Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

acier (suite)

Historique de la production

Jusqu’à la fin du xviiie s., le fer a été le métal le plus couramment employé. On ne sut obtenir de la fonte en Occident qu’à la suite de l’amélioration des fours qu’apporta le Moyen Âge, et, avant l’emploi généralisé du coke, le produit resta peu utilisé. L’acier, généralement obtenu par cémentation, et fourni en très petites quantités, servait à la fabrication des armes, des ressorts. La métallurgie était une industrie de régions riches en bois, en minerais superficiels et en eau : elle animait, en France, les plateaux de Champagne, de Lorraine, de Franche-Comté et du Périgord. La Suède et la Russie étaient devenues les principaux fournisseurs d’un monde occidental qui manquait de plus en plus de bois, mais qui utilisait largement le métal.

L’histoire moderne de la métallurgie commence avec l’utilisation du charbon de terre par Abraham Darby, mais les progrès furent lents, et les premières expériences, qui remontent à 1709, ne suscitèrent guère d’enthousiasme. Il fallut un demi-siècle pour maîtriser la nouvelle technique et à peu près autant pour ouvrir de nouveaux marchés à la fonte produite. Depuis lors, l’histoire de la métallurgie est celle de mutations techniques incessantes et d’une croissance continue et accélérée des productions et des consommations.

Les deux premiers tiers du xixe s. sont l’âge de la fonte. Au lendemain de la guerre de Sécession, en 1867, les États-Unis produisent 1,5 Mt de fonte et 20 000 t d’acier. La disproportion est peut-être moins marquée en Europe, mais elle est très élevée : en France, en 1855, l’acier ne représente que 4 p. 100 de l’ensemble des articles obtenus. L’invention du convertisseur réalisée par Bessemer en 1855 permet d’obtenir l’acier en grande quantité et à bas prix. Les innovations se succèdent alors durant un demi-siècle : les procédés Martin, Thomas et Gilchrist, et les aciers électriques apparaissent successivement, si bien que le triomphe de l’acier est fait d’une série de transformations successives qui bouleversent les marchés. En 1880, au moment où la production d’acier commence à se généraliser, la production sidérurgique mondiale n’est que de 18 Mt. Elle croît très vite jusqu’à la Première Guerre mondiale (75 Mt en 1913) et ensuite jusqu’à la Grande Crise (120 Mt en 1929). Cette croissance se ralentit un peu ensuite en raison de la dépression des années 30 et de la Seconde Guerre mondiale, mais peut-être aussi à cause d’une certaine torpeur dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Les alliages sont de plus en plus complexes, les utilisations possibles des aciers se multiplient, mais les techniques de fabrication demeurent en 1950 à peu près ce qu’elles étaient en 1910 : il n’y a pas eu de procédés vraiment nouveaux, et les progrès ont tenu à la rationalisation des opérations, qui a provoqué une augmentation rapide des échelles optimales. En 1950, la production n’a pas encore doublé par rapport à 1929, puisqu’elle est de 200 Mt.

La période contemporaine se marque par une nouvelle vague d’innovations, la mise au point de bas fourneaux ou encore l’utilisation de l’oxygène pour la fabrication de l’acier. La production augmente à un rythme rapide, puisqu’elle a dépassé 700 Mt en 1974.

Le fer n’a presque plus d’utilisations. La fonte de moulage recule devant la concurrence de produits nouveaux. L’acier constitue aujourd’hui l’essentiel de la consommation de produits sidérurgiques dans le monde. Ses vieux emplois (les armes et les outils) se maintiennent, et l’invention des aciers spéciaux a permis de multiplier à l’infini la gamme des outillages destinés à l’industrie mécanique. Mais les plus gros tonnages vont aujourd’hui à d’autres emplois : la substitution de l’acier à la fonte pour les rails de chemin de fer a ouvert le premier débouché de masse aux usines qui venaient d’adopter les convertisseurs Bessemer. Très vite, on a pris aussi l’habitude d’employer l’acier dans la construction. On avait déjà l’expérience de l’emploi de la fonte. Pour les ponts, les grandes charpentes, l’acier permet des fabrications plus aisées, plus solides. À Chicago, on commence à l’employer dès les années 1880 pour l’ossature des immeubles, et, au même moment, en Europe, le béton armé apparaît. Il y a longtemps qu’une partie de la production va aux laminoirs. Mais le fait essentiel, depuis un siècle, est la multiplication des applications dans ce domaine ; les tôles fortes pour la construction navale, les tôles moyennes et fines utilisées dans toutes les industries de produits mécaniques, l’automobile, les fabrications électroménagères, l’ameublement représentent aujourd’hui la moitié de ce qu’absorbent les grands pays industriels.

Les transformations de la consommation ont eu des conséquences importantes sur l’équilibre de la production. Les économies d’échelle réalisables au niveau du laminage se sont révélées considérables, alors qu’elles sont plus faibles lorsqu’il s’agit d’obtenir la plupart des autres demi-produits. Le transport des laminés est généralement plus coûteux que celui des rails, des blooms, des billettes, ce qui favorise les installations situées auprès des marchés.

La géographie de la production sidérurgique est mouvante. Ses bouleversements sont incessants, et ses effets multiplicateurs certains. La fabrication nécessite l’utilisation de matières premières abondantes (minerai de fer, minerais métalliques divers, ferraille, fondants, réfractaires), d’énergie (charbon de bois autrefois, coke et charbon ensuite, gaz, électricité, et produits pétroliers de plus en plus). Les besoins en eau sont énormes : de l’ordre de 150 à 200 m3 par tonne d’acier obtenu. Malgré la mécanisation de plus en plus poussée des opérations, la main-d’œuvre employée est nombreuse, si bien que la répartition des foyers de peuplement peut peser sur les décisions d’implantation, au même titre que celle des marchés.