Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rhône (le) (suite)

Les perspectives industrielles nouvelles

L’abondance en énergie et en eau constitue d’autre part un facteur de localisation pour les industries nouvelles, tandis que l’équipement du fleuve est intégré de plus en plus étroitement à l’aménagement de l’espace régional et à l’extension des agglomérations lyonnaise et marseillaise. L’électrométallurgie établie à L’Ardoise et prenant le relais des usines alpines trop à l’écart, les installations nucléaires de Marcoule, puis l’usine de séparation des isotopes de Pierrelatte, qui consomme l’équivalent de la production de Bollène (2 TWh), ainsi que les industries de service qui les desservent ont donné un essor considérable à l’agglomération de Bagnols-sur-Cèze et à toute la région située entre Orange et Montélimar, grâce à l’afflux de travailleurs et au mouvement d’affaires qu’elles y ont provoqués. Les zones portuaires et industrielles aménagées sur les biefs jouent leur rôle dans le développement des villes riveraines.

L’aménagement de Pierre-Bénite a été conçu de façon à organiser l’extension de l’agglomération lyonnaise vers le sud et à réaliser la jonction entre le Rhône et la Saône en établissant un plan d’eau unique dans la traversée de la zone urbaine. Il a ainsi conduit à anticiper le programme d’assainissement au sud de Lyon ; les déblais excédentaires du canal de fuite ont servi à établir les infrastructures autoroutières ainsi que les plates-formes de la nouvelle gare de triage de Sibelin et de la zone industrielle qui a accueilli le complexe pétrolier et pétrochimique de Feyzin, d’une capacité actuelle de raffinage de 8,8 Mt ; de Feyzin partent des oléoducs qui alimentent en fuel lourd la centrale thermique de Loire-sur-Rhône, en éthylène les usines chimiques de Balan, près de Lyon, de Tavaux, dans le Jura, et de la région grenobloise. Le bief de Pierre-Bénite constitue d’autre part le maillon central de l’axe fluvial Rhône-Saône à grand gabarit, sur lequel débouchera la liaison vers le Rhin et qui rend le port fluvial Édouard-Herriot, créé avant la guerre sur le Rhône, accessible à la batellerie de Saône. D’autre part, le manque de place disponible dans les vallées de la Saône et du Rhône aux abords de l’agglomération lyonnaise a conduit à en orienter les extensions industrielles sur le haut Rhône canalisé jusqu’au confluent de l’Ain, où va être aménagée sur 2 000 à 4 000 hectares la zone industrielle des Loyettes, dans une région où existent d’importantes ressources en eau qui ont déjà conduit à y installer les centrales nucléaires du Bugey (Saint-Vulbas).

Le prochain achèvement de l’aménagement du Rhône en aval de Lyon, qui comporte à chaque chute une écluse accessible aux grands convois poussés accolée à la centrale, va en faire une grande voie navigable moderne, prolongée par la Saône, dont l’aménagement se poursuit parallèlement, puis par le futur canal du Rhône au Rhin à grand gabarit dont l’achèvement devrait suivre d’assez près l’ouverture de la liaison allemande Rhin-Main-Danube, prévue pour 1981. La canalisation progressive du fleuve et la fonction de Pierre-Bénite ont déjà permis d’élever le trafic à 3,5 Mt, tonnage quadruple du maximum d’avant guerre, mais toujours bien modeste par rapport à celui des grandes voies d’eau européennes.

La réalisation du complexe de Fos, dernière étape de la migration vers l’ouest des installations portuaires marseillaises, inaugurée en 1845 par l’ouverture des bassins de la Joliette, va d’autre part apporter au Rhône de gros volumes de trafic dès que la navigation poussée pourra être développée, en tirant parti des vastes espaces et des abondantes ressources en eau disponibles dans la Crau. Ce complexe est d’abord un ensemble pétrolier qui vient compléter les raffineries de l’étang de Berre, créées avant la guerre et auxquelles s’est jointe en 1965 celle de Fos ; l’ensemble dispose d’une capacité de traitement dépassant 40 Mt et est desservi à Fos par le seul terminal pétrolier de la Méditerranée occidentale où les profondeurs permettent d’accueillir les tankers de 250 000 et de 500 000 tonnes transporteurs de pétrole brut et qui prend le relais des installations de Lavéra, dépourvues de possibilités d’extension ; il est le point de départ du pipe-line Sud-européen, d’une capacité finale de transport de 90 Mt par an, qui alimente en pétrole brut les raffineries de Feyzin, de Cressier au bord du lac de Neuchâtel en Suisse, de Strasbourg, de Lorraine et du sud de l’Allemagne rhénane et dont la mise en service en 1963 a constitué la première liaison du Rhône au Rhin pour des transports massifs. Un oléoduc Méditerranée-Rhône distribue d’autre part les produits raffinés dans la zone de Berre et de Fos et à Feyzin le long de la vallée, ainsi que vers Lyon, Grenoble, Chambéry, Annecy et Genève et sera prolongé sur Dijon et Saint-Étienne. Le complexe chimique développé autour des raffineries expédie également par oléoduc de l’éthylène jusqu’à Saint-Auban sur la Durance, d’où une conduite rejoint dans la région de Grenoble celle qui provient de Feyzin.

Le terminal méthanier de Fos reçoit d’Algérie par bateaux le gaz naturel liquéfié, distribué après regazéification le long du littoral et de la vallée du Rhône jusqu’à Lyon, puis ultérieurement, lors de l’entrée en vigueur des nouveaux contrats, vers le reste de la France et les pays voisins.

Les frigories dégagées lors de la regazéification servent notamment à la fabrication d’oxygène destiné à la sidérurgie, autre grand pôle de Fos. Celle-ci, financée par les entreprises de Lorraine et du Nord, devait produire 3,5 Mt d’acier en 1975, 6 ou 7 en 1980 en utilisant minerais et charbons importés par mer ; elle comporte aussi une usine indépendante d’aciers inoxydables qui fonctionne en liaison avec l’usine de L’Ardoise. Toute une zone est d’autre part réservée aux industries légères et à la manutention des conteneurs, afin de développer le trafic des marchandises diverses.