Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

acier (suite)

Les localisations de la sidérurgie

Longtemps, les contraintes nées de l’approvisionnement en matières premières et en énergie ont été déterminantes dans la localisation des établissements sidérurgiques. Au xviiie s., les fourneaux se dispersent dans les régions forestières, où abondent les minerais, et les forges et les martinets s’égrènent le long des cours d’eau. Par la suite, les usines s’installent de préférence dans les secteurs qui fournissent à la fois le charbon à coke et le minerai de fer, comme la Black Country, près de Birmingham, le Cumberland et, dans une moindre mesure, le pays de Galles. Mais, la plupart du temps, minerai de fer et charbon ne se trouvent pas aux mêmes sites. Avec les progrès des transports ferroviaires, on peut installer les usines sidérurgiques à quelques dizaines de kilomètres d’une de leurs sources d’approvisionnement. Si le transport peut se faire par voie fluviale, ou par mer, la distance peut être encore plus grande. La plupart du temps, les usines s’installent sur les gisements houillers, à cause des tarifs des transports ferroviaires, mais aussi de la très forte consommation énergétique des premières installations de transformation. Il est alors préférable de faire voyager les minerais de fer plutôt que les charbons.

L’invention du procédé Bessemer renforce encore ces tendances. Celui-ci exige l’emploi d’un minerai à forte teneur et non phosphoreux. La plupart des gisements européens ne répondent pas à ces qualifications, mais la valeur du minerai, là où il convient au procédé, lui permet de voyager, ce qui fait naître ou prospérer les premières sidérurgies littorales, celles du pays de Galles ou du Northumberland, en Grande-Bretagne, ainsi que celles des ports de l’ouest de la France.

Avec la mise au point du procédé Thomas et Gilchrist, les conditions changent encore. On peut utiliser des minerais à faible teneur, bon marché. Mais leur transport est onéreux sur de longues distances, si bien que la sidérurgie s’installe parfois sur les réserves de fer : ainsi en Lorraine, et, dans une moindre mesure, en Angleterre, dans le Lincolnshire ou dans le Yorkshire. Partout ailleurs où les minerais sont riches, on continue à les amener jusqu’aux usines situées près du charbon. On ne connaît qu’une exception à la règle, mais elle est de taille. L’Oural ferrifère constitue depuis le xviiie s. un foyer essentiel de la sidérurgie russe. Riche en bois, il était bien placé au siècle passé. Il dépend maintenant de gisements houillers locaux assez pauvres, ou du charbon lointain de Karaganda et du Kouzbass.

La dimension optimale de l’établissement sidérurgique intégré s’est accrue rapidement : elle était de quelques dizaines de milliers de tonnes vers 1870, de 100 000 t vers 1900, de 500 000 t vers 1930. Elle se situe à l’heure actuelle entre 5 et 10 Mt. L’augmentation de la production s’est alors accompagnée, dans la plupart des pays, d’une diminution du nombre des établissements importants, les autres se spécialisant dans l’élaboration des demi-produits. Jusqu’à la mise en service des trains continus modernes, ces opérations se faisaient avantageusement dans des établissements de petite ou de moyenne dimension. On voit ainsi, au début du siècle, se dessiner un divorce entre les régions de sidérurgie lourde et les zones de transformation avale, qui correspondent à de vieux noyaux industriels, à de grands centres urbains. Les foyers sidérurgiques perdent une partie de leur effet d’entraînement. Les produits les plus élaborés, demandés par les industries de pointe, sont fournis d’ailleurs par les fours électriques ou par les fours Martin, installés à proximité des zones d’hydro-électricité ou dans les grandes villes.

Les progrès récents de la sidérurgie ont diminué les besoins énergétiques, multiplié les économies d’échelle et favorisé aussi les établissements qui emploient des minerais riches. Pour disposer des approvisionnements massifs que supposent les nouvelles usines équipées, au moins partiellement, de fours à l’oxygène, les sites littoraux sont les plus intéressants, comme le montrent les exemples italiens et japonais, et les créations récentes de Dunkerque ou de Fos.

La tendance à la concentration, sur les façades littorales, des grandes puissances industrielles n’est cependant pas universelle. L’importance des investissements passés assure la vigueur du développement des installations intérieures en France, aux États-Unis par exemple. Les pays de l’Est restent fidèles à un modèle continental d’organisation. Les moyennes puissances s’équipent de manière massive (Australie, Canada, Afrique du Sud, Suède), cependant que les pays sous-développés participent de plus en plus à la production par des installations de faible capacité.

Jusqu’à une date récente, les échanges internationaux demeuraient organisés selon un schéma simple : les minerais voyageaient assez peu ; les produits métallurgiques provenaient tous de l’Europe du Nord-Ouest ; les producteurs les plus puissants, les États-Unis et l’U. R. S. S., ne travaillaient que pour leur marché intérieur. La croissance spectaculaire de l’industrie japonaise bouleverse cette situation. Actuellement les échanges de minerais se font à l’échelle de la planète, le Japon est en passe de ravir la première place à la C. E. E. comme exportateur et les courants les plus actifs sont destinés désormais à des pays industriels puissants (les États-Unis sont devenus le premier importateur mondial).

Depuis un siècle, l’acier est devenu un produit essentiel pour toutes les activités économiques. Mais, en même temps, la sidérurgie lourde a perdu une partie des effets moteurs qui la caractérisaient jusqu’aux années 30, comme le montre le recours massif aux importations par les grands pays.

P. C.

➙ Fonderie / Formage / Métallographie / Métallurgie / Sidérurgie.