Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Portugal (suite)

 O. Ribeiro, Portugal, o Mediterrâneo e o Atlãntico (Coimbra, 1945) ; Portugal, t. V de la Geografia de Espana y Portugal sous la dir. de M. de Teran (Barcelone, 1955). / P. Birot, le Portugal (A. Colin, 1950). / F. Villier, Portugal (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1957 ; nouv. éd., 1972). / A. Pasquier et C. Correia Botelho, l’Économie du Portugal (L. G. D. J., 1961). / X. Pintado, Structure and Growth of the Portuguese Economy (Genève, 1964). / C. Almeida et A. Barreto, Capitalismo e emigraçao en Portugal (Lisbonne, 1971).


La littérature portugaise

La littérature portugaise est beaucoup plus originale et plus riche qu’on ne s’y attend, eu égard aux dimensions et à la situation du pays. C’est que le brassage des peuples n’a pas été tout à fait le même dans l’ouest que dans le reste de la péninsule Ibérique. Très tôt établi dans des frontières qui ne devaient plus guère varier (milieu du xiiie s.), le Portugal ne s’est pas replié sur lui-même. Après avoir consolidé son indépendance (1385), il s’est lancé dans les entreprises de découvertes et de conquêtes outre-mer (1415). Bientôt, il s’est trouvé confronté à de très vastes problèmes sur plusieurs continents. Il en est résulté une habitude de penser et d’écrire qui ne s’est jamais perdue malgré les obstacles de huit siècles d’une histoire mouvementée. Le mélange des races, l’histoire de l’Océan ont fait que la grande originalité de l’âme portugaise racontée soit dans le lyrisme et dans la complexe saudade.

Le lyrisme s’est imposé dès le début. Trois chansonniers (Cancioneiro da Ajuda, da Vaticana et l’ancien Colocci-Brancuti, auj. Cancioneiro da Biblioteca National) et quelque 160 poètes nous font connaître la poésie médiévale de langue portugaise et galicienne, qui est celle du lyrisme péninsulaire jusque vers 1350. Plus tard, l’influence jouera dans l’autre sens, au bénéfice du castillan. Cette poésie, qui n’est pas un commencement, est pauvre d’idées, mais nous louche encore par sa musicalité. Les cantigas de amigo, chansons d’ami, où la jeune belle pleure ses amours, gardent une saveur particulière. Leur réalisme, l’évocation de la mer et la qualité de l’émotion en font la plus belle réussite du lyrisme médiéval péninsulaire. Les cantigas de amor sont plus savantes et plus liées à l’influence provençale. Leur caractère aristocratique les oppose au réalisme d’apparence populaire des chansons d’ami. Les cantigas de escárnio e de maldizer représentent la riche veine satirique. Réalistes, elles fustigent les travers, les erreurs et les vices. Le meilleur et le plus abondant de ces poètes est le roi dom Denis (1279-1325). Il excelle dans les trois genres et on lui doit 138 chansons.

La prose apparaît tardivement et ne s’affirme qu’avec la dynastie d’Aviz. Jean Ier écrit un traité de chasse, son fils dom Duarte un traité d’équitation et la longue compilation du Loyal Conseiller (Leal Conselheiro), qui présente la saudade comme un composé instable du plaisir et de la douleur. Dom Pedro, duc de Coimbra, est l’auteur du traité la Vertueuse Bienfaisance (Virtuosa Benfeitoria).

Le xve s. est celui de l’histoire et encore de la poésie. Le plus doué des chroniqueurs est Fernão Lopes (v. 1380-1459). Ses chroniques des maisons de Bourgogne et d’Aviz révèlent un esprit critique et un véritable artiste. Gomes Eanes Zurara (apr. 1410 - v. 1474) raconte la Chronique de la découverte et conquête de la Guinée (Crónica dos Feitos de Guiné, 1453). Rui de Pina (v. 1440-1522) est plus profond et révèle un sens politique dans sa chronique du roi Jean II. La poésie du xve et du début du xvie s. se trouve réunie dans le Chansonnier général (Cancioneiro Geral, 1516) de Garcia de Resende (v. 1470-1536), qui compte 286 auteurs. L’artifice et le désenchantement caractérisent ce recueil, dont on retiendra les Stances à la mort de Dona Inès de Castro (Trovas à morte de Dona Inês de Castro) de G. de Resende et le Poème du Rossignol de Duarte de Brito.

Le xvie s. est à la fois celui de la grandeur puis de la décadence portugaises. L’une et l’autre se reflètent dans la littérature. Les Portugais découvrent par l’expérience des vérités nouvelles, et les maîtres étrangers contribuent à la formation de l’esprit lusitanien... Aires Barbosa, André (1497-1548) et António (v. 1513-1566) de Gouveia, André de Resende (1500-1573) et Damião de Góis (1502-1574) sont les grands noms de l’humanisme portugais. La pensée s’affranchit et rayonne au dehors, mais, vers 1550, l’Inquisition s’émeut et le temps des audaces est révolu.

Le roman est encore orienté vers le passé, la mode est au roman de chevalerie. Le premier Amadis est sans doute portugais, mais il n’est connu que dans sa version espagnole, Amadis de Gaula (1508), le Palmerin d’Angleterre (Palmeirim de Inglaterra, v. 1544) de Francisco de Morais († 1572) est encore lu en France et en Angleterre au xixe s. Le roman pastoral succède au roman de chevalerie. La Diane (Los Siete Libros de la Diana, v. 1559) de Jorge de Montemayor (v. 1520-1561) est écrite en castillan et influe beaucoup sur le genre. Le chef-d’œuvre est Fillette et fille (Menina e Moça) de Bernardim Ribeiro (v. 1482-1552), qui a ébranlé la sensibilité des contemporains et des romantiques.

Avec les idées nouvelles, la Renaissance apporte des moules nouveaux pour l’expression poétique. Le décasyllabe et les combinaisons strophiques de Pétrarque s’installent à côté de l’heplasyllabe et de la medida velha. Francisco de Sá de Miranda (1481-1558) est l’introducteur des mètres nouveaux ; il est plus laborieux qu’artiste. António Ferreira (1528-1569), son disciple, lui est supérieur dans ses Poèmes lusitaniens (Lusíadas). Diogo Bernardes (v. 1530-1605), le chantre de Lima (1596), reste l’un des plus inspirés parmi tous.

Le théâtre naît et triomphe avec Gil Vicente*. Poète et orfèvre, il compose 44 pièces en castillan et en portugais, où éclate son génie du comique. Ses farces sont audacieuses et cruelles, mais il s’élève au sommet de son art dans la Trilogie des barques (Autos das Barcas). Contre l’auto vulgaire, Sá de Miranda a essayé la comédie italienne de type classique, mais ni Estrangeiros ni Vilhalpandos n’ont suscité l’imitation. Antonio Ferreira introduit avec succès la tragédie en vers à l’antique. Sa Tragédie de Dona Inès de Castro (Tragedia mui sentida e elegante de Dona Inês de Castro, v. 1558, publiée en 1587) a inspiré de nombreuses imitations.