Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

renseignement (aviation de) (suite)

Évolution des moyens de recueil du renseignement depuis 1945

Après avoir longtemps employé des avions légers, les forces terrestres, à qui sont définitivement rattachés les moyens d’observation, ont adopté l’hélicoptère à partir de 1955. Quant aux avions de reconnaissance, toujours choisis parmi les meilleurs du moment, ils sont tous équipés de réacteurs et dérivés des avions de chasse ; tels sont les « Mirage III-RD », dérivés du « Mirage III-E », ou le « Phantom-RF4 » par exemple. On peut dire que désormais la plupart des avions tactiques supersoniques donnent lieu à une version de reconnaissance.

Les moyens techniques de recueil font toujours la part belle à la photographie, dont les caméras sont de plus en plus perfectionnées. La photo de nuit est de pratique courante grâce à l’utilisation de cartouches éclairantes. Mais à la photo sont venues s’ajouter les prises de vues par détection infrarouge, qui évitent l’emploi de tout éclairage, et surtout les radars à très haute définition, qui ont l’avantage de pouvoir fonctionner dans les nuages. Les contraintes de la guerre du Viêt-nam (1965-1973) ont également conduit à la mise au point de caméras de télévision fonctionnant à très bas niveau de lumière : une nuit claire suffit pour obtenir des images très exploitables. On rappellera enfin pour mémoire qu’au Sud Viêt-nam, où il n’existait pas de chasse adverse, les Américains ont utilisé pour la reconnaissance de nuit des avions de transport équipés de projecteurs puissants et d’armes sur tourelle permettant d’attaquer immédiatement tout ennemi découvert.


La surveillance aérienne réciproque des grandes puissances

L’avion de reconnaissance, pour opérer convenablement, doit survoler la zone que l’on veut étudier ; cela ne se conçoit évidemment qu’en temps de guerre ou de crise, mais se révèle plus délicat en temps de paix. Les Américains ont bien utilisé des avions Lockheed « U-2 » que leur altitude de vol mettait à l’abri des réactions des pays survolés. Mais, le 1er mai 1960, un « U-2 » piloté par le lieutenant Francis Gary Powers s’abattait près de Sverdlovsk, atteint, semble-t-il, par un missile sol-air soviétique « SAM 2 ». La reconnaissance clandestine n’était plus acceptable. Les satellites sont venus prendre la relève des avions grâce à l’invulnérabilité que leur procure l’espace et à l’inexistence d’un droit international interdisant les survols spatiaux. Rien n’a été divulgué sur les moyens et les méthodes utilisés par les satellites-espions « Midas » (Missile Defense Alarm System) et « Samos » (Satellite and Missile Observation System) américains lancés dès 1960-61 ou « Cosmos » soviétiques, dont le prototype a été mis en orbite en 1962. On sait seulement que certains satellites sont récupérés quelques jours après leur départ, ce qui suggère qu’ils sont équipés de caméras photographiques dont les films sont développés après leur vol. On sait également que certains de ces satellites sont équipés de détecteurs infrarouges capables de déceler les flammes de fusées lors de leur lancement ; ces satellites sont destinés à fournir une alerte précoce. Malgré l’intérêt des informations ainsi recueillies, il n’est pas sûr que les satellites suffisent à fournir aux gouvernements intéressés tous les renseignements dont ils ont besoin, notamment en cas de crise : les détails que peuvent révéler les satellites restent en effet d’assez grandes dimensions. Pour éviter toute surprise par défaut d’attention et pour pouvoir suivre l’évolution d’une situation sur le terrain, il faut disposer de moyens plus précis. L’un de ceux-ci est fourni par l’écoute des signaux radioélectriques émis par l’adversaire éventuel (transmission, radars, etc.) ; ces signaux se propagent à longue distance et il est possible de les écouter à partir d’un poste situé hors des frontières ; l’altitude accroissant la portée, on a été amené à équiper spécialement des avions volant à haute altitude et naviguant parallèlement aux frontières : on parle alors d’avion de surveillance électronique.

Pour suivre instantanément le développement d’une situation sur le terrain en cas de crise, il n’existe pas encore de meilleur moyen que de survoler la zone intéressée et de la photographier ; les clichés rapportés ont une valeur certaine pour l’action diplomatique. Encore faut-il que l’appareil revienne de mission, donc qu’il soit invulnérable à la chasse et aux missiles sol-air. C’est probablement dans ce but que les Américains ont construit le Lockheed « SR. 71 » et les Soviétiques le « MIG-23 », capables tous deux de voler à Mach 3 à 30 000 m d’altitude. Un autre moyen de reconnaissance clandestine qui semble politiquement toléré est constitué par des missiles guidés à distance, sans pilote à bord : ce sont les drones ou leurs successeurs, les avions sans pilote guidés de loin, très étudiés en 1973-1975 par les Américains, qui les appellent Remotely Piloted Vehicles (RPV). Enfin, il n’est pas exclu qu’une bonne surveillance puisse être effectuée à partir de satellites habités du type « Skylab » dont la taille permet l’emport de caméras de grandes dimensions, ce qui, conjugué avec une orbite basse, permettrait d’obtenir des clichés très détaillés.

Dans une situation fondée sur l’équilibre des dissuasions entre les grandes puissances, l’obtention de renseignements appropriés reste d’une impérieuse nécessité. Les moyens de plus en plus perfectionnés mis au point pour la recherche, par l’aviation de reconnaissance, du renseignement en temps de guerre peuvent sans doute être utilisés en temps de crise dans un but politique précis : cela a été le cas lors de la crise de Cuba, au Viêt-nam après l’arrêt des hostilités et lors de la quatrième guerre israélo-arabe de 1973. Mais il n’est pas toujours possible de survoler un territoire hostile ; d’autres moyens doivent alors être prévus pour assurer une information capitale afin d’éviter toute surprise et de maintenir l’équilibre sur lequel est actuellement fondée la paix mondiale.