ces délicatesses. Riesener se trouva ruine et eut une fin misérable.

G. J.

➙ Louis XVI et Directoire (styles).

Rifbjerg (Klaus)

Écrivain danois (Copenhague 1931).


Après un an à l’université de Princeton, aux États-Unis, Klaus Rifbjerg lait ses études à l’université de Copenhague de 1951 à 1955. Il épouse en 1955 Inge Andersen et devient scénariste pour la compagnie cinématographique Laterna. Deux ans plus tard, il est critique au journal Information et, à partir de juin 1959, à l’autre grand quotidien, Politiken. Il est aussi corédacteur de la revue Vindrosen de 1959 à 1963, puis de la revue théâtrale Harlekin de 1965 à 1966. En 1966, il est lauréat du prix de l’Académie danoise ; cette dernière le reçoit parmi ses membres dès l’année suivante.

Poésie, roman, théâtre : Rifbjerg s’est essayé avec bonheur à tous les genres. Le recueil de poèmes qu’il publie en 1956, Ayant vent de moi-même, est la première somme de ses expériences de jeunesse ; mais, en 1960, Confrontation exprime de façon plus concise et dans une langue plus originale son sentiment du vécu, la rencontre du moi et du monde. Toutefois, dans Camouflage (1961), Rifbjerg part à la recherche du temps passé, qui a modifié sa conception du monde extérieur. Volière (1962) est une explosion de lyrisme : vingt-cinq portraits d’oiseaux qui volent, piaulent, pépient, picorent et s’ébrouent. Dans Portrait (1963), c’est la personnalité d’une femme que le poète tente de circonscrire, dévoilant tout un univers féminin riche et confus. Les Poèmes d’Amager (1965), écrits dans un style très concis, ne sont que des regards qu’un adulte jette sur son enfance. Avec ses Hymnes nationaux (1967), Rifbjerg lance un défi à l’art et à la morale, et, dans Mythologie (1970), les mythes, modernes et classiques, servent d’arrière-plans aux portraits de personnages célèbres qu’il trace.