Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

profession (suite)

 A. M. Carr-Saunders et P. A. Wilson, The Professions (Oxford, 1933). / E. C. Hugues, Men and their Work (Glencoe, Illinois, 1958). / G. Friedmann et P. Naville, Traité de sociologie du travail, t. II (A. Colin, 1962). / M. Bouvier-Ajam et G. Mury, les Classes sociales en France, t. II (Éd. sociales, 1963). / I. N. S. E. E, Recensement de 1968. Population légale et statistiques communales complémentaires. Évolutions démographiques 1962-1968 et 1954-1962 (Impr. nat., 1969).

professionnelles (organisations)

Organisations des diverses professions (industrielles, commerciales, artisanales, agricoles, libérales, etc.) ayant pour objet la protection de leurs intérêts, la réglementation de leur exercice et de leur domaine d’action, l’admission de leurs membres, et ce quelle que soit la « forme » juridique (« associations », « syndicats », « ordres », établissements publics) que revêtent ces organisations.



Historique

L’organisation professionnelle semble, à première vue, aux antipodes de la législation issue de la Révolution française. Le « décret d’Allarde » (17 mars 1791) et la célèbre loi Le Chapelier (14 juin 1791) tiraient un trait sur le principe de l’organisation corporative de l’Ancien Régime ; les corporations* ayant été supprimées avec l’abolition des privilèges (décidée le 4 août 1789), la non-réglementation des professions devenait un dogme des temps nouveaux. C’est en estompant cette législation révolutionnaire que tout au cours du xixe s. allaient renaître un certain nombre d’organisations jugées indispensables à l’exercice, dans des conditions optimales, des diverses professions.

La liberté, en principe totale, du commerce et de l’industrie, c’est-à-dire le droit pour toute personne de s’adonner à une profession, n’était pas inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais, curieusement, dans un texte fiscal, la loi relative aux patentes des 2 et 17 mars 1791, toujours en vigueur : « À compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier, qu’elle trouvera bon, mais elle sera tenue auparavant de se munir d’une patente. » La Constitution* de 1848 est le dernier texte constitutionnel à affirmer le principe de cette liberté, les Constitutions de 1946 et de 1958 (toutes deux pourvues, pourtant, d’un préambule et faisant des rappels aux déclarations de principes antérieures) n’y faisant allusion ni l’une ni l’autre.

Au cours du xixe s., un important renouveau des organisations professionnelles allait se faire jour, renouveau devant lequel les concepts des Codes napoléoniens allaient se trouver en porte à faux. Le développement de l’industrie allait manifester le désir d’organisation des travailleurs. Ce sera — mais très tard — pour l’essentiel l’objet du syndicat, prévu par la loi de 1884 : cette loi rétablira en fait l’équilibre entre les deux partenaires sociaux, le patronat s’étant, avec le tacite accord des pouvoirs publics, doté auparavant d’organisations, pour certaines importantes (v. patrons et patronat).

La première organisation professionnelle française est, vraisemblablement, le Comité des filateurs de Lille (1824). À l’époque, une telle organisation est illégale, car elle tombe — théoriquement — sous l’accusation possible de « coalition ». En 1826 apparaît dans l’industrie de la soie la Réunion des fabricants, qui ébauche des règlements dans un style corporatif ; en 1832 existe à Lille un Comité des fabricants de sucre indigène. En 1835, l’industriel Jules Albert Schlumberger réunit à Mulhouse un Comité des industriels de l’Est pour le maintien des droits à l’importation des fils et des tissus de coton. Plus tard apparaissent un Comité des intérêts métallurgiques, formé de maîtres de forges (dont Eugène Schneider), l’Union des constructeurs de machines (1840), le Comité des houillères françaises et surtout le Comité des forges (1864), le plus connu de tous ces organismes, dont le rôle sera considérable.

En général, c’est avant tout un but de sauvegarde de ses intérêts professionnels qui anime alors le patronat ; ce dernier souhaite notamment l’obtention d’une protection douanière suffisante à l’égard des productions étrangères. À ces fins, il convient d’adopter un « style » de dialogue avec les pouvoirs publics que le groupement favorise beaucoup mieux que le contact isolé : au sens large du terme, l’organisation professionnelle apparaît vite comme « un groupe* de pression ». Il n’en est pas toujours (ou pas toujours uniquement) ainsi ; le désir de qualité peut impliquer, chez les commerçants ou les industriels, la volonté d’une réglementation à défaut de laquelle la profession serait soumise à la mauvaise foi, à des fabrications d’une qualité déplorable, à une concurrence débridée de la part de certains. À l’aube du xixe s., Roubaix (qui devra pourtant à la liberté industrielle son extraordinaire croissance des deux premiers tiers du siècle) souhaite des réglementations, qu’elle demande à Napoléon (en 1805 par la Chambre consultative des manufactures, fabriques, arts et métiers ; en 1810 par le conseil des prud’hommes), mais qui sont refusées par le pouvoir impérial. En 1816 apparaît un règlement intérieur dirigé contre la fraude sur la largeur des tissus de coton, règlement soumis à l’ensemble des fabricants et que l’on demande au pouvoir d’authentifier (ce que celui-ci, au nom de la liberté, refuse derechef).

L’organisation professionnelle peut encore poursuivre la réalisation d’un autre objectif : l’entente entre fabricants, aux fins de réglementer entre eux la production* ou la vente, répartir des contingents de fabrication ou des marchés* ; la relative dépression que l’économie française connaît après les années fastes du second Empire*, de 1873 à l’extrême fin du siècle, est propice à la naissance de tels organismes, notamment dans la métallurgie. C’est ainsi que se crée en 1877 le Comptoir de Longwy, mis sur pied lors des débuts de l’exploitation du procédé Thomas et qui se trouve à la base du Comptoir français des produits sidérurgiques. En 1919 naît le Comptoir sidérurgique de France ; puis d’autres comptoirs, placés sous son égide, sont créés.

La Seconde Guerre mondiale donne un certain lustre à l’organisation de la production, mais pour un mobile de circonstance : la gestion de la pénurie. Le Comité des forges se trouvant dissout (comme les syndicats en général), le Comité d’organisation de la sidérurgie est créé. La loi du 26 avril 1946 confère d’importantes fonctions à la Chambre syndicale de la sidérurgie.