Rhodes (Cecil) (suite)
Réaliste, Rhodes ne compte pas sur Londres pour accomplir son programme, se méfiant des lenteurs bureaucratiques, des illusions philanthropiques ou religieuses à l’égard des indigènes. Partisan d’une large autonomie pour l’Afrique du Sud, où Britanniques et Afrikaanders œuvreraient de concert, il met au service de cet idéal une énorme fortune acquise dans l’exploitation des mines d’or et de diamants. Il devient bientôt le maître des deux plus puissantes compagnies d’Afrique australe, la « Gold Fields » pour l’or, en 1887, et la « De Beers » pour les diamants, en 1888.
Pour réaliser son rêve d’expansion vers la région des Grands Lacs, Rhodes, qui est entré au Parlement du Cap en 1881, essaie en vain de persuader le gouvernement britannique de prendre en main les destinées du Basutoland. Il a plus de succès au Bechuanaland, qui commande l’artère vitale du Zambèze et qui est placé sous protectorat britannique en 1885 (v. Botswana).
Malgré l’opposition du Transvaal*, où Kruger* se méfie de ses visées, et malgré les réticences de Londres, il réussit à traiter avec Lo-Benguella, chef des Matabélés, et à établir une complète souveraineté, politique et économique, sur un vaste territoire correspondant à l’actuelle Rhodésie. Pour l’exploitation de ces terres, il fonde la British South Africa Company, dotée d’une charte en 1889 et connue ensuite sous le nom de « Chartered ».
Désirant élargir son domaine jusqu’à l’océan Indien, Rhodes, devenu Premier ministre en 1890, se heurte aux Portugais du Mozambique. L’ultimatum de Londres en 1890 et le traité anglo-portugais signé en 1891 sous son influence fixent une limite aux ambitions portugaises et, la même année, la Grande-Bretagne établit son protectorat sur le Nyassaland (actuel Malawi). Lui-même étend en 1894-95 l’autorité de la Chartered sur le territoire de l’actuelle Zambie. Le sud du lac Tanganyika est atteint, mais la jonction avec l’Ouganda britannique, où se trouve Kitchener, ne peut se réaliser, car les Allemands sont installés en Afrique orientale (actuelle Tanzanie). Toutefois, la liaison du Cap au Caire est en bonne voie à la fin du siècle ; grâce à l’énergie de Cecil Rhodes, la puissance britannique règne sans partage et d’une manière continue de l’Égypte à l’Ouganda et du lac Tanganyika au Cap.
La carrière politique de Cecil Rhodes est brisée par sa malheureuse intervention contre les Boers du Transvaal. Pour obliger les républiques boers à se fondre dans les colonies britanniques, il a essayé d’abord de les étouffer en les entourant de petits protectorats britanniques (Zoulouland, Swaziland, Tongaland) ; dans le même but, il encourage la révolte des colons étrangers installés au Transvaal, mais le « raid Jameson » (29 déc. 1895 - 2 janv. 1896), pour les appuyer, est un échec, et Rhodes perd son poste de Premier ministre.
Il revient alors s’établir en Rhodésie, où il fait construire le chemin de fer reliant Salisbury au lac Tanganyika, toujours dans l’espoir de favoriser son projet de liaison du Cap au Caire, et il établit un télégraphe transafricain qui atteint l’Égypte en passant par les possessions allemandes d’Afrique orientale.
Il meurt à Muizenberg, dans la colonie du Cap, le 26 mars 1902 ; son corps est ramené à Matopo Hills, près de Bulawayo, dans le pays qui porte toujours son nom.
P. P.
➙ Rhodésie.
B. Williams, Cecil Rhodes (Londres, 1938). / S. G. Millin, Rhodes (Londres, 1933 ; 2e éd., 1952). / G. Oudard, Cecil Rhodes (Gallimard, 1953).