Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

renseignement (service de) (suite)

L’autre aspect du problème, d’ordre défensif, est la protection du territoire contre les recherches de l’étranger. Elle appartient à des services spécialisés relevant des ministères de l’Intérieur (tels la Surveillance du territoire en France ou le FBI [Federal Bureau of Investigation] aux États-Unis). Une liaison étroite s’impose entre les services de renseignement et ces organismes, tant pour dépister les agents adverses que pour connaître leurs méthodes et leurs objectifs.

On notera cependant que, si le rôle des agents demeure essentiel, les moyens de renseignement ont été profondément renouvelés dans les années 1960 par l’emploi systématique de la photo aérienne par avions à grande pénétration (type « U-2 » ou « SR. 71 » américains), mais aussi par celui des satellites* de surveillance. Ces derniers fournissent aux grandes puissances qui en disposent une couverture globale de la surface terrestre, permettant notamment aux Américains et aux Soviétiques la mise en œuvre d’un système de renseignements stratégiques à l’échelon intercontinental. Chacun de ces satellites (types « Cosmos » soviétiques, « Samos », « Ferret », « Midas » américains) a une mission particulière (reconnaissance photo, reconnaissance électronique, lancement de missiles, etc.).


L’exploitation du renseignement

Quand le renseignement, ou fourniture, revient à l’état brut à l’autorité qui l’a demandé, rien n’est pourtant terminé. Il y a d’abord le travail de vérification et de contrôle de l’organisme central du service (dit « la Centrale »), qui comprend un ensemble de spécialistes répartis en départements fonctionnels (documentation, méthode, contrôle, etc.). Reste enfin le problème, qui comporte un facteur psychologique essentiel, de la confiance accordée par l’autorité politique ou militaire au renseignement apporté. L’un des maîtres du renseignement politico-stratégique de la Seconde Guerre mondiale, l’amiral Canaris, ne fut souvent pas cru par Hitler ou vit ses renseignements mal interprétés, telle l’annonce plusieurs fois vérifiée de la conférence alliée de Casablanca au début de 1943, que Hitler voulait situer à la Maison-Blanche à Washington.


Les services français : le S. D. E. C. E.

Ainsi nommé depuis 1947, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage est l’héritier de la Direction générale des services spéciaux, créée à Alger en 1943 et dont le chef était Jacques Soustelle. Celle-ci avait regroupé le Service de renseignements, ou S. R., organisme militaire relevant du chef d’état-major de l’armée et que dirigeait alors le général Rivet, et le Bureau central de renseignements et d’action (B. C. R. A.), formé à Londres en 1941 et confié au colonel André Dewavrin (dit Passy) pour coordonner l’action de la Résistance. Appelé de 1944 à 1947 Direction générale des études et recherches (placée sous l’autorité de Passy de 1945 à 1946), le S. D. E. C. E. relève alors directement du président du Conseil (ou du Premier ministre) et a pour mission de rechercher hors du territoire national tous les renseignements et la documentation susceptibles d’informer le gouvernement. Le service est commandé par un directeur général, poste occupé par l’ancien député Henri Ribière (de 1946 à 1950), le préfet Pierre Boursicot (de 1951 à 1957), les généraux Paul Grossin (de 1957 à 1961) et Paul Jacquier (de 1962 à 1966). En 1966, à la suite des remous provoqués par l’affaire Ben Barka, le S. D. E. C. E. est réorganisé ; il est placé sous l’autorité directe du ministre des Armées et reçoit pour directeur le général Eugène Guibaud (de 1966 à 1970), puis Alexandre de Marenches. Installé à Paris, caserne des Tourelles (surnommée « la piscine »), cet organisme comprend une direction des services administratifs et logistiques où figurent notamment un service des écoles pour la formation et le recyclage du personnel et une direction de la recherche. Cette dernière regroupe tout ce qui a trait au renseignement, réseaux, agents, service d’exploitation et de décryptement, en fonction des missions prescrites par le plan de recherches fixé par le gouvernement. À cette direction est en outre attaché le service « action », qui dispose éventuellement de moyens militaires.

À cette mission d’ensemble s’ajoute, pour le S. D. E. C. E., tout ce qui concerne le contre-espionnage à l’étranger, tandis que l’action correspondante en France appartient à la Direction de la surveillance du territoire (D. S. T.) du ministère de l’Intérieur. Institution officielle de l’État, le S. D. E. C. E. recrute ses membres parmi les militaires et les fonctionnaires civils. En 1974, on estimait à environ 2 000 l’effectif de son personnel titulaire (non compris les agents).


L’Intelligence Service britannique

C’est au xviie s. que les services secrets britanniques ont acquis l’importance considérable qu’ils ont conservée depuis lors en jouant un rôle aussi discret qu’essentiel dans la politique de la Grande-Bretagne. Chargé de recueillir tous les renseignements intéressant la conduite de l’action politique, diplomatique, économique et militaire du gouvernement, l’Intelligence Service, ou IS, constitue une organisation entièrement autonome qui relève exclusivement du Premier ministre. Disposant d’un budget particulier alimenté tant par les crédits de l’État que par la gestion de biens qui lui appartiennent en propre, il est également chargé du contre-espionnage tant à l’étranger que sur les territoires britanniques. Durant la Seconde Guerre mondiale, du fait de la situation exceptionnelle de la Grande-Bretagne, l’IS a joué un rôle considérable quoique encore mal connu. Ses principaux services (Military Intelligence) furent : le MI 5, service chargé de la sécurité en Angleterre ; le MI 6, service de renseignement à l’extérieur, qui fut particulièrement efficace ; le MI 9, créé en 1940 et spécialisé dans les évasions en Europe occupée ; le Special Operation Executive, ou SOE, qui employa plus de 10 000 personnes et prit en compte l’appui aux mouvements de résistance ; le Political Warfare Executive (ou PWE), dérivé du précédent en 1941 et chargé des problèmes politiques. Depuis 1945, l’IS a été particulièrement affectée du fait de la mise en place en son sein par les services spéciaux soviétiques d’agents hautement qualifiés tels Guy Burgess et Donald Maclean, passés en U. R. R. S. en 1951, et surtout Harold A. R. Philby (dit Kim), un ancien du MI 6, qui les y rejoignit en 1963. Les agents de l’IS appartiennent à des catégories différentes : diplomatique, militaire, résidentielle, mobile et commerciale. Ses informateurs occasionnels constituent trois groupes : les strategic et diplomatic agents, recueillant tout renseignement d’ordre général et agissant s’il le faut pour protéger le personnel de service ; les tactic agents, accrédités dans les postes diplomatiques et spécialement chargés des problèmes de défense ; les informateurs de guerre enfin, qui s’intéressent plus spécialement aux détails concernant les armées. Recrutés avec le plus grand soin, les membres de l’IS, auxquels il est strictement interdit, même longtemps après, de révéler leur appartenance aux services secrets, savent allier un attachement à une tradition plusieurs fois séculaire avec une passion aussi froide que réaliste pour la cause britannique.