Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (IIIe) (suite)

La France est alors la seconde puissance coloniale et le second banquier du monde ; la richesse publique s’accroît, mais plus lentement qu’en Allemagne ou qu’en Grande-Bretagne ; l’enseignement primaire obligatoire, puis la généralisation du service militaire (1889) ont ouvert les esprits ; une législation sociale est amorcée ; le niveau de vie s’améliore. De 1906 à 1914, l’économie est en progrès dans presque tous les domaines, notamment dans l’industrie : la quantité de minerai de fer extraite est passée de 8,4 Mt en 1906 à 21,9 Mt en 1913, et celle du charbon de 34,2 à 40,8 Mt. Mais toutes les catégories sociales ne bénéficient pas au même degré de cette expansion ; les ouvriers, notamment, souffrent constamment des méfaits de la vie chère. Autre point noir : la stagnation démographique (en 1913, 39 000 000 de Français contre 66 millions d’Allemands). Par ailleurs, de nombreuses difficultés intérieures et extérieures altèrent le climat politique. L’augmentation des effectifs sous les drapeaux en Allemagne (loi de juillet 1913) oblige le Parlement français à rétablir le service de trois ans (loi du 7 août), ce qui mécontente d’autant plus la gauche qu’elle ne peut obtenir du Parlement le vote définitif de l’impôt sur le revenu, réclamé par les radicaux (projet de Caillaux) et par les socialistes, ni celui de la représentation proportionnelle, demandée par les socialistes. Ainsi s’expliquent la chute de Louis Barthou (déc. 1913), responsable de la loi des trois ans, la reconstitution du Bloc des gauches (radicaux-socialistes et socialistes) et des élections finalement favorables à ces derniers (26 avr. et 10 mai 1914). Les vainqueurs ont fait campagne sur le double thème de l’établissement de l’impôt sur le revenu et de l’abrogation de la loi des trois ans, demandée en particulier par Jaurès. Le gouvernement dirigé de juin 1914 à octobre 1915 par René Viviani (1863-1925) doit alors faire voter par le Sénat l’impôt sur le revenu, mais il retarde l’abrogation du service de trois ans en raison de la tension internationale.


De la Première à la Seconde Guerre* mondiale (1914-1939)

La situation balkanique s’aggrave brusquement à la suite de l’assassinat, à Sarajevo, de l’archiduc François-Ferdinand (28 juin 1914) ; mais la menace d’une guerre exalte le nationalisme français et aboutit à l’assassinat de Jaurès (31 juill.). En fait, les dissentiments politiques et sociaux s’effacent, et tous les partis, sans exception, acceptent la mobilisation générale, qui s’opère dans l’enthousiasme. Ainsi se réalise l’« Union sacrée », réclamée par Poincaré dans son message du 4 août, au lendemain de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France (3 août) : l’étonnante victoire de la Marne* (sept.), la boue des tranchées, l’héroïsme dont font preuve les combattants pendant la bataille de Verdun* (1916) la scellent définitivement.

Pendant la guerre, tous les cabinets comprennent des représentants de presque tous les partis, y compris le socialiste Jules Guesde, ministre d’État du 26 août 1914 au 12 décembre 1916. Mais une crise grave éclate en 1916, l’usure d’une guerre terrible commençant à sécréter un certain défaitisme, provoquant même des mutineries. Le départ volontaire de Lyautey*, ministre dans le sixième cabinet Briand, illustre cette crise, qui prend un tour aigu sous les ministères Ribot et Painlevé* (mars-nov. 1917), quand les offensives de Nivelle*, généralissime des armées françaises, se soldent par de fortes pertes en hommes. La crise s’apaise avec la nomination de Pétain* à la place de Nivelle et l’arrivée de Clemenceau au pouvoir (16 nov.) : celui-ci institue une dictature de fait, respectant les formes constitutionnelles, mais n’hésitant pas à frapper les hommes politiques soupçonnés de vouloir négocier avec l’ennemi.

L’armistice de Rethondes (11 nov. 1918) est accueilli par des transports de joie. Mais la victoire a été chèrement payée : près de 1 390 000 Français tués, 740 000 invalides, d’immenses destructions, un écrasant endettement, la perte de tous les avoirs à l’étranger. La France est exsangue et partiellement ruinée, mais elle ne s’en rend pas compte : l’Alsace-Lorraine récupérée paraît justifier le sang répandu ; quant aux pertes matérielles, on pense y faire face en répétant : « L’Allemagne paiera. » Mais, lors de la conférence de la paix à Paris (1919), la France doit compter avec le souci britannique d’empêcher toute puissance du continent d’y devenir prépondérante et avec l’idéalisme de Wilson. De ce fait, le traité de Versailles (28 juin 1919) ne lui accorde ni le droit d’occupation permanente de la rive gauche du Rhin, ni l’institution d’un mécanisme efficace pour assurer le paiement des réparations par l’Allemagne.

Dans l’enthousiasme de la victoire, les électeurs votent massivement (16 et 30 nov. 1919) pour une majorité de droite, dite « de Bloc national » (433 sièges), décidée à faire payer l’Allemagne et à s’opposer à la montée du bolchevisme, qui semble se développer en France depuis la constitution d’un parti communiste français à la suite de la scission du parti socialiste au congrès de Tours (déc. 1920).

Craignant toutefois l’autoritarisme de Clemenceau, la majorité écarte celui-ci de la présidence de la République au profit de Paul Deschanel (janv. 1920), puis d’Alexandre Millerand (23 sept.) ; mettant en application son programme, elle tente d’opposer une barrière au bolchevisme en se rapprochant politiquement et militairement de la Pologne (pacte consultatif franco-polonais, févr. 1921) et des pays de la Petite-Entente, avec lesquels seront conclus des accords bilatéraux de 1924 à 1927. Mais cette politique extérieure, qui crée à la France des obligations à l’Est, s’ajuste mal avec la politique militaire défensive qu’elle pratique d’autre part. Quant aux garanties de sécurité collective, elles apparaissent fragiles depuis que les États-Unis ont refusé de ratifier le traité de Versailles et d’adhérer à la Société des Nations.

D’autre part, l’Allemagne, en proie à une inflation désordonnée, ne pouvant ni ne voulant s’acquitter des réparations, la situation du franc, désormais privé de sa base or, se détériore sur le marché international.