Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Portugal (suite)

Le 10 septembre, alors que la Guinée-Bissau* accède à l’indépendance, Spínola en appelle à la majorité silencieuse. Aussitôt, les forces de droite et d’extrême-droite demandent à manifester publiquement, le 28 septembre. Le général ayant refusé d’interdire la manifestation, la gauche et l’extrême-gauche dressent des barricades dans Lisbonne : Spínola démissionne. La junte militaire désigne pour le remplacer le général Francisco da Costa Gomes et confirme le général Vasco Gonçalves comme Premier ministre.

Une nouvelle coalition se forme, qui groupe des membres du M. F. A., du parti populaire démocratique, du parti socialiste et du parti communiste. La première mesure prise concerne l’épuration des administrations ; la seconde est une loi électorale qui, en abaissant le droit de vote à dix-huit ans et en l’élargissant aux analphabètes et à certains immigrés, multiplie par quatre le nombre des électeurs. Si les modérés s’efforçaient de freiner la décolonisation, notamment en Angola où le capitalisme financier a de gros intérêts, le nouveau bloc au pouvoir l’accélère.

Au cours de l’hiver 1974-1975 et en attendant les élections à l’Assemblée constituante — en avril —, le M. F. A. accroît son importance en dotant la junte de pouvoirs législatifs réels, en favorisant l’établissement d’un syndicat unique souhaité par le parti communiste et en s’emparant, à l’occasion d’un changement de personnel, de la majorité au conseil des ministres. Enfin, le projet constitutionnel réserve au M. F. A. certains postes clefs comme la défense et l’économie.

Le 11 mars 1975, une tentative de coup d’État, dirigée par le général de Spínola, est étouffée rapidement. Celui-ci doit s’exiler au Brésil. Le M. F. A. décide de transformer ses structures propres en deux organismes : le Conseil de la révolution et l’Assemblée générale des forces armées. Mais le COPCON (Commandement opérationnel du continent), qui a joué un rôle déterminant dans la résistance au putsch, est maintenu. Le Conseil national de la révolution décide alors d’appliquer un programme socialiste. En effet, alors que la structure des entreprises n’avait jusqu’alors subi aucun bouleversement, un vaste programme de nationalisations est mis en œuvre : dès le 13 mars les banques et les compagnies d’assurances sont nationalisées, et, dans les jours qui suivent, les transports, les communications et les industries productrices d’énergie le sont à leur tour.

Profitant de sa position de force, le M. F. A. fait entériner par tous les partis qui se présentent aux élections, hormis l’extrême-gauche, un projet de Constitution visant à son institutionalisation et à son maintien au pouvoir pour trois ans.

Les élections à l’Assemblée constituante, auxquelles participent 92 p. 100 des électeurs, se soldent, le 25 avril, par la victoire des partis de gauche, mais le centre (parti populaire démocratique) dispose de 26,4 p. 100 des suffrages.

Après une période politiquement très instable, marquée par des rapports difficiles entre socialistes et communistes, et une tentative de prise de pouvoir par des militaires d’extrême gauche (25 novembre 1975), le Conseil de la révolution reconnaît la prédominance du pouvoir civil : la nouvelle Constitution promulguée le 2 avril 1976 renforce le rôle du chef de l’État et celui du Parlement. Les élections législatives du 25 avril font apparaître un tassement des voix du P. S. P. et du P. P. D., tandis que le P. C. P. gagne des suffrages. Le 25 juin, le général Ramalho Eanes, qui, en quelques mois, a rétabli la discipline dans l’armée, est élu président de la République et désigne Mario Soares comme Premier ministre.

P. P.

 A. Silbert, le Portugal méditerranéen à la fin de l’Ancien Régime (S. E. V. P. E. N., 1966 ; 2 vol.). / C. Rudel, le Portugal et Salazar (Éd. ouvrières, 1968). / A.-A. Bourdon, Histoire du Portugal (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970). / V. de Magalhães Godinho, A estrutura na antiga sociedade portuguesa (Lisbonne, 1971). / J. Serrao, Emigracão portuguesa (Lisbonne, 1971). / M. Soares, le Portugal bâillonné (Calmann-Lévy, 1972). / A. Cunhal, Portugal. L’aube de la liberté (Éd. sociales, 1974). / P. Naville, Pouvoir militaire et socialisme au Portugal (Anthropos, 1976).


Les régions

L’opposition entre le Nord et le Sud qui se dégage de l’étude du milieu physique est encore renforcée par les traits humains : densément peuplé, intensément exploité par une minutieuse polyculture à base de maïs associée à l’élevage bovin, le Nord contraste singulièrement avec le Sud, où des campagnes faiblement peuplées sont vouées à une monoculture extensive du blé laissant place à de vastes jachères livrées au parcours de grands troupeaux de moutons. Entre ces deux types de paysages, qui atteignent leur plus parfaite expression le premier dans le Minho, le second dans l’Alentejo, une zone de transition peut toutefois être observée, au nord de la coupure du Tage, de l’Estrémadure à la Beira Baixa.


Le Nord

Cette région montagneuse au relief escarpé et aux sols généralement acides n’offre a priori que d’ingrates conditions à l’homme. On y observe pourtant dans le Minho des densités moyennes de 200 habitants au kilomètre carré, même en dehors de la côte, où les paysans trouvant dans la pêche un complément de ressources important. Une population aussi nombreuse ne peut vivre qu’au prix d’un labeur acharné : sur de minuscules exploitations où l’habitat se disperse intégralement, le paysan réussit à produire l’essentiel de sa subsistance. La base du système agricole est la culture du maïs, qui fut introduite à la fin du xvie s. Elle est pratiquée sur de toutes petites parcelles serrées les unes contre les autres dans les étroits fonds de vallées ou étagées en terrassettes au flanc des versants. Semé en mai avec des haricots, le maïs est irrigué jusqu’à maturation et récolté au début d’octobre. Le champ est immédiatement ensemencé en herbes et, grâce à un arrosage intensif, donne sept ou huit coupes de foin avant d’être labouré pour une nouvelle culture de maïs. Chaque année, quelques champs échappent à ce cycle pour produire des choux en hiver et des pommes de terre en été qui, avec le maïs, constituent la base de la nourriture des hommes. D’autre part, maïs et foin permettent de nourrir ces bovins que l’on voit partout tirer des chars grinçants et qui fournissent un peu de viande et du beurre. Le paysan élève également des porcs et des chèvres. Celles-ci pâturent la lande qui constitue le complément indispensable aux terres de culture puisqu’elle procure la fumure et la litière. Enfin, chaque champ est entouré d’arbres (pommiers, poiriers, et cerisiers au nord, oliviers, voire orangers au sud) qui servent d’appui à des vignes grimpantes dont les raisins, qui ne parviennent pas à maturité, servent à fabriquer le « vinho verde ».