Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Ratisbonne (suite)

La diète de Ratisbonne (1630)

Réunie de juillet à octobre 1630, cette diète d’Empire marque un tournant capital dans l’histoire de la guerre de Trente* Ans, dont le centre de gravité se déplace vers le nord de l’Europe du fait de l’intervention de la Suède suscitée par la France. Le Père Joseph, représentant la France à Ratisbonne, réussit à convaincre les Électeurs de ne pas élire roi des Romains le fils de Ferdinand II et signa la paix (13 oct.) avec l’Empereur. L’évacuation des Grisons et de la Valteline par les Autrichiens, celle du Piémont par les Français ainsi que la cession de Mantoue et du Montferrat au duc Charles Ier de Nevers, prévues à Ratisbonne, furent confirmées à Cherasco (traité du 6 avril 1631).

P. T.

➙ Allemagne / Bavière / Germanie / Saint Empire romain germanique.

Rauschenberg (Robert)

Peintre américain (Port Arthur, Texas, 1925).


Pour l’amateur d’art qui, en 1959, alors que commençait à s’essouffler l’abstraction triomphante, n’avait pas présents à l’esprit les provocations de dada* antérieur de quatre décennies, les collages et assemblages de Man Ray, de Kurt Schwitters, puis de Joan Miró, comme les ready-mades de Marcel Duchamp*, l’une des œuvres les plus bizarres confectionnées cette année-là par Rauschenberg et intitulée Monogram pouvait paraître excéder les bornes du supportable. Sur un tableau posé au sol, lui-même mélange peu congru de peinture balafrée et de collages divers, se dresse un bouc angora naturalisé, le corps ceint d’un vieux pneu, rencontre des anciennes civilisations pastorales avec le sédiment détritique de la « culture » urbaine. Mélancolie, humour ? Ou tentative pour faire surgir entre objets à forte différence de potentiel l’étincelle fulgurante des surréalistes ? Plus probablement volonté d’établir les choses, à la manière de Duchamp, dans un état de complet déracinement par rapport au contexte où, d’une façon distraite, nous avons l’habitude de les percevoir. C’est une lecture du monde plus libre, moins aliénée qu’offre ainsi l’artiste, très vite devenu l’un des plus célèbres de sa génération. Il affirme vouloir non pas exprimer un message, mais créer « une situation qui laisserait autant de place pour le regardeur que pour l’artiste ». Précurseur du pop’art*, il tente de réconcilier l’art et la vie, d’« agir dans la brèche qui les sépare », s’attaquant du même coup au primat de la subjectivité qui fondait l’expressionnisme* abstrait.

Rauschenberg s’est donné une formation diversifiée dans plusieurs instituts américains ; il a eu entre autres professeurs le vieux maître de l’abstraction géométrique Josef Albers et l’expressionniste abstrait Jack Tworkov. En 1951, il fait sa première exposition particulière, peint frénétiquement une moyenne de cinq toiles par jour (séries entièrement blanche, puis entièrement noire). Il voyage à l’étranger en 1952-53. Exposant à Florence des assemblages d’objets-fétiches faits en Afrique du Nord, il obtempère à la suggestion d’un critique italien de les jeter ensuite dans l’Arno. L’attitude du sujet agissant compte plus que l’œuvre immuable destinée au musée : cette conception, qui, d’ailleurs, ne dominera pas l’ensemble de la carrière de Rauschenberg, se rattache à celle des faiseurs de happenings*, des danseurs d’avant-garde qu’il fréquente à partir de cette époque, du compositeur John Cage*, qui devient son ami.

Après les « dirt paintings » (peintures sales) de 1953 et leur succès de scandale viennent les « red paintings », qui font systématiquement appel au collage*, et les « combine paintings », nom que l’artiste donne à la plupart de ses œuvres de 1953 à 1961. Tissus, fragments d’imprimés, matériaux et objets le plus souvent vétustés sont assemblés, repris au pinceau en giclures qui n’ont de désordonné que l’apparence, tant le souci de composition reste (et restera) évident chez Rauschenberg — artiste, en ce sens, traditionnel. L’ambiguïté s’installe entre la vieille délectation picturale et une invasion de la réalité qui n’y met pas fin (poste de radio en état de marche intégré dans Broadcast, 1959). De 1959 à 1961, dans les œuvres qui demeurent murales, les composants de l’assemblage atteignent un maximum d’autonomie (aigle et polochon de Canyon, 1959), tandis que la pression de la vie, des événements du monde fait que le sens sociologique des objets tend à l’emporter sur la « poétique » du déchet.

Cela se précise lorsqu’à partir de 1962 Rauschenberg renonce momentanément au relief et à l’objet pour adopter, peu après le « pop’artiste » Andy Warhol, le report sérigraphique sur toile des images mécaniques les plus diverses : photographies de journaux, reproductions d’art, fragments à impact plus ou moins émotionnel toujours associés à des secteurs peints à la manière expressionniste. Par rapport aux « provocations » antérieures, ces toiles raffinées semblent d’autant plus rejoindre un idéal « classique » que les images qu’elles juxtaposent, même ayant trait à la violence, à la politique, à la guerre, ne paraissent pas s’ordonner dans un sens littéral de satire ou de contestation de la société américaine. Il s’agit plutôt d’un constat, dont l’artiste n’est pas sans tirer une sorte de griserie, sensible dans son vaste panneau pour la Foire mondiale de New York en 1964. La même année, Rauschenberg obtient à la Biennale de Venise un triomphal grand prix de peinture.

De 1964 à 1966, il consacre une partie de son temps à des collaborations théâtrales ou chorégraphiques ; il conçoit, comme déjà en 1955, des décors et des costumes pour la compagnie de Merce Cunningham. Il entame d’autre part un flirt avec les ingénieurs. Cofondateur, en 1967, de l’association E. A. T. (Experiments in Art and Technology), il donne les Revolvers (machines composées de grands disques en Plexiglas qui tournent en sens contraires, mêlant par transparence leurs images sérigraphiques froides) et les Soundings (panneaux de glace sur lesquels l’image apparaît en fonction du bruit que l’on émet devant). En même temps, dans les belles lithographies qu’il multipliera désormais (série Stoned Moon Project, 1969), il passe avec aisance de l’épure technologique à une libre errance de la main. La technique qu’il adopte pour ses dessins (depuis les illustrations de l’Enfer de Dante, 1960) révèle un processus dialectique voisin : c’est le coup de crayon nerveux, personnel, qui fait surgir sous forme de frottis (par l’intermédiaire d’un agent chimique fixant l’encre d’imprimerie) l’image objective des journaux et des magazines.