Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

révolution (sociologie de la) (suite)

Conclusion

La sociologie des révolutions ne prétend pas remplacer l’histoire des révolutions, mais, par des analyses systématiquement comparatistes, l’aider à mieux cerner les questions pertinentes qu’il convient de poser aux faits. Il semble que les recherches devraient s’orienter dans plusieurs directions.

En premier lieu, il faut déterminer qui sont les révolutionnaires, quels sont leur origine sociale, leur tempérament, leur nombre, leurs qualités... En deuxième lieu, il faut définir les fins qu’ils poursuivent, leur idéologie, la manière dont ils perçoivent la situation présente et la société qu’ils prétendent instaurer. En troisième lieu, il convient d’analyser de près les situations de crise, qui mettent la révolution à l’ordre du jour ; l’appréciation est particulièrement délicate, car il faut confronter, d’une part, les forces qui agissent dans le sens du bouleversement et, d’autre part, les facteurs de stabilité inhérents au système politique et social considéré. Enfin, il faut s’attacher au déroulement de la révolution elle-même, à la manière dont les groupes orientent leur stratégie et les événements que leur confrontation inscrit dans les faits ; on doit également préciser les résultats effectifs atteints, au-delà des projets et des intentions, en un mot tenter de dresser un bilan. Il va sans dire que c’est là une tâche qui, bien souvent, excède les possibilités de la science : comment construire le bilan de la Révolution française, alors que ses effets n’ont probablement pas encore fini de se faire sentir et que, de fait historique particulier et contingent, elle est devenue un mythe qui continue à agiter les passions à travers le monde ?

J. B.

 K. von Clausewitz, Vom Kriege (Berlin, 1832-1834, 3 vol. ; trad. fr. De la guerre. Éd. de Minuit, 1955, nouv. éd., U. G. E., 1965). / A. de Tocqueville, l’Ancien Régime et la Révolution (Lévy frères, 1856 ; nouv. éd., Gallimard, 1952-53, 2 vol.). / G. Landauer, Die Revolution (Francfort, 1907, nouv. éd., 1923 ; trad. fr. la Révolution, Champ libre, 1974). / M. F. Scheler, Über Ressentiment und moralisches Werturteil (Leipzig, 1912 ; trad. fr. l’Homme du ressentiment, Gallimard, 1933, nouv. éd., 1970). / V. Pareto, Trattato di sociologia generale (Florence, 1916, nouv. éd., Milan, 1964, 2 vol. ; trad. fr. Traité de sociologie générale, Droz, Genève, 1968). / M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft (Tübingen, 1922, 4e éd., Berlin, 1965 ; trad. fr. Économie et société, Plon, 1971). / P. A. Sorokin, Sociology of Revolution (Philadelphie, 1925). / C. C. Brinton, Anatomy of Revolution (New York, 1938 ; nouv. éd., 1952). / A. Camus, l’Homme révolté (Gallimard, 1951). / R. Aron, Paix et guerre entre les nations (Calmann-Lévy, 1962). / H. Arendt, On Revolution (New York, 1963 ; trad. fr. Essai sur la révolution, Gallimard, 1967). / A. Decouflé, Sociologie des révolutions (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968 ; 2e éd., 1970). / J. Baechler, les Phénomènes révolutionnaires (P. U. F., 1970). / P. Calvert, A Study of Revolution (Londres, 1970). / T. R. Gurr, Why Men Rebel (Princeton, 1970). / H. Marcuse, Counterrevolution and Revolt (Boston, 1972 ; trad. fr. Contre-révolution et révolte, Éd. du Seuil, 1973). / C. Castoriadis, l’Institution imaginaire de la société (Éd. du Seuil, 1975). / N. Poulantzas et coll., la Crise de l’État (P. U. F., 1976).

Révolutions d’Angleterre

Nom donné par les historiens aux deux révolutions qui ont marqué l’histoire anglaise au cours du xviie s., et qui sont successivement : la Révolution d’Angleterre (1642-1649) et la Glorieuse Révolution (1688-89).



La Révolution d’Angleterre (1642-1649)

La Révolution d’Angleterre a vu son importance longtemps sous-estimée par rapport à celle de la Révolution française dans la mesure où l’on s’est d’abord contenté de l’expliquer en termes constitutionnels ou religieux (voir par exemple l’étude de Guizot, qui l’a révélée au public français). Mais grâce, en particulier, à Max Weber*, les aspects économiques et sociaux du conflit ont été découverts : si on le comprend en fonction de l’affirmation du capitalisme et du développement des couches sociales capitalistes, l’événement révèle toute sa richesse.


Les causes de la Révolution

Certes, à première vue, la cause du conflit qui opposa le Parlement d’Angleterre au roi est essentiellement politique. C’est en effet au Parlement qu’il appartient d’accorder au roi le droit de lever les impôts directs. Or, dès la fin du règne d’Élisabeth Ire*, les finances royales sont épuisées. Depuis la fin du xvie s., les prix augmentent rapidement : toute guerre, en particulier par les achats de matériel et d’équipement qu’elle entraîne, se transforme en véritable catastrophe financière. Dans toutes les monarchies européennes, on assiste donc à un complet remaniement de la fiscalité, qui permet aux souverains de faire face à leurs besoins accrus.

En Angleterre, au contraire, les efforts de Jacques Ier* et de Charles Ier n’aboutissent pas. En effet, le Parlement n’est prêt à accorder au roi les subsides que dans la mesure où celui-ci est résolu à reconnaître certains principes. Le premier est fondamental : le souverain doit renoncer à imposer une fiscalité « arbitraire ». En effet, si le roi réussit à mettre sur pied une fiscalité indirecte efficace, il doit pouvoir se passer de la fiscalité directe votée (ou non...) par le Parlement. D’où la politique des Stuarts* : attribution à des financiers du monopole de la production et du commerce de près de sept cents produits, de la bière et du savon aux pièges à rats en passant par le luth et les échiquiers, augmentation des droits de douane (ruineuse pour le commerce) ; exploitation effrénée des vieilles obligations féodales encore en usage (en particulier la « garde », qui, lorsqu’un domaine tenu en fief du roi échoit en héritage à un mineur, fait passer le domaine sous le contrôle du roi jusqu’à la majorité de l’héritier) ou même de celles qui sont tombées en désuétude (remise en usage par Charles Ier du ship money, impôt féodal destiné à entretenir la marine). Cela, ajouté à des expédients tels que les ventes de titres et d’honneurs, les ventes de domaines royaux (arme à double tranchant), voire la banqueroute ou la confiscation de dépôts confiés à la Tour de Londres, sans compter les emprunts forcés, réussit presque à rendre le souverain indépendant du Parlement dans la mesure où le royaume est en paix. À cet égard, l’invasion écossaise de 1639 est l’élément qui détruit le fragile équilibre créé par Charles Ier et ses ministres William Laud et Thomas Wentworth, comte de Strafford en 1640. Le prix payé par le roi pour ce médiocre succès est lourd : la monarchie Stuart est détestée par toutes les classes de la société, y compris les profiteurs du régime, qui doivent chèrement payer les privilèges qu’ils exploitent et qui sont, comme les autres, soumis aux aléas de l’arbitraire gouvernemental : les « royalistes », les « cavaliers » agiront plus pour la défense du principe monarchique lui-même ou par conviction religieuse que pour la défense d’un Charles Ier...