La psychasthénie, remarquablement décrite par Pierre Janet* (1859-1947), caractérise une vaste catégorie de sujets anormaux ou de malades psychiques qui constituent une réalité clinique indiscutable. La notion de « neurasthénie » décrite par George Miller Beard (1839-1883) a précédé celle de « psychasthénie ». Le terme neurasthénie est tombé en désuétude et le concept de psychasthénie lui-même se trouve battu en brèche au profit de notions telles que la dépression* constitutionnelle, la dépression névrotique, les névroses*.
Description clinique classique
La psychasthénie se caractérise par les traits ou les symptômes suivants : fatigabilité rapide psychique, physique et sexuelle (mais l’asthénie ne suffit pas à porter le diagnostic) ; sentiment très pénible d’incomplétude, d’impuissance et d’imperfection mentales ; tendance très marquée aux doutes, aux scrupules excessifs, aux regrets, aux vérifications, aux ruminations psychiques ; introspection ou autocritique fréquente ; timidité et inhibition dans les contacts sociaux ; besoin fréquent d’être rassuré, soutenu dans un cadre précis hiérarchique, professionnel ou familial. La concentration intellectuelle est souvent insuffisante ou facilement épuisable. Toutes les activités fortement volontaires, bien adaptées au présent, à la vie sociale sont difficilement effectuées. Parfois, les décisions sont prises de manière impulsive, contrastant avec mille tergiversations antérieures. Les psychasthéniques se soucient exagérément des détails, de la forme. Ce sont souvent des « distraits électifs », mais aussi des hypersensibles, intériorisés, sensibles aux critiques, à l’autorité tout autant qu’au bruit ou à l’agitation. Le psychasthénique sous-estime en règle générale ses moyens, il surestime les obstacles ou le but de ses efforts. Son imagination est assez vive. Sa sensibilité intuitive et sa logique le disposent à bien juger et à analyser avec finesse les situations dans lesquelles il se trouve. Mais c’est au moment du passage à l’action que le sujet tâtonne, hésite en tous sens et s’écroule. Il est vrai que les psychasthéniques de haut niveau intellectuel réussissent mieux dans les domaines théoriques, esthétiques, littéraires et dans celui de la pensée analytique. Quand le niveau intellectuel est moyen, le sujet s’adapte mieux aux travaux de routine plus ou moins spécialisés, avec des directives et une technique bien mises au point, qu’il s’agisse d’un travail administratif, manuel ou d’activités ménagères.
Par ailleurs, la sexualité est assez souvent défaillante, inégale ou fragile : épuisement rapide des disponibilités, éjaculation précoce, impuissance partielle. Le sommeil est volontiers pathologique : soit insomnie avec ruminations mentales obsédantes, soit hypersomnie qui restreint le champ des activités.
Complications
Le psychasthénique peut souffrir, par périodes, d’obsessions, de phobies, de symptômes dépressifs, d’anxiété ou d’angoisse importante. Au minimum, surtout chez les femmes, s’observent de longues phases de « faiblesse irritable ». Les états ou les sentiments de dépersonnalisation sont très classiques au cours de cette névrose : impression d’étrangeté du monde ambiant, de barrière invisible entre la réalité extérieure et le sujet. Tout paraît lointain, brumeux, un peu irréel. Le malade lui-même se sent la tête vide, l’esprit flottant à la dérive, absent. Néanmoins, la conscience du trouble est aiguë avec lutte anxieuse pour en sortir. Certaines formes de psychasthénie évoluent vers une véritable névrose obsessionnelle, plus rarement vers une névrose phobique. Quand la rigidité mentale est importante et s’associe à une hypersensibilité, une susceptibilité des tendances interprétatives, une rétention douloureuse des sentiments et des désirs, une impression permanente de frustration injuste, on peut voir se dessiner une évolution vers la paranoïa sensitive (délire de relation des doux, des timides, des célibataires, etc.) décrite par Ernst Kretschmer (1888-1964). De nombreux psychasthéniques ressentent des troubles physiques décrits dans la vieille neurasthénie : non seulement la fatigue, mais encore des troubles digestifs, des douleurs vertébrales, des céphalées, des bourdonnements d’oreilles, des lipothymies (pertes de connaissance), des faux vertiges, des paresthésies (picotements, fourmillements) au niveau du crâne, des extrémités, des palpitations, de l’essoufflement, des tremblements intérieurs, une sudation profuse des extrémités... Dans l’enfance, on retrouve des signes précoces de « nervosité » : tics, bégaiement, énurésie, émotivité, cauchemars, timidité. L’évolution vers un syndrome hypocondriaque chronique est particulièrement redoutable.
Dans l’ensemble, les symptômes psychiques et physiques gênants se manifestent à leur maximum le matin au réveil. L’asthénie notamment s’améliore nettement en fin de journée, le soir ou en fin d’après-midi.