Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

psychanalyse (suite)

On pourrait montrer également que la définition des classes sociales doit aussi être révisée. S’il est vrai que des fonctions non économiques, les fonctions de contrôle et d’assujettissement, sont nécessaires à la reproduction du système social, l’appartenance de classe doit dépendre de la position à l’égard de ces fonctions idéologiques. Dans cette perspective, la lutte des classes ne porte plus seulement sur la répartition de la plus-value, mais sur les rapports d’inégalité et de domination. C’est ainsi qu’on a pu expliquer la hiérarchie des salaires, les privilèges des cadres par le jeu d’une double causalité. D’une part, la loi marxiste de la valeur, loi économique sur le coût de la force de travail des cadres qualifiés. D’autre part, la loi idéologique qui manifeste la hiérarchie de pouvoirs par la hiérarchie des salaires. On voit qu’une révolution antihiérarchique ne peut exclure ni l’apport de Marx ni celui de Freud.

3. Enfin, le dernier point du litige oppose la psychanalyse à la philosophie marxiste, au matérialisme dialectique. Cette philosophie clôture le savoir, promet toutes les contradictions à leur solution dialectique, permettant au communisme d’annoncer la réconciliation de l’homme avec la nature et avec lui-même. On sait que les contradictions n’ont pas ce mouvement selon Freud : le sujet est irrémédiablement divisé en lui-même, son désir a la structure du manque, la mort est l’horizon de sa jouissance. Répudier le matérialisme dialectique, remanier le matérialisme historique en référence à une causalité multiple, distinguer la science marxiste et la science freudienne avant de les articuler, c’est à ce prix que la révolution pour la liberté du désir contre l’ordre répressif pourra faire usage des deux théoriciens de la libération.

A. S.

 R. Osborn, Marxism and Psychoanalysis (Londres, 1965 ; trad. fr. Marxisme et psychanalyse, Payot, 1967). / M. Ambacher, Marcuse et la critique de civilisation américaine (Montaigne, 1969). / P. Masset, la Pensée d’Herbert Marcuse (Privat, Toulouse, 1969). / J.-M. Palmier, Présentation d’Herbert Marcuse (U. G. E., 1969) ; Herbert Marcuse et la nouvelle gauche (Belfond, 1973). / I. O. Rekh, Wilhelm Reich, a Personal Biography (New York, 1969 ; trad. fr. Wilhelm Reich, Belfond, 1970). / A. Mc Intyre, Herbert Marcuse, an Exposition and a Polemic (New York, 1970 ; trad. fr. Marcuse, Seghers, 1970). / L. de Marchi, Wilhelm Reich (Milan, 1970 ; trad. fr., Fayard, 1973). / A. Nicolas, Herbert Marcuse (Seghers, 1970). / A. Vergez, Marcuse (P. U. F., 1970). / R. Kalivoda, Marx et Freud (trad. du tchèque, Anthropos, 1971). / C. Rycroft, Wilhelm Reich (New York, 1971 ; trad. fr., Seghers, 1972). / Y. Buin, l’Œuvre européenne de Reich (Éd. universitaires, 1972). / G. Deleuze et F. Guattari, Capitalisme et schizophrénie, t. I : l’Anti-Œdipe (Éd. de Minuit, 1972). / P. Fougeyrollas, Marx, Freud et la révolution totale (Anthropos, 1972). / C. B. Clément, P. Bruno et L. Sève, Pour une critique marxiste de la théorie psychanalytique (Éd. sociales, 1973). / J. J. Goux, Freud, Marx, économie et symbolique (Éd. du Seuil, 1973). / J.-F. Lyotard, Dérive à partir de Marx et Freud (U. G. E., 1973). / J. Marabini, Marcuse et McLuhan et la nouvelle révolution mondiale (Mame, 1973).

Herbert Marcuse

Philosophe américain d’origine allemande (Berlin 1898).

Issu de la bourgeoisie juive de Berlin, il a vingt ans quand éclate la révolution allemande. Membre du parti social-démocrate, il quitte ce dernier après l’assassinat de Rosa Luxemburg et de Liebknecht (1919). Néanmoins, il sera rédacteur philosophique à Gesellschaft, revue théorique de la social-démocratie (1927). Il gagne Fribourg-en-Brisgau, où il est l’élève de Husserl* ; il fait sa thèse de doctorat sous la direction de Heidegger (Hegels Ontologie und die Grundlegung einer Theorie der Geschichtlichkeit [1932 ; trad. française l’Ontologie de Hegel et la théorie de l’historicité, 1972]) et rencontre Adorno* à l’Institut des recherches sociales de Francfort. Fuyant l’Allemagne en 1933, il se réfugie en Suisse, puis aux États-Unis, où il réside à partir de 1934. Il poursuit une carrière universitaire à Columbia et à Harvard et devient professeur de politique et de philosophie à l’université Brandeis de Waltham, près de Boston (1954-1965). Depuis 1965, il enseigne à l’université de San Diego, en Californie. On lui doit : Studien über Autorität und Familie (en coll. avec Adorno, 1936), Reason and Revolution. Hegel and the Rise of Social Theory (1941 ; trad. sous le titre Raison et révolution. Hegel et la naissance de la théorie sociale, 1968), Eros and Civilization (1955 ; trad. en fr. sous le titre Éros et civilisation, 1963), Trieblehre und Freiheit (1955), Die Idee des Fortschritts im Licht der Psychoanalyse (1956), Soviet Marxism (1958 ; trad. en fr. sous le titre le Marxisme soviétique, 1963), One Dimensional Man (1964 ; trad. en fr. sous le titre l’Homme unidimensionnel, 1968), Kultur und Gesellschaft (recueil d’articles écrits entre 1934 et 1938, publiés en 1965, trad. en fr. sous le titre Culture et société, 1970), Das Problem der Gewalt in der Opposition et Das Ende der Utopie (1967 ; trad. en fr. sous le titre la Fin de l’utopie, 1968) [ces deux derniers essais publiés dans un recueil d’articles intitulé Psychoanalyse und Politik, 1968], An Essay on Liberation (1969 ; trad. en fr. la même année sous le titre Vers la libération), Counterrevolution and Revolt (1972 ; trad. en fr. sous le titre Contre-révolution et révolte, 1973), Actuels... (1976).

Wilhelm Reich

1897

24 mars : naissance à Dobrzcynica, en Galicie autrichienne.

1918-1922

Études de médecine à Vienne. Il s’intéresse à la philosophie, à la biologie.

1919

Reich participe à un séminaire de sexologie ; c’est par ce biais qu’il prend contact avec la psychanalyse. La théorie de Freud sur l’origine sexuelle des névroses le convainc. Il va rendre visite à Freud.

1920

Il devient membre de la Société psychanalytique de Vienne.

1922-1930

Il est assistant, puis médecin-chef de la clinique psychanalytique de Vienne, où la gratuité des soins assure un recrutement ouvrier.

1924-1928

Directeur du séminaire de technique psychanalytique de Vienne.

1924

Communication (bien accueillie) de Reich au congrès de Salzbourg sur le rôle de la génitalité dans la genèse des névroses.

1927

Die Funktion des Orgasmus (la Fonction de l’orgasme ; trad. fr., 1952), où il reprend ses thèses sur la génitalité et constate l’extrême fréquence des névroses et la nécessité de leur prophylaxie qui « appelle des mesures sociales étendues ».

1927

Juillet : W. Reich s’inscrit au parti communiste autrichien, tirant les conséquences politiques de ses observations médicales. Il fait ouvrir dans la banlieue ouvrière de Vienne des centres de conseil sexuel destinés aux jeunes ouvriers. Il prononce une série de conférences en U. R. S. S.

1929

Dialektischer Materialismus und Psychoanalyse, où Reich entreprend d’expliquer la psychanalyse aux communistes.

1930

Publication de Geschlechtsreife, Enthaltsamkeit, Ehemoral, qui, remanié plusieurs fois, deviendra en 1945 The Sexual Revolution. Reich s’installe à Berlin, pensant trouver un accueil plus favorable que celui que lui avait réservé la social-démocratie autrichienne depuis 1928.

1931

Sous les auspices du parti communiste allemand, il fonde Sexpol (association allemande pour une politique sexuelle prolétarienne), qui se propose de politiser la question sexuelle d’une manière révolutionnaire. Elle compte rapidement 20 000 adhérents.

1932