Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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preuve (suite)

• Les autres écrits. Les copies (et photocopies) n’ont pas, en principe, de force probante, mais les copies d’actes notariés sont souvent utilisées ; les livres de commerce jouent un rôle probatoire particulier (ils font toujours preuve contre le commerçant qui les tient, qu’ils soient bien ou mal tenus ; par contre, ils ne font preuve en sa faveur que s’ils sont régulièrement tenus et s’il s’agit d’un litige entre commerçants) ; les registres et papiers domestiques jouent un certain rôle (ainsi, on peut y recourir pour prouver mariages, naissances, décès lorsque les registres d’état civil sont perdus ou inexistants) ; la production de lettres missives non confidentielles — ou, si elles sont confidentielles, leur production avec l’accord de l’expéditeur et du destinataire — peut servir de preuve ou de commencement de preuve par écrit.

• Le témoignage
Le témoin est une personne qui a constaté elle-même par ses propres sens le fait ou l’acte au sujet duquel elle apporte son témoignage. La preuve par témoins se fait selon une procédure minutieusement réglementée sous le nom d’enquête (sens moins large en droit civil qu’en droit pénal). Le témoin prête serment. Les parents et alliés en ligne directe des parties en cause ne peuvent être témoins (sauf en matière de divorce et séparation de corps) ; sont également exclus les mineurs et les indignes, qui peuvent néanmoins déposer mais sans prêter serment.

• Les présomptions
Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tirent d’un fait connu à un fait inconnu. Il y a donc des présomptions légales et des présomptions judiciaires, que l’on appelle couramment présomptions de fait ou encore présomptions de l’homme (l’homme étant le juge).

• La présomption légale, ou conséquence que la loi tire d’un fait connu, est en réalité une dispense de preuve pour celui en faveur de qui elle a été établie.

• Les présomptions judiciaires, dites « de fait » ou « de l’homme », sont des faits qui constituent des indices pouvant servir de preuve d’un autre fait : ainsi, connaissant l’état de la route, des freins et des pneus comme la longueur des traces de freinage, le juge pourra déterminer approximativement la vitesse à laquelle roulait un véhicule. Les indices sont fournis au tribunal soit par les plaideurs s’ils sont évidents et non contestés, soit par constat (constat d’huissier, de gendarmerie...), ou bien à la suite d’une expertise si le fait qui doit servir d’indice ne peut être établi que par des personnes ayant des connaissances techniques. Les présomptions de fait constituent un procédé de preuve dangereux, car elles ne donnent presque jamais une certitude complète : le juge peut se tromper dans ses déductions ; c’est pourquoi le Code civil recommande qu’elles soient graves, précises et concordantes.

• L’aveu
L’aveu est la reconnaissance faite par une personne de la véracité du fait ou de l’acte que son adversaire invoque afin d’établir son droit contre elle.

• L’aveu extra-judiciaire, fait en dehors du procès, a une valeur différente selon qu’il est fait par écrit ou verbalement. L’aveu par écrit n’est qu’une preuve littérale, sous seing privé ou authentique, et il a la valeur probante des écrits. L’aveu verbal a une force probante moindre : pour l’établir, il faudra faire venir des témoins à la barre, à supposer encore qu’il y ait eu des témoins et que la preuve par témoin soit recevable.

• L’aveu judiciaire, fait au cours du procès qui oppose les adversaires et devant le tribunal appelé à trancher, est la preuve par excellence, et, même si le juge a le sentiment que l’aveu est mensonger, il est obligé de condamner celui qui a avoué (comparer avec l’aveu en matière pénale). L’aveu judiciaire est irrévocable ; on ne pourrait se rétracter qu’en invoquant l’erreur de fait de l’aveu. Il est indivisible, c’est-à-dire que celui qui prétend se servir de l’aveu de son adversaire ne peut pas le dissocier et invoquer seulement la partie de l’aveu qui lui convient : il doit le prendre dans son entier. L’aveu judiciaire, qui était interdit en matière de divorce* (pour éviter des divorces par consentement mutuel), ne l’est plus aujourd’hui.

• Le serment
Le serment est l’affirmation solennelle de la véracité d’un fait ou d’un acte dont dépend la solution du litige. Le plaideur lève la main droite et prononce les paroles : « Je le jure. »

• Le serment décisoire est celui qui est fait par une des parties, sur la demande de l’autre de bien vouloir prêter serment : une partie qui sent qu’elle va perdre parce qu’il lui manque des preuves demande à l’autre de jurer que tels et tels faits sont exacts ou inexacts. Si la partie à laquelle le serment a été ainsi déféré prête serment, ce qu’elle a solennellement affirmé est établi pour exact et celui qui a juré gagne son procès. Mais la partie à laquelle le serment a été déféré peut aussi le référer à la première partie, c’est-à-dire inviter cette première partie à prêter elle-même serment. Si cette dernière jure, elle aura gain de cause.

• Le serment supplétoire est une mesure d’instruction ordonnée par le juge lorsqu’il est insuffisamment convaincu par les preuves qui lui ont été fournies. Sa force probante est plus faible que celle du serment décisoire, car le juge est libre d’apprécier la valeur du serment et les conséquences à en tirer.

M. C.


La preuve en matière pénale

Dans le domaine du droit pénal, il s’agit d’établir, d’une part, s’il y a eu ou non infraction à la loi pénale et, d’autre part, dans l’affirmative, si l’individu poursuivi en est l’auteur, le coauteur ou le complice. La preuve en matière pénale, si elle présente quelques ressemblances avec la preuve en matière civile, ne s’identifie pas avec cette dernière.