René Ier le Bon (suite)
Le mécénat de René Ier le Bon
Le roi René est l’héritier d’une lignée de mécènes : son grand-père, Louis Ier d’Anjou, commanda la tenture de l’Apocalypse d’Angers ; sa mère, Yolande d’Aragon, fit exécuter les Heures de Rohan (Bibliothèque nationale). Lui-même apprit la pratique de la peinture auprès de maîtres flamands. Lors de sa captivité en Bourgogne, il se mit à peindre assidûment. René d’Anjou s’adonna aussi à la littérature : il composa des poèmes, participa à l’élaboration du Livre des tournois, rédigea Mortifiement de vaine plaisance après la mort de sa première femme, puis le Livre du cuer d’amour espris et les Amours de Regnault et Jehanneton après son deuxième mariage. Il aimait s’entourer de luxe, d’objets précieux, porter de beaux vêtements. Tout le conviait donc à exercer un mécénat, tant en Provence qu’en Anjou.
La vie mouvementée du roi René favorisa des contacts divers. On s’est demandé, à juste titre, s’il n’a pas contribué à l’introduction de la première Renaissance en France. En effet, il échangea toute une correspondance avec des érudits italiens, dont Marcello, qui lui envoya la première traduction latine de Strabon et une cosmographie de Ptolémée. Les œuvres de Dante et de Boccace voisinaient dans sa bibliothèque avec celles de Joinville et des Pères de l’Église. Colantonio, maître d’Antonello* da Messina, connut l’art flamand par son intermédiaire. Lors de son passage à Florence, en 1442, Luca Della Robbia* sculpta ses armes dans la chapelle des Pazzi. Par la suite, le roi René collectionna les majoliques et fit venir de Naples le médailleur Pietro da Milano. Il appela également auprès de lui Francesco Laurana, qu’il avait peut-être rencontré à Florence ; le sculpteur fit les médailles du roi et de sa femme Jeanne de Laval et, en 1478, un Portement de Croix commandé par René d’Anjou lui-même pour l’église des Célestins d’Avignon.
Dans le domaine littéraire, René d’Anjou protégea plusieurs écrivains, comme Antoine de La Sale, précepteur de son fils aîné. Il échangeait des poèmes avec Charles* d’Orléans, qu’il reçut à Tarascon en 1447. Il encouragea les représentations de mystères en exonérant d’impôts la ville de Saumur quand y fut joué le Mystère de la Passion, et en prenant en charge le même spectacle à Angers. Il organisait aussi des fêtes, où les joutes et les jeux étaient accompagnés de spectacles, telles les fêtes de l’île de Jarnègues (sur le Rhône, face à Tarascon) en 1449, celles de l’ordre du Croissant à Angers, celles de la Fête-Dieu à Aix et celles de la Tarasque à Tarascon.
Il fit travailler de nombreux architectes, décorateurs et tapissiers pour l’embellissement de ses demeures en Anjou et en Provence. À Angers, son architecte Guillaume Robin († 1463) aménagea de nouveaux appartements dans le château, qui fut remeublé et orné de tapisseries. Des jardins et une ménagerie peuplée d’animaux rares et exotiques y furent adjoints. En Provence, le roi René s’occupa de ses diverses résidences, surtout du château de Tarascon et de celui de Gardanne, qu’il avait acquis en 1455 et dont il fit une exploitation modèle. Mais le roi René est encore plus connu comme mécène dans la peinture. Il avait auprès de lui des artistes nordiques. Barthélemy de Cler et Coppin Delf (de Delft ?). Amateur éclairé, il ne pouvait ignorer ni la peinture tourangelle ni l’école d’Avignon. Dans les œuvres qui lui ont été naguère attribuées, les enluminures du Livre des tournois (Bibliothèque nationale) et celles du Livre du cuer d’amour espris (Vienne, Nationalbibliothek), on note une influence nordique alliée à un sens de la lumière et de l’atmosphère bien français, à la fois ligérien et provençal. Le maître anonyme des peintures du Cuer d’amour espris apparaît comme un artiste exceptionnel, le premier à exprimer poétiquement la clarté nocturne. Le roi René fit aussi peindre des tableaux, comme la Pietà de Tarascon (Paris, musée de Cluny) qui, en 1457, ornait la chambre de Jeanne de Laval. Il fit travailler Nicolas Froment, qui peignit le prince et son épouse sur le diptyque des Matheron (Louvre) et sur les volets du triptyque du Buisson ardent, terminé en 1476 pour la cathédrale d’Aix-en-Provence*.
A. P.
P. T.
➙ Anjou / Lorraine / Naples (royaume de) / Provence.
A. Le Coy de La Marche, le Roi René (Firmin-Didot, 1875 ; 2 vol.). / G. Arnaud d’Agnel, les Comptes du roi René (Picard, 1908-1911 ; 3 vol.). / V. L. Bourrilly, la Provence au Moyen Âge (Impr. Barlatier, Marseille, 1924). / J. Levron, la Vie et les mœurs du bon roi René (Amiot-Dumont, 1953) ; le Bon Roi René (Arthaud, 1973). / E. G. Léonard, les Angevins de Naples (P. U. F., 1954).