Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

arsenic (suite)

 A. Carmine, Arsenicismo professionale (Rome, 1953). / P. Bothorel, R. Dolique, L. Domange et P. Pascal, Arsenic, Antimoine, Bismuth (Masson, 1958). / R. Shafer, Determination of the Level of Arsenic in Human Bodies (Population of Basle) [thèse, Bâle, 1965]. / G. Delmond, Contribution à l’étude des kératodermies arsenicales (thèse, Paris, 1967). / R. Dolique, l’Arsenic et ses composés (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968).

art

Au sens technique, ensemble des moyens, pratiques ou intellectuels, mis en œuvre pour parvenir à une certaine fin.
Au sens anthropologique, activité menée par certains hommes, ou certains groupes ou collectivités, tendant à la production d’objets spécifiques, porteurs de valeurs esthétiques.



Introduction

On sera en fait sensible à la difficulté très grande de donner une définition a priori de l’« art ». Les définitions ci-dessus tentées n’ont d’autre ambition que d’introduire une réflexion qui effectuerait une sorte de « va-et-vient » entre deux approches du phénomène : « poétique » (le faire, la facture, l’objet à fabriquer, à construire) et « esthétique » (s’adressant à la sensibilité humaine).

Le langage courant ou littéraire emploie un certain nombre d’expressions où le mot art figure, qui peuvent se classer en deux catégories principales.

• L’art est un moyen au service d’une fin. On dira plus banalement qu’il est pour une part technique (du grec tekhnê, qui signifiait précisément « art »).

« L’art de parler et de se taire » ; « Je confesse mon faible : elle a l’art de me plaire » (Molière, le Misanthrope, I, i) ; « parler contre les règles de l’art » ; « l’art de dissimuler la vérité » ;
« Absente de la Cour, je n’ai pas dû penser,
Seigneur, qu’en l’art de feindre il fallût m’exercer » (Racine, Britannicus, II, iii).

Et enfin un dernier exemple, emprunté à La Fontaine : il s’agit de deux veuves,
« L’une encor verte, et l’autre un peu bien mûre,
Mais qui réparait par son art
Ce qu’avait détruit la nature (Fables, I, xvii).

On voit ainsi le mot art évoquer un ensemble de procédés susceptibles de résoudre un problème, de rapprocher d’un but, de permettre une œuvre esthétique, une « œuvre d’art » précisément. Se rapprochant de la technique, l’art parvient presque à une sorte de science. Indifféremment dira-t-on de telle personne qu’elle a l’art de faire correctement un bouquet, ou que cet agencement est fait avec science. Nous arrivons donc à déceler un second sens général au mot :

• L’art est le naturel avec lequel une chose est faite. Cette chose peut être difficile : « le grand art, c’est d’obtenir sans demander » ; « un art consommé ». L’essentiel est que la difficulté n’apparaisse point : « l’art est de cacher l’art » (Joseph Joubert) ; « l’art suprême est celui qui ne se laisse pas d’abord reconnaître » (André Gide).

Les deux définitions ci-dessus sont à la fois contradictoires et complémentaires. Dans le premier cas, l’art est une opération apprise, qui a pour but de modifier la nature. Dans le second, il est une manière de procéder qui se donne pour objectif d’apparaître naturel. Cet objectif ne peut réellement exister que si cette « nature » a été mise en cause. « Arranger un bouquet avec art », cela veut dire, en un sens, disposer des fleurs « comme si » elles étaient encore dans la nature, mais précisément elles n’y sont plus, et tout l’art de la main humaine consiste à en créer l’illusion. Sur cette ambiguïté fondamentale de l’art s’est mené pendant des siècles un débat entre trois termes : l’art, la science et la nature.


L’art, la science et la nature

D’un paysage harmonieux, pittoresque, avenant ou au contraire grandiose, on ne dira pas qu’il est artistique, mais on le dira volontiers d’un tableau du Quattrocento dans lequel ce paysage sert à présenter quelque Adoration des Mages ou le défilé d’un prince avec sa suite. C’est indiquer que l’œuvre d’art entretient certains rapports avec la nature, qui ne sont pas ceux de la simple reproduction. D’une façon générale, on entendra par nature tout phénomène ou toute conduite non élaborés, spontanés, conformes à l’état originel. L’œuvre d’art paraît alors substituer à cet état une élaboration qui est le fait de l’homme, de la culture, de l’histoire, de la société ambiante. C’est ainsi qu’on qualifiera d’artistique le traitement apparemment hautement artificiel qui consiste à coucher dans le lit de Procuste d’une tragédie en alexandrins, avec les autres règles spécifiques du genre, l’événement au fond très banal, très « naturel », d’un homme et d’une femme obligés de se séparer, « malgré lui, malgré elle », pour des raisons de convenance sociale : Bérénice, de Racine. C’est ce rapport ambigu entretenu avec la nature, à la fois présente et absente de l’œuvre d’art, qu’exprime la célèbre définition de Francis Bacon : l’art, c’est « homo additus naturae », l’homme ajouté à la nature.

Une illustration particulièrement significative de cette formule est fournie par l’exemple comparatif du « jardin à la française » et du « jardin à l’anglaise ». Dans le premier cas, la rationalité semble triompher. La main de l’homme a ployé la nature selon des lois géométriques qu’elle ignore généralement : tracés rectilignes, agencements symétriques, arbres taillés, eaux captives, etc. Il y a là comme le répondant « artistique » de toute une conception rationaliste du monde proche du cartésianisme et d’une certaine littérature du xviiie s. La présence de l’homme est spectaculaire dans cette utilisation de la nature à des fins esthétiques.

Dans le second cas, cette présence apparaît moins voyante. Le jardin à l’anglaise ne s’oppose pas simplement au précédent par une préférence donnée à la courbe sur la droite, mais plus essentiellement par une volonté de respecter davantage la spontanéité de la nature : arbres laissés à leur économie propre, ruisseaux en menues cascades, bosquets, voire taillis, préservés, asymétrie généralisée de la surface couverte. Mais il y a eu tout de même volonté : volonté à un premier niveau d’apprivoiser dans un enclos un morceau de nature à des fins de délectation, à un second niveau de donner l’illusion d’une attitude réservée à l’égard de la nature, alors même qu’on l’a fait servir à son propre usage. La présence de l’homme dans cette « œuvre d’art » est alors d’autant plus patente qu’il « fait semblant », qu’il cherche à faire croire qu’il est absent. Le jardin à l’anglaise est contemporain de la réflexion de Diderot sur l’illusion théâtrale (le Paradoxe du comédien), comme il est contemporain de l’esprit baroque, qui joue constamment avec le phénomène illusionniste.