Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (IIIe) (suite)

De nouveau président du Conseil (15 janv. 1922 - 1er juin 1924), Poincaré occupe militairement la Ruhr* (janv. 1923) et contraint l’Allemagne à capituler après une longue résistance passive (26 sept.). Cependant, cédant à la pression anglo-saxonne, il se résigne à l’évacuation de la Ruhr en échange d’un plan de réparations plus modeste, mais mieux garanti que le précédent (conférence de Londres, 16 juill. - 16 août 1924).

Craignant un renforcement de l’exécutif, réclamé par Millerand, en faveur du président de la République (discours d’Évreux, oct. 1923), et exploitant les maladresses du gouvernement, qui augmente les impôts de 20 p. 100 (double décime), l’opposition se regroupe en un Cartel* des gauches, victorieux lors des élections du 11 mai 1924 ; celui-ci contraint Millerand à démissionner (11 juin), mais Paul Painlevé, qu’il présente à la succession, est battu par Gaston Doumergue (13 juin) ; en revanche, le Cartel s’assure avec Édouard Herriot* le contrôle du gouvernement. Ne bénéficiant que du soutien et non de la participation socialiste, Herriot doit constituer un ministère radical homogène (14 juin 1924 - 10 avr. 1925), qui se heurte rapidement à des difficultés financières considérables, aggravées par la reconnaissance de l’U. R. S. S. : les banques refusent de renouveler les bons du Trésor précédemment souscrits (le « mur d’argent ») ; Herriot doit alors démissionner, tandis qu’éclatent des troubles en Syrie (Djebel Druze), au Maroc (guerre du Rif) et en Indochine (assassinat du gouverneur général).

Deux ministères Painlevé (17 avr. - 22 nov. 1925) et trois ministères Briand (28 nov. 1925 - 17 juill. 1926) pratiquent alors, sous l’impulsion d’A. Briand, une politique axée sur la S. D. N. et comportant une étroite entente avec la Grande-Bretagne ainsi qu’un rapprochement avec l’U. R. S. S. et l’Allemagne (pacte de Locarno, 5-16 oct. 1925). Mais la dénatalité continue à sévir dans une France qui ne peut se permettre une nouvelle « saignée ». « Je fais la politique de notre natalité », affirme Briand, face aux accusations des nationalistes.

La situation financière empirant, Poincaré constitue un cabinet d’Union nationale, qui regroupe tous les partis, à l’exclusion des communistes et des socialistes (23 juill. 1926 - 27 juill. 1929). La confiance et les capitaux reviennent ; les modérés remportent les élections (avr. 1928) aux dépens de l’ancien Cartel. Poincaré décide alors de stabiliser définitivement la situation en dévaluant le franc* germinal des quatre cinquièmes : le « franc Poincaré » permet une nette reprise économique et rend les finances françaises les plus saines de l’Europe jusqu’en 1932. Mais, ébranlé par le départ des radicaux, qui estiment sa politique trop peu favorable à la laïcité (congrès d’Angers, nov. 1928), le gouvernement, remanié (11 nov. 1928), se sépare, Poincaré devant démissionner pour raison de santé (27 juill. 1929).

Les modérés conservent pourtant le contrôle du gouvernement presque sans interruption de 1929 à 1932, la plupart des neuf ministères de cette période étant présidés par trois d’entre eux : A. Briand, André Tardieu et Pierre Laval ; en outre, ils imposent Paul Doumer à la présidence de la République (13 juin 1931). Ils écartent d’ailleurs Briand du pouvoir, car ils lui reprochent d’avoir mené au Quai d’Orsay, où il a été installé presque en permanence du 17 avril 1925 au 12 janvier 1932, une politique trop pacifiste et surtout d’avoir accepté une nouvelle diminution des réparations (plan Young, juin 1929). Le réarmement allemand devenant possible, le gouvernement décide de faire construire la ligne Maginot. De plus, la situation s’aggrave à la suite du déclenchement de la crise américaine (krach de Wall Street, oct. 1929) et du fait de la multiplication des scandales financiers (affaire Hanau, déc. 1928 ; affaire Oustric, oct. 1930).

En 1931-32, la crise économique atteint la France : les affaires s’arrêtent, le chômage devient dramatique, le Trésor se vide. La droite perd la majorité au profit des radicaux et des socialistes lors des élections de 1932, qui coïncident avec l’assassinat du président Paul Doumer, aussitôt remplacé par un autre modéré, Albert Lebrun, qui sera réélu en avril 1939. Le Cartel des gauches, qui semble se reconstituer sous la direction d’Édouard Herriot (3 juin - 14 déc. 1932), échoue rapidement. L’accentuation des effets de la crise en 1933, l’arrêt des affaires, le scandale Stavisky, qui éclate à l’extrême fin de 1933, facilitent la montée des oppositions (Croix-de-Feu à l’extrême droite, communistes à l’extrême gauche) ; la nomination, pour la sixième fois consécutive, d’un radical à la présidence du Conseil, Édouard Daladier, réputé énergique (30 janv. 1934), et le déplacement du préfet de police Jean Chiappe incitent les ligues de droite à marcher sur le Palais-Bourbon (6 févr.). Daladier se relire le 7 février, et une contre-manifestation communiste se déroule le 9, tandis qu’Albert Lebrun prie Gaston Doumergue de constituer un cabinet d’union nationale : formé le 9 février, ce ministère se disloque rapidement, les radicaux se refusant à modifier la Constitution au profit de l’exécutif (8 nov. 1934).

Alors, l’instabilité ministérielle devient galopante : quatre ministères se succèdent en dix-huit mois (nov. 1934 - juin 1936), la personnalité la plus marquante étant celle de Pierre Laval, président du Conseil de juin 1935 à janvier 1936. Celui-ci pratique une politique de déflation financière et une diplomatie italophile. Cependant, l’Allemagne qui, depuis janvier 1933, a un Führer, Adolf Hitler*, et qui réoccupe la Rhénanie* le 7 mars 1936, se réarme.

Bientôt s’organise un Front* populaire (radicaux, socialistes, communistes) qui, après avoir triomphé aux élections législatives d’avril-mai 1936, accède au pouvoir (les communistes ne participant pas au ministère) avec le socialiste Léon Blum* (4 juin). Celui-ci, affronté à une situation sociale grave (grèves avec occupation d’usines), organise alors la signature paritaire des accords Matignon (7 juin), suivis d’un train important de lois sociales (congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives), que la conjoncture rendra souvent inopérantes. En même temps, le franc est de nouveau dévalué. La fuite des capitaux — que facilite l’opposition violente de l’extrême droite et des organisations secrètes — oblige Léon Blum à proclamer la « pause » (mars 1937). C’est en fait la fin du Front populaire, dont la politique est abandonnée par É. Daladier, chef du gouvernement d’avril 1938 à mars 1940. Il est vrai que la menace extérieure (axe Rome-Berlin) devient pressante.

L’occupation de l’Autriche par l’Allemagne — l’Anschluss (11 mars 1938) —, puis le démantèlement (Munich, 30 sept. 1938) et la disparition de la Tchécoslovaquie (15 mars 1939) acculent la France à un grand mais tardif effort de guerre. Le ministre des Finances, Paul Reynaud, procède par décrets-lois pour aménager les quarante heures et dévaluer le franc.

Mais, face à l’Allemagne nazie, la France, affaiblie par une dénatalité endémique, retardée dans son progrès économique par le poids d’habitudes héritées du xixe s. (elle reste encore très fortement rurale), insuffisamment préparée militairement, est promise à un sort tragique.

Le 1er septembre 1939, Hitler, encouragé par le pacte germano-soviétique de non-agression, fait envahir la Pologne : la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre. Commence alors la « drôle de guerre », tandis que la Pologne est écrasée.