Raphaël (suite)
La main de Raphaël
Il faut se garder d’une erreur assez répandue qui consiste à croire que le mérite de Raphaël réside dans la conception et peut-être dans la composition, mais guère dans l’exécution, à le ramener, comme voulait Bernard Berenson, à celui d’un génial « illustrateur ». Raphaël est aussi un très grand peintre. Il est vrai qu’une sorte de pudeur l’a presque toujours amené à dissimuler ses moyens et sa science sous une apparence de simplicité, voire d’ingénuité. Il est vrai encore qu’il a eu le rôle d’un maître d’œuvre, que l’ampleur de sa tâche l’a souvent obligé à confier, en partie ou même entièrement, l’exécution des commandes à ses élèves ou collaborateurs, qu’il n’est pas facile enfin de déterminer le degré d’importance exact de ces interventions. On s’accorde cependant à juger autographes un certain nombre d’ouvrages dont la qualité s’impose aux regards. Qualité du dessin, attestée d’ailleurs par les nombreuses études préparatoires que les grandes collections mondiales conservent du maître et qui font goûter toute la sensibilité de contours nés d’un jeu de courbes. Qualité de la couleur, généralement discrète et servante de la forme, parfois plus riche comme le montre la Messe de Bolsena. Qualité du faire, léger et vibrant dans les meilleurs cas, mais d’une virtuosité qui ne s’affiche pas volontiers.
Le peintre et sa postérité
Les gravures de Marcantonio Raimondi (1480-1534), contemporain de Raphaël, ont contribué à la popularité de son œuvre. La diffusion du style s’est opérée grâce à ses nombreux aides et disciples, dont Jules Romain apparaît de beaucoup le plus personnel. Il est vrai que l’usage fait par eux du langage de leur maître a le plus souvent débouché sur le maniérisme*. Le véritable héritier de Raphaël serait plutôt un peintre français du xviie s., Le Sueur*.
Longtemps, et non sans abus, l’œuvre de Raphaël a été regardée comme une sorte de manifeste du classicisme*. C’est peut-être la raison principale du dédain qu’elle rencontre souvent depuis le milieu du siècle dernier, et qu’exprimait notamment la révolte des préraphaélites*. De nos jours encore, les qualités de Raphaël ne sont pas de celles qui peuvent combler un goût plutôt à la recherche de l’inattendu et de l’inachevé. Un regard attentif permet cependant de discerner sous le vêtement de la simplicité ce qui fait la jeunesse et l’élévation de son message.
Raphaël architecte
Les ouvrages d’architecture de Raphaël méritent une place parmi ceux qui contribuent à définir l’esprit de la Renaissance classique. L’essentiel est à Rome. L’église Sant’Eligio degli Orefeci date de 1513 environ. En 1514, Raphaël fut nommé, après Bramante*, directeur des travaux de la basilique vaticane ; il adopta un projet qui abandonne la croix grecque pour la croix latine, mais qui ne fut pas exécuté comme tel. En revanche, il s’inspira du projet de Bramante pour Saint-Pierre en élevant vers 1515, à Santa Maria del Popolo, la chapelle Chigi. La loggia de la villa Madama, de 1516 environ, est remarquable par sa voûte à décor de stuc.
B. de M.
O. Fischel, Raphaels Zeichnungen (Berlin, 1913-1972 ; 9 vol.). / A. Venturi, Raffaello (Urbino, 1920 ; nouv. éd. complétée par L. Venturi, Milan, 1952). / M. Pittaluga, Raffaello, dipinti su tavola (Milan, 1954 ; nouv. éd., 1961). / E. Camesasca, Tutta la pittura di Raffaello (Milan, 1956 ; 2 vol.). / L. Dussler, Raffael, kritisches Verzeichnis der Gemälde, Wandbilder und Bildteppiche (Munich, 1966). / P. De Vecchi, l’Opera completa di Raffaello (Milan, 1966 ; trad. fr. Tout l’œuvre peint de Raphaël, Flammarion, 1969). / N. Ponente, Qui était Raphaël ? (Skira, Genève, 1967). / L. Becherucci, Raffaello. L’opera, le fonti, la fortuna (Novare, 1968). / J. Pope-Hennessy, Raphael (New York, 1970).