prairie (suite)
Prairies primaires
La prairie primaire est une formation climax liée à des conditions climatiques ou édaphiques très strictes. Ainsi, en montagne à partir de 2 000 m, au-dessus de la végétation forestière, on la trouve à côté des landes à Rhododendrons sur les pentes à l’ubac, à Loiseleuria ou à Empetrum à l’adret. Sur les sols acides entre 2 000 et 3 000 m, ces pelouses correspondent au groupement à Carex curvula, qui contient en outre des Trèfles, des Gentianes, des Potentilles, des Phyteuma... Sur les sols calcaires, c’est la végétation des groupements à Carex firma qui succède à la lande à Dryas octopetala. Les prairies de fauche montagnardes et subalpines appartiennent le plus souvent à l’association du Trisetum flavescens ; dans les endroits les plus pauvres, le Nard est abondant ; par place on y trouve des Gentianes jaunes, le Vératre blanc (qui est très toxique) ; les parties humides sont le domaine de la mégaforbiaie, peuplement dense de hautes plantes (Ombellifères, Rumex) souvent accompagnées d’Orties et de Chénopodes quand le sol humifère contient une très forte dose d’azote.
En bordure de mer, les dunes de l’ouest de la France sont couvertes lorsque les particules sableuses sont mobiles, par Agropyrum junciforme, par Amnophila arenaria et aussi par Medicago marina ; quand les sables sont stabilisés, il apparaît de très nombreuses espèces, en particulier des Bromes, des Fétuques, des Carex (C. arenaria est un bon colonisateur des sables nus), des Trèfles, des Mélilots, des Composacées (Hieracium, Hypochœris, Thrincia) ; un arbuste rampant se trouve aussi dans ces stations, l’Ephedra ; Corynephorus canescens, petite Graminacée, apparaît dans les dunes décalcifiées, et l’on peut alors aboutir à la lande à Ulex ou à Éricacées suivant le degré de décalcification et même à un stade préforestier.
Dans les marais salés en bordure des estuaires, de véritables pelouses peuvent exister. Elles sont composées par Puccinella maritima et par Halimione portulacoides, chacune de ces deux espèces pouvant donner séparément des tapis très vastes, denses et monospécifiques ; les plantes pionnières, les Salicornes annuelles et la Suæda maritima constituent un groupement vert clair, qui peut devenir rouge violacé à l’automne. Dans cette formation se rencontrent également Aster tripohum, Inula crithmoides, Artemisia maritima, Spergularia media, Armeria maritima.
On voit donc que, rien qu’en France, le tapis herbacé, lié à de multiples facteurs écologiques et biotiques, est extrêmement varié au point de vue floristique. Son étude a été abordée de plusieurs manières, soit par les phytosociologues, soit par les agronomes. Diverses analyses ont pu être faites et ont abouti à des classifications floristiques, écologiques ou agronomiques ; ces dernières, fondées sur la notion de production (unités fourragères), sont les plus conformes aux préoccupations des agriculteurs.
J.-M. T. et F. T.
L. Hedin, M. Kerguelen et F. de Montard, Écologie de la prairie permanente française (Masson, 1972).