Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Portugal (suite)

Le pays à l’époque salazariste

Sous le régime salazariste, l’ancienne division en provinces est toujours utilisée pour des raisons de commodité, même si elle n’a plus d’existence officielle. L’unité administrative de base est la freguesia, dirigée par une junta élue par tous les chefs de famille quel que soit le sexe. Les 3 814 freguesias du Portugal métropolitain sont regroupées en 274 concelhos, administrés par une câmara. L’ensemble du territoire est partagé en 18 districts (distrito), avec un governador civil, sorte de préfet nommé par le gouvernement, flanqué d’une junta distrital. Les districts sont eux-mêmes regroupés dans le cadre des grandes subdivisions militaires ou économiques. Pour les petites causes, la justice est rendue par les justices municipales et les justices de paix ; à la tête des comarcas judiciaires siège un tribunal de première instance, au civil et au criminel. Lisbonne, Porto et Coimbra, sièges de tribunaux de deuxième instance, sont les chefs-lieux des trois districts judiciaires. Évêchés et archevêchés du Portugal métropolitain relèvent de trois métropoles : Lisbonne, dont le titulaire porte depuis le xviiie s. le titre de patriarche, Braga et Évora.

La scolarité, obligatoire jusqu’à quatorze ans, est prolongée de deux ans en 1970. C’est essentiellement un enseignement d’État, car l’enseignement privé, payant, ne recrute qu’une faible part des enfants scolarisables (4. p. 100 en 1960). Un très gros effort est accompli en matière d’enseignement. Il existe quelque 20 000 centres : écoles maternelles (en petit nombre), écoles primaires, collèges privés ou officiels, lycées, et, ce qui donne un taux d’encadrement de 1 maître pour 28 élèves, contre 1 pour 45 il y a quinze ans. Le pourcentage d’analphabètes, restreint au niveau des couches scolarisables, passe de 31 p. 100 en 1960 à 22 p. 100 en 1970. La première République avait mis fin au monopole de fait de Coimbra en créant des universités à Lisbonne et à Porto (1911). Une université catholique est fondée à Lisbonne en 1968 et, en 1971, les établissements de Braga sont érigés en université. Évora espère retrouver son université (fermée au xviiie s. sur ordre de Pombal, lors de l’expulsion des Jésuites), mais doit se contenter d’un établissement d’enseignement supérieur. Un numerus clausus très strict limite l’entrée sur concours dans les diverses facultés : lettres, médecine, sciences... ; mais, en 1971, le gouvernement envisage de renoncer à cette sélection. À côté des universités, l’enseignement supérieur comprend divers autres établissements, entre autres les écoles polytechniques de Lisbonne et de Porto. Un organisme privé, la fondation Calouste Gulbenkian, accomplit de très gros efforts dans le domaine culturel : fondation de bibliothèques, création de musées, entretien de fonds d’archives, etc.

Le Concordat de 1940 reconnaît à l’Église catholique une situation privilégiée, mais les autres cultes aussi sont reconnus. Théoriquement, les neuf dixièmes de la population sont catholiques ; pratiquement, sans aller jusqu’à se déclarer sans religion, nombre de personnes ne sont catholiques que de nom. En 1966, dans le diocèse de Beja, on compte 50 000 personnes sans religion déclarée sur les 340 000 habitants et 62 000 les 364 000 de l’archidiocèse d’Évora. Fátima, malgré sa réputation mondiale, ou les romarias, manifestations religieuses surtout vivaces dans le Nord, ne doivent pas faire illusion. Le taux de pratique est extrêmement variable suivant les régions. S’il atteint près de 100 p. 100 dans le nord du pays, il tombe à 17,2 p. 100 dans l’archidiocèse de Lisbonne et à 10 p. 100 en Algarve.

Les différentes Églises protestantes : Églises lusitanienne, presbytérienne, baptiste, adventiste du septième jour..., ne rassemblent qu’un nombre restreint de fidèles, 20 000 environ. Les juifs, regroupés dans les centres et tout particulièrement à Lisbonne et à Porto, ne sont que quelques milliers.

Malgré sa faible superficie, le Portugal ne constitue nullement un ensemble homogène : géographie comme passé historique contribuent à créer des régions fort différentes. Dans son ouvrage Portugal, o Mediterrâneo e o Atlântico, le géographe Orlando Ribeiro montre la nette opposition entre un Portugal du Nord et un Portugal du Sud. Cette coupure correspond aussi à une réalité historique et, en gros, le Tage sépare deux mondes. Le Nord est le vieux noyau chrétien, densément peuplé, avec des communautés rurales encore vivaces au xviiie s. Au moment de la Reconquista, le Sud était une zone totalement dépeuplée ; au milieu de la charneca, maquis dense, s’éparpillaient de petits villages de colonisation. Dans le Nord, la terre est morcelée, souvent en infimes exploitations. Le Sud était la région des très vastes domaines, nobles ou ecclésiastiques. Si ces domaines ont changé de main au xixe s., c’est au profit d’une minorité de nouveaux riches. Aux petits propriétaires exploitants du Nord s’oppose l’immense prolétariat agricole du Sud. Ce cadre a profondément influencé les mentalités. À la famille patriarcale du Nord, fortement attachée à la terre, s’oppose la famille prolétaire du Sud, plus fluide, totalement détachée de la terre, qui n’est pour elle qu’un lieu de travail. Les attitudes religieuses s’en ressentent ; au conformisme du Nord s’oppose l’indifférence du Sud. Même dans le cadre du diocèse de Portalegre, le Tage sépare deux zones aux comportements religieux différents.

À cette opposition Nord-Sud, schématique il est vrai, il faudrait en ajouter une autre : l’opposition entre la côte et l’intérieur. Les grandes découvertes ont accéléré les migrations vers la frange côtière et, dès la fin du xvie s., on déplorait l’abandon des campagnes intérieures. Ce glissement vers la côte a été encore accentué par l’ébauche d’industrialisation du xixe s. : aux centres traditionnels épars dans l’intérieur du pays s’opposent les nouveaux foyers de Porto et Lisbonne, en plein essor. Près du quart de la population portugaise vit dans ces deux districts. Mais, dans la réalité, le tableau n’est pas si simple. Si le Nord coder a bénéficié des industries traditionnelles (textile, sidérurgie), c’est dans le Sud que s’implantent les centres les plus modernes : mécanique de précision et pétrochimie. Depuis le début du siècle, la population du district de Setúbal a plus que doublé. Ce seraient autant de nuances locales qu’il faudrait apporter à une étude plus approfondie du monde portugais.