Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

prairie (suite)

Prairies primaires

La prairie primaire est une formation climax liée à des conditions climatiques ou édaphiques très strictes. Ainsi, en montagne à partir de 2 000 m, au-dessus de la végétation forestière, on la trouve à côté des landes à Rhododendrons sur les pentes à l’ubac, à Loiseleuria ou à Empetrum à l’adret. Sur les sols acides entre 2 000 et 3 000 m, ces pelouses correspondent au groupement à Carex curvula, qui contient en outre des Trèfles, des Gentianes, des Potentilles, des Phyteuma... Sur les sols calcaires, c’est la végétation des groupements à Carex firma qui succède à la lande à Dryas octopetala. Les prairies de fauche montagnardes et subalpines appartiennent le plus souvent à l’association du Trisetum flavescens ; dans les endroits les plus pauvres, le Nard est abondant ; par place on y trouve des Gentianes jaunes, le Vératre blanc (qui est très toxique) ; les parties humides sont le domaine de la mégaforbiaie, peuplement dense de hautes plantes (Ombellifères, Rumex) souvent accompagnées d’Orties et de Chénopodes quand le sol humifère contient une très forte dose d’azote.

En bordure de mer, les dunes de l’ouest de la France sont couvertes lorsque les particules sableuses sont mobiles, par Agropyrum junciforme, par Amnophila arenaria et aussi par Medicago marina ; quand les sables sont stabilisés, il apparaît de très nombreuses espèces, en particulier des Bromes, des Fétuques, des Carex (C. arenaria est un bon colonisateur des sables nus), des Trèfles, des Mélilots, des Composacées (Hieracium, Hypochœris, Thrincia) ; un arbuste rampant se trouve aussi dans ces stations, l’Ephedra ; Corynephorus canescens, petite Graminacée, apparaît dans les dunes décalcifiées, et l’on peut alors aboutir à la lande à Ulex ou à Éricacées suivant le degré de décalcification et même à un stade préforestier.

Dans les marais salés en bordure des estuaires, de véritables pelouses peuvent exister. Elles sont composées par Puccinella maritima et par Halimione portulacoides, chacune de ces deux espèces pouvant donner séparément des tapis très vastes, denses et monospécifiques ; les plantes pionnières, les Salicornes annuelles et la Suæda maritima constituent un groupement vert clair, qui peut devenir rouge violacé à l’automne. Dans cette formation se rencontrent également Aster tripohum, Inula crithmoides, Artemisia maritima, Spergularia media, Armeria maritima.

On voit donc que, rien qu’en France, le tapis herbacé, lié à de multiples facteurs écologiques et biotiques, est extrêmement varié au point de vue floristique. Son étude a été abordée de plusieurs manières, soit par les phytosociologues, soit par les agronomes. Diverses analyses ont pu être faites et ont abouti à des classifications floristiques, écologiques ou agronomiques ; ces dernières, fondées sur la notion de production (unités fourragères), sont les plus conformes aux préoccupations des agriculteurs.

J.-M. T. et F. T.

 L. Hedin, M. Kerguelen et F. de Montard, Écologie de la prairie permanente française (Masson, 1972).

Praxitèle

En gr. Praxitelês, sculpteur grec du ive s. av. J.-C.


Ce célèbre artiste a contribué avec Scopas* au renouvellement de l’art classique. Fils de Céphisodote l’Ancien, il appartient à une lignée de sculpteurs athéniens et, quoiqu’il ait exécuté de nombreuses commandes pour le reste du monde grec (Thespies, Olympie, Mantinée ou l’Asie Mineure), son art est essentiellement attique. Sa production s’échelonne pendant le deuxième et le troisième quart du ive s. Nous ne possédons qu’un seul repère chronologique précis : la dédicace, en 346-45, sur l’Acropole, de la statue d’Artémis Brauronia. Praxitèle travailla le bronze, mais ses œuvres les plus illustres — et celles qu’il préférait —, sont ses figures de marbre, auxquelles l’art du peintre Nicias ajoutait une polychromie raffinée.

Praxitèle modifie l’idéal de la beauté virile. Sans rompre avec le rythme de Polyclète*, il renonce au type athlétique, assouplit et allonge les formes, dont la beauté est mise en valeur par l’harmonie et la grâce des attitudes. Il marque une préférence pour les corps d’adolescents, pleins d’une élégante indolence, au calme souriant et aimable. Le Satyre verseur, la plus ancienne des œuvres connues, avec son corps mince, son torse long, le mouvement de ses bras, possède une flexibilité annonciatrice de l’Apollon Sauroctone. Le Satyre au repos ne conserve de son caractère sauvage de génie agreste que sa chevelure touffue et rebelle ainsi que sa pardalide mouchetée. Accoudé au tronc d’un arbre, il tient à la main une flûte et jouit d’un repos nonchalant, avec un sourire un peu mystérieux aux lèvres. Cette grâce rêveuse est caractéristique des œuvres de Praxitèle, qui fut, comme Phidias*, un « faiseur de dieux ». Abandonnant la majesté grave et solennelle, il est le créateur de divinités jeunes, goûtant la sérénité d’une existence bienheureuse et paisible. L’Apollon Sauroctone, chef-d’œuvre de la maturité, s’appuie à un tronc d’arbre pour guetter négligemment le lézard qu’il s’apprête à tuer. Le hanchement accentué, le rythme onduleux et flexible, l’attitude alanguie donne au jeune dieu un caractère un peu efféminé. Le jeu cruel auquel se livre le bel adolescent n’est pas seulement un divertissement malicieux, prétexte à la description d’une pose gracieuse ; il exprime le pouvoir bienfaisant d’Apollon en lutte contre les puissances maléfiques représentées par le lézard. L’Hermès d’Olympie, que certains considèrent comme un original, car il fut trouvé dans l’Héraion à l’endroit même où le signalait Pausanias, nous présente aussi une scène de loisir tranquille. Le messager divin, qui conduit Dionysos enfant aux nymphes de Nysa, fait une halte sur son chemin ; il s’accoude à un tronc d’arbre qui sert aussi de soutien à l’enfant et il élève dans sa main droite un objet, aujourd’hui disparu, qui fait la convoitise du petit Dionysos, probablement une grappe de raisin. Le manteau qui retombe en plis riches et amples sur le tronc d’arbre équilibre harmonieusement le hanchement prononcé d’Hermès. Si la musculature de l’éphèbe marque un retour à un type plus athlétique, le dieu garde le même sourire rêveur et un peu distant.