Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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projectile (suite)

Du xviiie siècle à 1914

Au xviiie s. apparaît la grenade à main, sphère creuse remplie de poudre qui reçoit une mèche lente en tissu contenant un mélange à base de poudre ; le grenadier allume cette mèche avant de lancer la grenade.

L’artillerie* emploie des boulets en fonte, parfois ramés (couplés par une chaîne), pour briser les mâts des navires. Mais, dès le xve s., on imagine d’employer des boulets sphériques creux, ou obus, chargés de poudre, amorcés par une mèche lente et tirés dans des obusiers, ou mortiers à tube très court : il faut, en effet, y introduire la charge de poudre, puis l’obus, mèche en dessus, si l’on veut éviter l’éclatement dans l’âme du canon (d’où la nécessité de pouvoir retourner l’obus dans le canon s’il est mal orienté). Le canonnier allume d’abord la mèche, puis la charge de poudre : c’est le tir à deux feux. L’obus, formé d’abord de deux hémisphères accolées, puis coulé en une seule pièce dès le xvie s., se fragmente en éclats ; il est donc plus meurtrier que le boulet, surtout en tir courbe, alors que ce dernier, en tir rasant ou roulant, peut renverser une file entière de soldats.

Au xviiie s., on munit l’obus d’un allumeur à mèche contenu dans un tube en bois, ou fusée, qui prend feu sous l’effet des fuites de gaz pendant le parcours de l’obus dans le canon : c’est le tir à un feu, décrit notamment dans un procès-verbal d’expériences établi par le lieutenant Bonaparte à Auxonne en 1785. La récupération des boulets s’effectue parfois après le combat (à la Moskova par exemple), et le calibre 6 du système d’artillerie français de l’an XI est choisi un peu supérieur à celui des autres nations pour permettre l’utilisation des boulets récupérés tout en l’interdisant à l’adversaire.

À cette époque, les boulets sont attachés à un sabot en bois, le tout étant réuni à la gargousse, formée d’un sachet de serge contenant la charge : l’ensemble constitue une cartouche. Pour les obusiers qui tirent à deux charges différentes, l’obus et la charge demeurent séparés. Dans le tir à boulets rouges, pratiqué surtout par l’artillerie de côte, on place un bouchon de paille humide au-dessus de la charge pour éviter son inflammation prématurée.

Des boîtes à mitrailles cylindriques, dont les balles (ou biscaïens) balayent le terrain devant le canon, sont d’un usage courant à la fin du xviiie s., et, dès 1784, les Anglais réalisent un obus à balle à la Shrapnell contenant un mélange de salpêtre, de charbon et de balles de plomb, qui, projetées lors de son éclatement, ajoutent leurs effets à celui de ses éclats (leur efficacité sera remarquée en Espagne et au Portugal en 1809).

Quant aux fusées de guerre, ou roquettes, nées au Moyen Âge comme projectiles incendiaires, elles réapparaissent sous l’Empire. Mises au point par l’inventeur britannique William Congreve, transportant à 3 500 m une tête incendiaire de 7 livres, elles sont tirées par les Anglais sur Boulogne (1806) et surtout sur Copenhague, qu’elles mettent en flammes en 1807. Imitées par le Français Brusset de Bruslard, elles sont employées au siège de Cadix (1823), puis, après leur perfectionnement par Suzanne, à celui de Sébastopol (1855), avant de retomber dans l’oubli jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

L’invention, au début du xixe s., d’amorces au chlorate de potassium puis au fulminate de mercure permet d’utiliser les fusils à percussion. Le forcement est assuré soit par un double chambrage de l’âme du canon, soit par l’emploi d’une tige centrale au fond de celui-ci, soit encore en utilisant dans une arme rayée en hélice une balle oblongue qui s’épanouit au tir en prenant appui dans les rayures.

Le fusil rayé Dreyse, à chargement par la culasse et qui arme les Prussiens à Sadowa (1866), tire une cartouche constituée par une balle oblongue et une charge de poudre placée dans un étui en carton faisant corps avec elle. Située au fond de la charge, l’amorce est percutée par une longue aiguille. Le fusil français Chassepot, à percuteur court, tire une cartouche avec amorce à l’arrière. Après 1870, l’adjonction à la culasse d’un éjecteur permet l’emploi d’un étui métallique amorcé au culot et donne à la cartouche sa forme définitive.

À partir de 1855, les canons sont rayés, et les obus et les boulets sphériques font place aux obus de forme cylindro-ogivale, entraînés en rotation par des tenons, ou ailettes. Leur amorçage est d’abord assuré par une fusée fusante en bois avec canal en hélice rempli de poudre et percé de trous obturés au mastic. (En débouchant l’un d’entre eux, on règle la durée de combustion de la poudre de seconde en seconde.) En 1859 apparaît en France la fusée Desmaret, à canal métallique et à six durées de trajet, malencontreusement ramenées à deux dans un dessein de simplicité, ce qui sera une des causes de l’infériorité de l’artillerie française de 1870. Par la suite apparaissent des fusées percutantes, et, pour la mise de feu de la charge, l’étoupille à friction au fulminate (d’origine suédoise) remplace à partir de 1850 l’appoint de poudre noire jusqu’alors versé dans le canal de lumière du canon.

Le chargement du canon par la culasse entraîne l’emploi d’obus munis d’une ceinture de guidage, qui, subissant un forcement du fait des rayures, assure l’étanchéité aux gaz brûlés. À la fin du xixe s. grâce à l’emploi d’une charge arrière, l’obus à balle devient un véritable petit canon projetant devant lui en fin de trajectoire une nappe de billes de plomb très efficace contre le personnel à découvert. Le réglage des durées de fonctionnement s’effectue au moyen d’un débouchoir, invention française qui constitue un des facteurs de puissance du canon de 75 Mle 1897. À la même époque, l’adoption des poudres colloïdales à la nitrocellulose en remplacement de la poudre noire, combinée avec celle d’une douille en laiton, permet de tirer dans le canon des munitions encartouchées, tandis que, pour le calibre de 105 mm, l’obus et la douille chargés sont maniés successivement. L’amorçage de la charge est constitué par un tube porte-amorce contenant une amorce-relais de poudre noire. Pour les gros calibres, on emploie toujours des gargousses, la mise à feu s’effectuant par une étoupille à percussion mise en place dans l’axe de la culasse et contenant une amorce au fulminate et un relais de poudre noire. Quant à l’obus explosif, son efficacité a été transformée par la substitution à la poudre noire d’un explosif chimique, l’acide picrique, ou mélinite, en France (1886), ou la tolite, moins puissante, dans d’autres pays. Enfin, l’aérodynamique fait son apparition au début du xxe s. : Georges Raymond Desaleux donne à la balle de fusil appelée balle D (initiale de son nom) un profil bifuselé comportant une ogive allongée et à l’arrière un culot tronconique.