portrait (suite)
Le xviiie s. a vu prospérer au Japon des portraitistes qui s’expriment de préférence par l’estampe et qui appartiennent à l’école « vulgaire » de l’ukiyo-e*. Shunshō et Sharaku*, notamment, ont dû leur popularité à des planches représentant les acteurs et les courtisanes célèbres. En fait, l’art du portrait — en couleurs sur soie — avait pris de l’importance au Japon dès la fin de l’époque Heian, au xiie s., avec comme précédent le portrait chinois des dynasties Tang et Song (dont le développement reste assez modeste en Chine même).
Le xixe siècle et la photographie
L’époque qui suit la Révolution est exceptionnellement fertile pour les peintres de portraits. On explique souvent ce phénomène par l’ascension de la bourgeoisie et par son souci de s’affirmer. David* et surtout Ingres* surpassent, à cet égard, leurs confrères étrangers. Le premier est souvent un peintre officiel, mais le Sacre est une réunion de puissants et vivants portraits, auxquels sont peut-être encore supérieurs ceux des bourgeoises Sériziat et Récamier. Quant à Ingres, qui, souvent, ne reculait pas devant une déformation expressive, il a renouvelé le portrait dessiné avec une pureté inouïe du trait, bien supérieure à celle des Clouet.
Pensait-il déjà que son art allait être menacé par la photographie* ? Il le semble, d’après certaines réflexions qu’on a rapportées de lui. Dès le siècle précédent, la curiosité s’était attachée à d’ingénieux procédés, comme le physionotrace, destinés à remplacer le peintre par un instrument auxiliaire. Le portrait photographié, lui, arriva très vite à sa perfection. De 1855 à 1859, Nadar donne ces admirables visages de Daumier, de Baudelaire, de Delacroix, auxquels les tribunaux s’obstinèrent longtemps à contester le caractère d’œuvres d’art ; mais ce furent singulièrement les produits commerciaux de la photographie, surtout en format réduit, qui retirèrent d’abord aux peintres portraitistes, et plus encore aux miniaturistes, une part importante de leur clientèle. Il reste que les grands visages photographiés d’un Emmanuel Sougez ou d’une Gisèle Freund, pour autant qu’un visage peut traduire l’âme du modèle, sont égaux à la plupart des portraits picturaux.
Le portrait moderne
Il est clair, cependant, que les meilleurs peintres ont évité sans grande peine le « piège » de la photographie, et que le portrait est resté pour eux l’un des objets les plus hauts de leur art, parce qu’il est d’abord un « morceau de peinture » indépendamment de la conformité au modèle, sans que celle-ci soit pourtant négligée. Ils ont médité la parole d’Ingres : « C’est toujours par une sorte de charge qu’il faut commencer. » Tous les impressionnistes ont été des portraitistes consommés, qu’il s’agisse d’un Degas*, strict dans l’imitation (il pratiquait, aussi bien, la photo en amateur), d’un Manet*, plus interprétatif, d’un Renoir*, qui tourne tout à la fleur. Après eux, Van Gogh* renouvelle le miracle d’un Rembrandt en s’interrogeant sans cesse lui-même, comme pour suivre les étapes de son mal. Edouard Vuillard (1868-1940) communique à ses figures un accent d’intimité, tandis que Kokoschka* leur transmet sa fièvre et que Kees Van Dongen (1877-1968) fait profiter ses mondaines et demi-mondaines de la technique percutante du fauvisme. De Rodin* à Despiau*, la sculpture n’est pas en reste.
Picasso* s’est plu, à certains moments, à rivaliser avec Ingres, tandis qu’ailleurs il poussait jusqu’à l’extrême la déformation, sans renoncer à qualifier ses œuvres de portraits. L’époque récente a été plus amère, ne voyant guère la figure humaine, à la suite de Francis Bacon*, que torturée, écartelée du dehors ou du dedans, au mieux « absente » ou anonyme : à l’image d’un humanisme en crise.
P. D. C.
➙ Caricature / Genre (peinture de) / Photographie.
J. Lavalleye, le Portrait au xve s. (Cercle d’Art, Bruxelles, 1943). / M.-J. Friedländer, Essays über die Landschaftsmalerei und andere Bildgattungen (La Haye, 1947). / J. Babelon, le Portrait dans l’Antiquité d’après les monnaies (Payot, 1950). / J. Alazard, le Portrait florentin de Botticelli à Bronzino (J. Bonnafous, 1951). / G. et P. Francastel, le Portrait. Cinquante siècles d’humanisme en peinture (Hachette, 1969).