Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Renaissance (suite)

En France*, c’est dans des zones très localisées que la Renaissance apparaît autour de 1500 : en Touraine (Amboise, Blois*, l’atelier des Juste à Tours) et, grâce au mécénat du cardinal d’Amboise, dans la haute Normandie (château de Gaillon). La « détente » de la seconde moitié du xve s., la transformation des châteaux avec leurs façades régulières sur les jardins lui avaient déjà préparé la voie, et le décor nouveau s’entrelace naturellement aux éléments gothiques. En revanche, après 1515, les châteaux de François Ier et de son entourage (aile nouvelle à Blois, Azayle-Rideau, Chenonceaux...) éliminent le décor gothique tout en conservant l’asymétrie pittoresque, les tourelles d’escalier saillantes, des toitures aiguës du siècle précédent. On voit se dessiner, à la façade de Blois donnant sur les jardins et surtout à Chambord*, un souci nouveau de régularité et de grandeur. Mais la sculpture et le vitrail, très florissants en Normandie et en Champagne, ne se teintent que superficiellement et lentement d’italianisme.

Si la Grande-Bretagne* ne fait appel qu’épisodiquement au concours de décorateurs italiens, les Flandres et l’Allemagne, en revanche, manifestent une curiosité assez chaleureuse pour la Renaissance. Mais l’architecture n’y joue qu’un rôle secondaire, quelle que soit la précocité relative du palais de Marguerite d’Autriche à Malines* (aile de 1517). Ce sont les peintres qui, au terme de l’éclatante « renaissance septentrionale » du siècle précédent — celle des « primitifs flamands » (v. Belgique, l’art en Belgique), dont les recherches étaient, sur le plan gothique, parallèles à celles des Florentins —, se mettent à l’école des humanistes, tel Érasme*, dont les relations avec les peintres d’Anvers* furent particulièrement cordiales. Le changement des décors d’architecture et des draperies est déjà sensible chez des maîtres de transition comme Gerard David* et surtout Quinten Matsys*. Mais une étape décisive est marquée par le voyage de Jan Gossart* à Rome (1508) avec Philippe le Beau. On doit à Jan Gossart, selon Carel Van Mander, « la véritable manière de composer des histoires pleines de figures nues et de toutes sortes de poésie [...] ». Même si ses Èves et ses Danaés ne sont que des bourgeoises déshabillées, d’un réalisme parfois cruel, il ouvre l’ère du « romanisme ». Après lui, Van Orley*, imitateur de Raphaël dans ses cartons de tapisserie, Van Scorel*, etc., attestent le progrès rapide du goût nouveau.

L’Allemagne* connaît de son côté le rapide et brillant essor d’une Renaissance encore très marquée de gothique — par le dessin tourmenté, le mélange de moralisme religieux et de fantastique — et où la gravure égale en importance la peinture. L’empereur Maximilien, la riche bourgeoisie de Nuremberg* et d’Augsbourg* (les Fugger*), les imprimeurs partagent les mêmes curiosités, qui se portent vers Venise plus que vers Rome. Les deux voyages de Dürer* à Venise, en 1494 et en 1506, ont élargi l’horizon d’un artiste de génie ; Dürer recueille l’héritage médiéval et reflète l’inquiétude religieuse de son temps, mais il s’exprime avec des formes plus largement plastiques — tributaires des leçons de Bellini — et avec une curiosité quasi mystique du paysage, de l’insecte, de l’oiseau — qui l’apparente à l’universalisme de Léonard. À coté de lui, Holbein* le Jeune, avec le grand style de ses portraits comme avec ses décorations à l’antique de Bâle (1521-22), qui introduisent la fresque en pays germanique, Cranach* et Baldung* Grien, avec leurs nudités grinçantes, les Suisses Urs Graf et Niklaus Manuel Deutsch, avec leurs reîtres habillés à l’antique, attestent la force et la diversité de la pénétration italienne. Celle-ci, plus lente dans la sculpture, où la tradition d’un réalisme expressionniste s’est maintenue avec éclat, apparaît pourtant dans les grandes œuvres funéraires de Riemenschneider* ou des Vischer*.

Enfin, et c’est un des aspects les plus curieux dans le cheminement européen de la Renaissance, les formes architecturales les plus pures se trouvent dans des pays plus éloignés de l’Italie — en grande partie par suite d’alliances matrimoniales. Sans parler de la Russie, où le mariage d’Ivan III à Rome avec l’héritière des Paléologues vaut à des architectes italiens de participer dès 1475 aux grandes constructions, il est vrai composites, du Kremlin de Moscou* — ou de la Hongrie*, dont la Renaissance précoce, depuis le règne de Mathias Corvin (ruines du palais de Visegrád, suspendu au-dessus du Danube), fut tuée par l’invasion turque de 1526 —, la Pologne* offre à Cracovie* un exemple de qualité exceptionnelle grâce au mariage du roi Sigismond Ier et de Bona Sforza : la rénovation par des Florentins, autour de 1520-1530, du palais royal du Wawel comme la construction de la chapelle funéraire des Jagellons sont sans équivalent à cette époque hors d’Italie et créeront une véritable école polono-italienne. Le belvédère de Prague*, également construit et décoré par des Italiens, est d’une qualité comparable, mais il est sensiblement plus tardif (à partir de 1536).


L’âge du maniérisme*

À un léger décalage près, le maniérisme s’inscrit pour l’essentiel dans le deuxième tiers du siècle, entre 1527, sac de Rome par les Impériaux du connétable de Bourbon — épisode fortuit qui prend figure de châtiment céleste — et 1563, clôture du concile de Trente, qui s’efforce de rénover l’Église et l’art sacré.

Il reflète à coup sûr, dans sa géographie comme dans ses manifestations, une crise de l’Europe — divisée par la Réforme et par la volonté d’hégémonie de Charles Quint — qui ne peut épargner le monde des arts : l’exode de nombreux artistes, la perte de prestige de la papauté ralentissent la vie artistique romaine. Au contraire, la création d’un grand-duché de Toscane au profit d’une nouvelle dynastie de Médicis favorise la vie de cour à Florence, qui devient sous le règne de Cosme Ier le plus brillant foyer du maniérisme. Seule pleinement indépendante, Venise fait figure de refuge, et son prestige est rehaussé par l’audience internationale de Titien, peintre et portraitiste de l’empereur, du roi de France et des cours italiennes. Enfin, c’est aussitôt après l’éclipsé de Rome que François Ier, cherchant un atout de prestige dans sa lutte avec Charles Quint, fait appel à des satellites de Michel-Ange et s’efforce de faire de Fontainebleau une « seconde Rome », un centre de Renaissance capable de rayonner vers les pays du Nord.