rêve (suite)
La fonction du rêve reste plus difficile à cerner. En effet, quand on réveillait les sujets au début de chaque phase paradoxale pour les priver de rêve, on provoquait chez eux des troubles psychiques assez nets qui étaient surtout dus aux réveils successifs. Aujourd’hui, on peut faire des privations sélectives de phase paradoxale sans entraîner de dommages apparents chez l’adulte, même après plusieurs mois de privation. Mais combien d’années a-t-il fallu pour s’apercevoir de la nocivité des rayons X ? Il est permis de penser que la phase paradoxale, qui dépend de structures situées dans le tronc cérébral, lequel commande des fonctions vitales, et qui apparaît si précocement au cours de l’ontogenèse, est d’une grande importance fonctionnelle. Malheureusement, chaque auteur en est réduit aux hypothèses. La dernière en date est celle de Jouvet, qui assigne au rêve (phase paradoxale) un rôle de reprogrammation périodique des comportements instinctifs de chaque espèce. Mais, chez l’homme, il n’y a pas d’instinct, au sens éthologique du mot. Nous proposons donc de considérer que le rêve a une pluralité de fonctions interdépendantes : une fonction de décharge — cathartique ou purgative —, connue depuis longtemps ; une fonction de stimulation du système nerveux central pendant le sommeil, prouvée par la physiologie ; une fonction de substitution (le monde intérieur remplace le monde extérieur, et le rêve remplace l’action) ; enfin une fonction de liaison entre les différents niveaux de notre vie psychique (conscient et inconscient), entre toutes les étapes de notre vie (passé proche et lointain).
Si la psychanalyse semble actuellement moins intéressée par le rêve que du temps de Freud, la biologie et la psychologie en ont fait aujourd’hui un de leurs objets de prédilection. Or, le danger des recherches contemporaines semble double : confondre les domaines de recherche et tenter de réduire le psychologique au biologique. Quant au psychanalytique, rien ne semble pouvoir menacer son autonomie.
A. B.
➙ Sommeil.
S. Freud, Die Traumdeutung (Vienne, 1900, 8e éd., 1929 ; trad. fr. la Science des rêves, Alcan, 1926, nouv. éd. l’Interprétation des rêves, P. U. F., 1967) ; Über den Traum (Vienne, 1901, trad. fr. le Rêve et son interprétation, Gallimard, 1925, nouv. éd., 1969). / G. Roheim, The Gates of the Dream (New York, 1952 ; trad. fr. les Portes du rêve, Payot, 1973). / Aspects anatomo-fonctionnels de la physiologie du sommeil (C. N. R. S., 1965). / R. Caillois et G. E. von Grunenbaum (sous la dir. de), le Rêve et les sociétés humaines (Gallimard, 1967). / E. Hartmann, Biology of Dreaming (Springfield, Illinois, 1967 ; trad. fr. Biologie du rêve, Dessart, Bruxelles, 1970). / L. Madow et H. L. Snow, The Psychodynamic Implications of the Physiological Studies on Dreams (Springfield, Illinois, 1970). / L’Espace du rêve, numéro spécial de la Nouvelle Revue de psychanalyse (Gallimard, 1972). / C. Kayser, le Sommeil et le rêve (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1973). / W. B. Webb et H. W. Agnew, le Sommeil et le rêve (Masson, 1975).
