Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pyrrhos (suite)

Après de rapides succès, Pyrrhos s’enlisa dans cette affaire ; les Grecs, lassés de payer tribut, se révoltèrent contre lui, et Pyrrhos quitta la Sicile comme un fugitif (v. 275). Sa condition avait désormais changé : il avait perdu la plupart de ses soldats épirotes et il apparaissait comme un condottiere à la tête d’une troupe de mercenaires. Pour payer ceux-ci, il pilla le trésor de Perséphone, à Locres. Le butin, chargé sur des navires, y fut ramené par une tempête : le roi, effrayé de ce présage, craignit dès lors la vengeance divine. Reprenant la guerre contre Rome, il fut battu à Maleventum en 275 (que les Romains auraient rebaptisé alors Beneventum [Bénévent] en souvenir de l’événement). Les éléphants, habilement attaqués par ses adversaires, s’étaient retournés contre ses propres troupes. Pyrrhos ne tarda pas à se retirer d’Italie. Cherchant encore de quoi payer ses soldats, il s’abattit sur la Macédoine et se fit proclamer roi en 274 à la place de son adversaire, Antigonos Gonatas (v. Antigonides). Puis il vint en Grèce au secours d’un roi de Sparte détrôné, Kleonymos : les Spartiates résistèrent brillamment. Passé à Argos, Pyrrhos se trouva face à face avec Antigonos : au cours d’un combat de rues, il fut tué par une tuile lancée d’un toit par une femme.

R. H.

➙ Épire.

 P. Lévêque, Pyrrhos (De Boccard, 1957).

Pythagore

En grec Pythagoras, philosophe grec, né probablement à Samos entre 580 et 570 av. J.-C.



Des questions et des légendes

Pythagore n’a rien écrit, et nous ne le connaissons que par la tradition orale. Or le secret fait aussi partie de cette tradition... Tout se passe comme s’il avait si bien su sécréter le mystère que lui-même en reste nimbé et ne peut apparaître à la postérité qu’à travers des histoires mythiques ou légendaires : lui-même n’a-t-il pas déclaré être fils d’Apollon ou d’Hermès ? Et en avoir reçu un don étrange et précieux : garder le souvenir de ses précédentes réincarnations ? De là, sans doute aussi, ses dons prophétiques, et, multiple aussi dans l’instant, celui d’ubiquité. Voyageur du temps et de l’espace, il l’est aussi de la vie et de la mort : aux Enfers, on raconte qu’il a été témoin des punitions de deux impies : Hésiode et Homère. On raconte ainsi que Pythagore se souvient d’avoir vécu pendant la guerre de Troie ; il y aurait emprunté les traits d’Euphorbe, guerrier mis à mort par le roi Ménélas. Il aurait existé une liste des incarnations de Pythagore antérieures à lui, et constituant ce don d’« anamnèse », ou pouvoir de restituer au présent la réalité de vies antérieures, dont la légende pare sa personne. Et, de tant de pouvoirs supra-humains, son corps porte une marque étrange ou divine : un fémur d’or. Ainsi, Pythagore a choisi, pour cheminer dans la mémoire des hommes, le chemin de l’imagination, et Aristote entérine le fait, évitant de prononcer le nom du maître, pour parler, mystérieusement, de « ceux qu’on appelle pythagoriciens ». Ce qui pour nous demeure capital, c’est la règle de vie imposée à « ceux qu’on appelle pythagoriciens », et qui consiste en l’obligation pour eux de se remémorer chaque soir les événements de la journée. Cette technique, apparemment psychologique à nos yeux, était considérée à l’époque classique comme une sorte de reviviscence morale de l’être présent au travers duquel se reflète une pyramide innombrable de vies antérieures. Cette reviviscence est vécue par l’adepte des théories pythagoriciennes comme une purification, selon les termes de Proclus, c’est-à-dire un arrachement aux forces qui enchaînent l’homme à la vie présente. En ce sens, cette attitude, qualifiée de pythagoricienne, entraîne un courant de pensée où Platon, Empédocle ont leur place, tout en s’en différenciant très explicitement.


Des faits, tout de même

Son père se nommait Mnésarque, et, à Samos, où il naquit, il eut sans doute pour maîtres Phérécyde et Anaximandre. Et nous voilà à la source du mystère, car il s’agit là, non simplement de savants ou même de sages, mais de véritables visionnaires, d’hommes divins, qui s’offrent comme intercesseurs, au nom des hommes, auprès du dieu ; ils doivent ce rôle à leur don de voyance, à leur souvenir d’existences antérieures... Mais Pythagore voyage : il connaît la Perse, la Gaule, la Crète, l’Égypte. Lorsqu’il revient au pays, sa patrie est sous le joug d’un tyran : Polycrate. Il la quitte. Il a quarante ans. En Grande-Grèce, à Crotone, il fonde son école.

Très vite, des Lucaniens, des Messapiens, des Romains affluent en grand nombre.


Le mysticisme

L’autorité du maître, seul détenteur de la vérité, est souveraine. Avant de paraître devant lui, ses disciples doivent observer une période de silence, qui dure cinq ans. Quant aux doctrines enseignées, le secret le plus absolu est exigé. Les pythagoriciens allaient tout de blanc vêtus, fuyaient le contact des femmes en couches, évitaient la maison du mort, refusaient de croquer une fève, de manger un œuf, et sur leur vie communautaire planait le mystère. Des femmes y furent admises, comme Théano, épouse et disciple du maître.


L’hétairie politique

Mais le secret n’est pas seulement la marque du mysticisme. Il est aussi l’exigence de ceux qui ne veulent divulguer le savoir, et donc le pouvoir, qu’au petit nombre des « meilheurs » (aristoi). Les pythagoriciens de Crotone sont partisans de l’aristocratie, et leur parti se ramifie à Sybaris, à Rhêgion (auj. Reggio), en Sicile. On conçoit mieux alors les vives réactions des démocrates contre l’école pythagoricienne. Ce sont eux qui incendièrent l’édifice où tous les disciples périrent, sauf deux. Quant au maître, l’histoire, de nouveau, se fait légende : étant parvenu à s’échapper, il aurait péri devant le champ de fèves que les règles de sa secte lui interdisaient de traverser.

Ces jeunes aristocrates étaient dressés à rude école. Communauté des biens et des repas, exercices physiques, apprentissage de la musique, réglementation des nourritures ; formation morale, aussi, et code de l’honneur du combattant : « Il est juste et pieux de faire la guerre homme contre homme [...] il faut combattre, non en parole, mais en acte » et « il est noble de mourir de blessures reçues de face. »