Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rickettsioses

Groupe de maladies de la famille des fièvres typho-exanthématiques ayant comme caractères communs leurs agents — des Rickettsies —, leurs vecteurs — des Arthropodes — et leurs caractères cliniques, et associant à des degrés variables fièvre, tuphos (trouble de conscience particulier) et éruption cutanée (exanthème).


On distingue des fièvres cosmopolites épidémiques (essentiellement le typhus), transmises par les Poux, et des fièvres locales endémiques saisonnières, transmises par des Acariens. Si le typhus a régressé grâce à l’éducation sanitaire, certaines rickettsioses « exotiques », elles, ont vu s’élargir leur cadre géographique (fièvre Q).


Rickettsioses cosmopolites

Le typhus exanthématique, dû à Rickettsia Prowasecki, sévit encore dans les pays à hygiène insuffisante ou en état de guerre. La transmission est assurée par les déjections du Pou. Après une incubation de 10 à 15 jours, le début, brutal, est marqué par de la fièvre, des céphalées et des troubles digestifs. L’éruption apparaît au 3e jour ; elle est faite de macules rosées évoluant en une seule poussée. Il existe un état de délire traduisant l’atteinte encéphalitique. Du 7e au 14e jour, l’évolution pouvait, avant les antibiotiques, être aggravée par des complications myocardiques ou de surinfection ; la situation était parfois bouleversée par la crise du 14e jour, annonçant la guérison avec immunité définitive. Actuellement, la guérison est obtenue en quelques jours. Le diagnostic est aisé en cas d’épidémie. Chez des voyageurs revenant d’une zone suspecte il doit être évoqué systématiquement. Il peut être fait par isolement de la Rickettsie ou par sérodiagnostic. Le traitement repose sur le chloramphénicol. La vaccination représente en fait le meilleur moyen de limiter les méfaits de cette affection (3 injections sous-cutanées à 8 jours d’intervalle).

Le typhus murin est une maladie du Rat transmissible à l’Homme par la Puce. Beaucoup moins grave, il est parfois difficile à distinguer du typhus historique dans les formes sévères.


Autres rickettsioses

Les fièvres à Tiques américaines sont dominées par la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, transmise par des Tiques à partir de Rongeurs. L’évolution, autrefois très grave (60 p. 100 de mortalité), a été transformée par l’antibiothérapie.

Le tick typhus du Queensland australien, la rickettsiose varicelliforme des États-Unis, la fièvre boutonneuse du littoral méditerranéen se rapprochent de ces fièvres pourprées en raison de l’existence d’un escarre d’inoculation, de l’intensité de l’éruption, des risques cardio-vasculaires et de l’action remarquable des antibiotiques.

Les rickettsioses asiatiques ont pour chef de file le typhus des broussailles, ou tsutsugamushi. Elles sont transmises par des Thrombididés. On peut en rapprocher certaines rickettsioses africaines en raison de la parenté immunologique des souches responsables.

La fièvre Q (fièvre du Queensland), décrite en Australie, est cosmopolite. Transmise par voie digestive ou aérienne, elle associe un syndrome fébrile, des signes pulmonaires cliniques et radiologiques ainsi qu’une éruption souvent minime. La fréquence des complications de surinfection a diminué depuis l’antibiothérapie. La vaccination est recommandée chez les sujets exposés au contact des animaux vecteurs (tanneurs, vétérinaires).

Si les rickettsioses cosmopolites (typhus historique) sont de plus en plus rares, les rickettsioses exotiques peuvent être observées plus fréquemment du fait des voyages aériens, qui assurent la diffusion des agents pathogènes. La prophylaxie de ces maladies associe la lutte contre les vecteurs et les vaccinations préventives.

P. V.

➙ Typhus.

 T. M. Rivers, Viral and Rickettsial Infections of Man (Philadelphie, 1948 ; 4e éd. par F. L. Horsfall et I. Tamm, 1966).

Ricœur (Paul)

Philosophe français (Valence 1913).


Professeur à la Sorbonne, il demande en 1965 son passage, au sein de la faculté de Paris, de la Sorbonne à Nanterre. Il est momentanément doyen de l’Université Paris-X (Nanterre) [1969 - mars 1970].

Son œuvre est une « philosophie de la volonté », qui va d’une physiologie du vouloir dans le Volontaire et l’involontaire (1950) jusqu’à une éthique et une métaphysique du vouloir dans Finitude et culpabilité (1960). Mais sa contribution la plus importante reste sa confrontation à la psychanalyse et sa réflexion de phénoménologue sur Freud. En 1965 paraît De l’interprétation. Essai sur Freud, où, s’attaquant au problème du symbole, Ricœur prend Freud pour exemple. Il conçoit alors la psychanalyse comme une sorte d’ascèse de la réflexion philosophique qui lui permet d’éliminer les illusions de la conscience. Freud serait également un maître de l’action, dans la mesure où il nous enseigne une sorte d’éducation perpétuelle à la réalité. En 1969, le Conflit des interprétations, en rassemblant des essais d’herméneutique, en réalité éparpillés sur dix années, donne peut-être le panorama le plus vaste et le plus exact de la pensée de Paul Ricœur. Et, tout d’abord, la filiation à l’égard de Heidegger et de Husserl, grâce à qui le problème de la compréhension et de la connaissance historique cessa d’être une simple question de méthode pour devenir une problématique « ontologique » : « La question de l’historicité n’est plus celle de la connaissance historique conçue comme méthode ; elle désigne la manière dont l’existant « est avec » les existants ; la compréhension plus la réplique des sciences de l’esprit à l’explication naturaliste ; elle concerne une manière d’être auprès de l’être, préalable à la rencontre d’étants particuliers. Du même coup le pouvoir de la vie de prendre librement distance à l’égard d’elle-même, de se transcender, devient une structure de l’être fini. Si l’historien peut se mesurer à la chose même, s’égaler au connu, c’est parce que lui et son objet sont tous deux historiques. L’explicitation de ce caractère historique est donc préalable à toute méthodologie. Ce qui était une borne à la science — savoir l’historicité de l’être — devient une constitution de l’être. Ce qui était un paradoxe — savoir l’appartenance de l’interprète à son objet — devient un trait ontologique. » Ainsi, à partir de là, Ricœur définit-il sa propre pensée, sa propre « herméneutique » : « [...] Une élucidation simplement sémantique reste « en l’air » aussi longtemps qu’on n’a pas montré que la compréhension des expressions multivoques ou symboliques est un moment de la compréhension de soi [...]. Mais le sujet qui s’interprète en interprétant les signes n’est plus le Cogito : c’est un existant, qui découvre, par l’exégèse de sa vie, qu’il est posé dans l’être avant même qu’il se pose et se possède. Ainsi l’herméneutique découvrirait une manière d’exister qui resterait de bout en bout « être interprété ». »