Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

relativité (suite)

Gravitation et géométrie non euclidienne

L’équivalence locale des forces de gravitation et des forces d’inertie met en évidence qu’il existe une relation entre la gravitation et la géométrie de l’espace-temps. Einstein interprète la gravitation créée par la présence de masses comme une déformation (une « courbure ») de l’espace-temps par rapport à l’espace euclidien : dans l’espace ainsi déformé, les corps libres se meuvent non plus selon des droites, mais selon des courbes appelées géodésiques.

Cet espace n’a plus une géométrie euclidienne, et les systèmes de coordonnées que l’on doit utiliser sont différents du système habituel ; les coordonnées d’espace et de temps y ont des rôles si mêlés qu’il devient impossible de les séparer. Grâce à cette géométrisation, il devient possible de connaître entièrement le mouvement des corps et d’exprimer les lois de la mécanique et de la physique pour tout observateur accéléré ou en présence de champs de gravitation. Ces lois s’expriment de la même manière dans tous les points de l’espace et sont donc universelles : par exemple, le principe fondamental de la mécanique ainsi généralisé s’exprime en disant que la trajectoire d’un corps soumis seulement aux forces de gravitation est une géodésique de l’espace-temps.

Mathématiquement, l’espace-temps en relativité générale s’exprime par l’élément d’espace généralisé, en coordonnées cartésiennes :

où les xi, xk sont les quatre coordonnées : x0 = ct est la coordonnée de temps, et x1, x2, x3, sont les coordonnées d’espace. Les coefficients — gik, qui forment un tenseur symétrique (gik = gki), dit tenseur métrique, expriment la courbure de l’espace due aux champs de gravitation, « réels » ou « fictifs », liés aux accélérations, et dépendent évidemment du choix du système de coordonnées. En l’absence de champ de gravitation ou d’accélération (système d’inertie), on a l’expression classique déjà vue de l’élément ds2, que l’on peut écrire

donc
g00 = – 1, g11 = g22 = g33 = 1, gik = 0 si i ≠ k.
Il importe de remarquer qu’en présence de champs de gravitation « réels » on ne peut ramener l’expression de ds2 à l’expression galiléenne ci-dessus par aucun changement de coordonnées : l’apparition de coefficients diagonaux gii différents de 1 ou de termes non diagonaux gik (i ≠ k) différents de 0 est inévitable dans ce cas et exprime ce que l’on appelle la courbure de l’espace.


Vérifications de la théorie de la relativité générale

Ces vérifications consistent à tenter de détecter la courbure de l’espace-temps liée à la présence de masses. Dans les conditions locales (système solaire), les effets de cette courbure sont très petits et difficiles à mesurer, mais ils peuvent devenir considérables dans certains cas.

• Déviation des rayons lumineux par un champ de gravitation. En présence d’une masse, le Soleil par exemple, l’espace-temps se déforme localement, et la trajectoire de la lumière n’est plus une droite. Un rayon passant à la distance r0 du Soleil est dévié d’un angle α = 4GM/c2r0, où G est la constante de la gravitation et M la masse du Soleil. Cet angle vaut 1,75″ près du bord solaire. On a tenté de mesurer à de nombreuses reprises cette déflexion en observant la position d’étoiles voisines du bord solaire, en profitant des éclipses totales, et plus récemment en observant le déplacement apparent d’une radiosource très proche du Soleil. Cette seconde méthode, plus précise, donne un résultat en bon accord (à 3 p. 100 près) avec la théorie. On a aussi mesuré le retard d’une onde radio passant dans le champ de gravitation solaire au moyen d’échos radars sur les planètes ou de satellites artificiels. Ce résultat, précis à 5 p. 100 près, est aussi en accord avec la relativité générale.

• Décalage des raies spectrales. Lorsqu’un atome émet des raies dans un champ de gravitation, la théorie de la relativité générale prévoit que leur longueur d’onde est plus grande qu’en l’absence de gravitation. Cela a été vérifié notamment en observant le spectre des naines blanches, étoiles très denses pour lesquelles la gravité est très grande, et par des expériences effectuées en 1960 par Robert Vivian Pound et G. A. Rebka, et en 1965 par R. V. Pound et J. L. Snider, qui ont mesuré le décalage relatif d’une raie d’émission gamma nucléaire en deux points de la Terre d’altitude différente. L’accord de la dernière expérience avec la relativité générale est correct à 1 p. 100 près environ.

• Déplacement du périhélie de Mercure. En raison de la courbure de l’espace près du Soleil, les orbites (géodésiques) des planètes ne sont pas exactement les ellipses de Kepler. La différence est importante pour Mercure, dont la relativité générale prévoit que le grand axe de l’orbite doit tourner autour du Soleil de 43″ par siècle. L’observation tant par mesures de position que par mesures de distance par radar confirme ce déplacement avec un accord excellent à 2 p. 100 près environ. Cependant, Robert H. Dicke a fait remarquer qu’un léger aplatissement du Soleil produirait un effet du même genre et a cru détecter cet aplatissement ; mais l’existence de celui-ci est actuellement très controversée.

Telles sont les vérifications actuelles de la relativité générale. D’autres expériences et observations sont en projet. On ne peut affirmer que les observations disponibles constituent des preuves irréfutables de la relativité générale ; mais elles ont permis d’éliminer la plupart des théories concurrentes, et il ne reste en lice que des théories « métriques », c’est-à-dire qui lient la géométrie de l’espace au champ de gravitation, comme le fait la relativité générale. Ces théories sont, en fait, dérivées de la relativité générale et se réduisent à elle dans des cas particuliers ; elles pourront être confirmées ou éliminées par des tests futurs, mais la théorie d’Einstein a pour elle une beauté et une simplicité qui la font préférer par la grande majorité des scientifiques.