révolution russe de 1905 (suite)
Dès son arrivée à Saint-Pétersbourg, Lénine prône l’insurrection armée. Les bolcheviks commencent à s’y préparer. À peine le soviet de Saint-Pétersbourg se lance-t-il dans l’affrontement armé que ses dirigeants, Trotski notamment, sont arrêtés et déportés. Le développement de la répression, dont les consignes « Pas de prisonniers », « Ne pas ménageries cartouches » illustrent la vigueur, incite les bolcheviks de Moscou à prendre l’initiative. Le 18 (5) décembre, le comité de Moscou du P. O. S. D. R. décide de proposer au soviet de la ville de transformer la grève en grève insurrectionnelle. Et, le 22 (9) décembre, les premières barricades s’élèvent. Pendant neuf jours, plusieurs milliers d’ouvriers, dont un millier seulement possèdent un fusil, résistent aux soldats du tsar. Mais la concentration des troupes, le morcèlement de l’insurrection et l’arrestation d’une partie des dirigeants bolcheviks de Moscou ont raison du soulèvement le 31 (18) décembre.
D’autres insurrections éclatèrent également à Krasnoïarsk, à Perm, à Novorossisk, à Sormovo (près de Nijni-Novgorod), à Sebastopol et à Kronchtadt ainsi que dans des villes non russes de l’empire : Gorlovka, Aleksandrovsk ou Lougansk, en Ukraine. Toutes sont écrasées dans des conditions analogues à celle de Moscou.
La défaite de l’insurrection marque un coup d’arrêt pour la révolution, et les grèves qui réapparaissent çà et là en 1906 et en 1907 ne sont que les séquelles d’un mouvement qui se meurt. Nicolas II le sent bien, qui, dès décembre, affronte les libéraux sur le terrain politique : le 24 (11) décembre, il promulgue un oukase sur les modalités d’élection de la douma qui favorise les propriétaires fonciers. La contre-révolution politique est engagée : la première et la deuxième douma s’étant montrées insuffisamment dociles, le tsar les dissout successivement le 21 (8) juillet 1906 et le 16 (3) juin 1907, et le même jour est promulgué un nouveau statut électoral, qui défavorise encore la représentation des libéraux et des couches laborieuses. À quoi s’ajoute la chasse aux sociaux-démocrates, contraints de s’exiler et d’entrer dans la clandestinité, s’ils ne veulent pas être arrêtés et déportés.
Une répétition générale
On ne peut s’empêcher de rapprocher les événements de 1905 de ceux de 1917 : soulèvements, grève générale, constitution des soviets, ébauche de convergence entre le mouvement ouvrier et le mouvement paysan, rôle prépondérant de la classe ouvrière, tout cela se retrouve amplifié et approfondi dans la grande révolution de 1917.
En dépit de son échec, la révolution de 1905 comporte des conséquences essentielles. En premier lieu, elle a formé par l’expérience les cadres de la révolution et elle a éprouvé la justesse de la tactique définie par les bolcheviks dès juillet 1905 (grève politique de masse, organisation de comités ouvriers et paysans, mobilisation des masses en vue de l’insurrection). Force est de reconnaître que les événements ont suivi le cours préconisé par le P. O. S. D. R. Reste à tirer les leçons des erreurs ou des insuffisances, à se préparer pour mieux réussir ou à saisir une situation plus favorable. Mais Lénine a pu écrire : « Sans la répétition générale de 1905, notre victoire de 1917 eût été impossible. »
En second lieu, le tsarisme s’est engagé sur la voie d’une monarchie constitutionnelle. Si la représentation populaire est faussée, la douma peut servir de tribune de propagande aux partis révolutionnaires ; les partis ouvriers ou paysans peuvent s’y exprimer, faire entendre leurs revendications. Modification timide, que le tsarisme ne saura ni prolonger ni accompagner des réformes économiques et sociales qui auraient assuré à la Russie la voie de la démocratie bourgeoise libérale. Reproduisant délibérément les conditions qui ont provoqué la révolution de 1905, le tsarisme contribuera, à sa manière, à faire de 1905 une répétition générale.
G. H.
➙ Lénine / Nicolas II / Russie / Trotski.
La Révolution russe de 1905 (Éd. de la Nouvelle Critique, 1956). / J. Baynac et coll., Sur 1905 (Champ libre, 1974).