Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Prévost d’Exiles (abbé Antoine François) (suite)

En fait, l’œuvre offre un autre accent. Son apparente légèreté cache bien des tragédies. « L’ascendant de ma destinée m’entraînait à ma perte », « j’étais né pour les courtes joies et les longues douleurs », déclare des Grieux, comme si la fatalité s’acharnait sur lui. Non pas la fatalité d’être le jouet des traverses de l’existence, mais celle d’aimer une adorable trompeuse, une exquise infidèle. Le drame de des Grieux réside dans le fait que jamais Manon ne semble vraiment répondre à la qualité de son amour. Passion dévorante et exclusive qui oblige des Grieux à commettre mille folies et à perdre son honneur, et cela pour un être insaisissable qu’on ne voit que par ses yeux, l’énigmatique Manon. Toute la beauté du livre est dans cette peinture cruelle d’une passion qui contraint un homme, de dégradation en dégradation, de déchéance en déchéance, à ne plus admettre que les droits du cœur, tandis que l’héroïne garde son mystère. Le roman s’achèvera sur une note douloureuse, mais qui le sauve de la banalité d’un dénouement heureux : quand Manon expire sur les sables du désert, elle se rachète de ses fautes et assure en même temps le rachat de son amant. C’est sa mort qui permet à des Grieux de retrouver les chemins du salut.

A. M.-B.

 H. Harrisse, l’Abbé Prévost : histoire de sa vie et de ses œuvres (Calmann-Lévy, 1896). / H. Roddier, l’Abbé Prévost, l’homme et l’œuvre (Hatier, 1955). / C. E. Engel, le Véritable Abbé Prévost (Éd. du Rocher, Monaco, 1958). / J. Sgard, Prévost romancier (Corti, 1968). / A. Billy, Un singulier bénédictin, l’abbé Prévost, auteur de Manon Lescaut (Flammarion, 1969).

Primaire

L’une des ères géologiques.


Des diverses ères entre lesquelles se divisent les temps géologiques (v. géologie) depuis le Précambrien*, l’ère primaire est celle qui a duré le plus longtemps. C’est aussi l’une des plus importantes. Pendant l’ère primaire se sont différenciés les principaux groupes animaux et végétaux et se sont produites deux des grandes orogenèses (calédonienne et hercynienne) responsables de la structure d’une bonne part de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Par ailleurs, la vie animale et végétale, la disposition des terres et des mers étaient tout à fait différentes de celles des temps actuels.


Histoire du terme

Le terme Primaire a une valeur historique incontestée ; le nom donné à cette ère exprime le résultat des observations fondamentales des pionniers de la géologie à la fin du xviiie s. Très rapidement, le terme a désigné une étape importante dans l’organisation du monde vivant et on a admis que l’ère primaire débutait avec les premiers fossiles bien identifiables. On comprend ainsi l’expression de « faune primordiale » donnée par J. Barrande en 1846 aux fossiles de Bohême, qu’il croyait être les plus anciens et le terme « Paléozoïque » (de palaios, ancien) utilisé fréquemment comme synonyme de Primaire pour les terrains recouvrant les terrains antécambriens, considérés comme azoïques.


Discussion de la valeur du terme et des limites de l’ère primaire

En fait, les terrains paléozoïques ne sont ni archæozoïques ni protérozoïques (vie primitive ou vie première). La vie existait à l’Antécambrien. Des restes d’organismes y ont été identifiés ; des roches d’origine organique ont été décelées. Ces tests permettent de situer l’apparition de la vie, mais ils sont encore très rares, dispersés, parfois énigmatiques ; le développement des principaux organismes est vraiment la caractéristique des temps primaires, qui restent encore, à l’objection précédente près, les premiers « temps fossilifères ».

La limite inférieure du Primaire n’est pas facile à établir. La limite est claire dans les régions où le Cambrien (à premiers Trilobites notamment) est transgressif et discordant sur les terrains antérieurs, profondément plissés puis arasés, et où donc les premières faunes semblent apparaître brusquement. Mais il existe des régions où les couches cambriennes datées reposent sur les séries dites « de l’Infracambrien », souvent azoïques, mais qui doivent correspondre à la période de différenciation des Invertébrés. Cet Infracambrien a en effet livré une faune.

La découverte de la faune d’Ediacara (Australie) est venue démontrer qu’après les organismes « primitifs » (Cyanophycées, Bactéries, Sporomorphes) sont apparus les Métazoaires. Cette faune, datée d’environ 700 millions d’années, comprend des empreintes d’une trentaine d’espèces : des Cœlentérés (six genres de Méduses, des Pannatulidés), des Annélides et des formes rapportées à un Échinoderme et à un Mollusque primitifs.

Il est donc actuellement convenu de faire débuter l’ère primaire par les fossiles identifiables appartenant à la faune dite « à Olenellus » (Cambrien inférieur). La limite supérieure du Primaire, c’est-à-dire la limite Primaire-Secondaire, correspond à la fin de la construction de la chaîne hercynienne. Celle-ci s’est effectuée en Europe à la suite de plusieurs phases tectoniques se succédant pendant un temps assez long et d’importance variable suivant la localisation.

La division repose essentiellement sur la dernière manifestation orogénique : la chaîne de l’Oural achève son édification à la fin du Permien, avant le dépôt des terrains du Trias, premier système de l’ère secondaire. En Europe occidentale, il n’est pas toujours facile de séparer le Permien du Trias, car le démantèlement de la chaîne hercynienne n’est pas tout à fait achevé.

La géologie a connu son premier développement en Europe (surtout Europe occidentale). Les terrains primaires y ont donc été particulièrement bien étudiés, d’autant plus qu’ils recelaient de fort riches gisements de houille et qu’ils sont particulièrement représentatifs. Ainsi s’explique la terminologie utilisée pour les diverses dénominations, en particulier les subdivisions en systèmes : Cambrien (de Cambria, pays de Galles), Ordovicien (de la peuplade des Ordovices, dans le pays de Galles), Silurien (de la peuplade des Silures, habitant le Shropshire), Dévonien (de Devon), Carbonifère (de charbon), Permien (de Perm en U. R. S. S.) ; ou bien encore les appellations de Calédonien, Hercynien (de Harz en Allemagne), etc.