Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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portrait (suite)

Le xviiie s. a vu prospérer au Japon des portraitistes qui s’expriment de préférence par l’estampe et qui appartiennent à l’école « vulgaire » de l’ukiyo-e*. Shunshō et Sharaku*, notamment, ont dû leur popularité à des planches représentant les acteurs et les courtisanes célèbres. En fait, l’art du portrait — en couleurs sur soie — avait pris de l’importance au Japon dès la fin de l’époque Heian, au xiie s., avec comme précédent le portrait chinois des dynasties Tang et Song (dont le développement reste assez modeste en Chine même).


Le xixe siècle et la photographie

L’époque qui suit la Révolution est exceptionnellement fertile pour les peintres de portraits. On explique souvent ce phénomène par l’ascension de la bourgeoisie et par son souci de s’affirmer. David* et surtout Ingres* surpassent, à cet égard, leurs confrères étrangers. Le premier est souvent un peintre officiel, mais le Sacre est une réunion de puissants et vivants portraits, auxquels sont peut-être encore supérieurs ceux des bourgeoises Sériziat et Récamier. Quant à Ingres, qui, souvent, ne reculait pas devant une déformation expressive, il a renouvelé le portrait dessiné avec une pureté inouïe du trait, bien supérieure à celle des Clouet.

Pensait-il déjà que son art allait être menacé par la photographie* ? Il le semble, d’après certaines réflexions qu’on a rapportées de lui. Dès le siècle précédent, la curiosité s’était attachée à d’ingénieux procédés, comme le physionotrace, destinés à remplacer le peintre par un instrument auxiliaire. Le portrait photographié, lui, arriva très vite à sa perfection. De 1855 à 1859, Nadar donne ces admirables visages de Daumier, de Baudelaire, de Delacroix, auxquels les tribunaux s’obstinèrent longtemps à contester le caractère d’œuvres d’art ; mais ce furent singulièrement les produits commerciaux de la photographie, surtout en format réduit, qui retirèrent d’abord aux peintres portraitistes, et plus encore aux miniaturistes, une part importante de leur clientèle. Il reste que les grands visages photographiés d’un Emmanuel Sougez ou d’une Gisèle Freund, pour autant qu’un visage peut traduire l’âme du modèle, sont égaux à la plupart des portraits picturaux.


Le portrait moderne

Il est clair, cependant, que les meilleurs peintres ont évité sans grande peine le « piège » de la photographie, et que le portrait est resté pour eux l’un des objets les plus hauts de leur art, parce qu’il est d’abord un « morceau de peinture » indépendamment de la conformité au modèle, sans que celle-ci soit pourtant négligée. Ils ont médité la parole d’Ingres : « C’est toujours par une sorte de charge qu’il faut commencer. » Tous les impressionnistes ont été des portraitistes consommés, qu’il s’agisse d’un Degas*, strict dans l’imitation (il pratiquait, aussi bien, la photo en amateur), d’un Manet*, plus interprétatif, d’un Renoir*, qui tourne tout à la fleur. Après eux, Van Gogh* renouvelle le miracle d’un Rembrandt en s’interrogeant sans cesse lui-même, comme pour suivre les étapes de son mal. Edouard Vuillard (1868-1940) communique à ses figures un accent d’intimité, tandis que Kokoschka* leur transmet sa fièvre et que Kees Van Dongen (1877-1968) fait profiter ses mondaines et demi-mondaines de la technique percutante du fauvisme. De Rodin* à Despiau*, la sculpture n’est pas en reste.

Picasso* s’est plu, à certains moments, à rivaliser avec Ingres, tandis qu’ailleurs il poussait jusqu’à l’extrême la déformation, sans renoncer à qualifier ses œuvres de portraits. L’époque récente a été plus amère, ne voyant guère la figure humaine, à la suite de Francis Bacon*, que torturée, écartelée du dehors ou du dedans, au mieux « absente » ou anonyme : à l’image d’un humanisme en crise.

P. D. C.

➙ Caricature / Genre (peinture de) / Photographie.

 J. Lavalleye, le Portrait au xve s. (Cercle d’Art, Bruxelles, 1943). / M.-J. Friedländer, Essays über die Landschaftsmalerei und andere Bildgattungen (La Haye, 1947). / J. Babelon, le Portrait dans l’Antiquité d’après les monnaies (Payot, 1950). / J. Alazard, le Portrait florentin de Botticelli à Bronzino (J. Bonnafous, 1951). / G. et P. Francastel, le Portrait. Cinquante siècles d’humanisme en peinture (Hachette, 1969).

Portugal

État d’Europe. Capit. Lisbonne*.


La situation

Couvrant 91 971 km2, le Portugal s’étire en un rectangle long de 560 km et large au maximum de 220 km sur la façade occidentale de la péninsule Ibérique entre les 42e et 37e degrés de latitude. Rien de plus artificiel que sa frontière avec l’Espagne, qui taille au travers des unités géomorphologiques en ne s’appuyant que de loin en loin aux accidents naturels. C’est pourtant la plus ancienne frontière européenne : fixée en 1297 au lendemain de la Reconquista, elle concrétise l’équilibre durable qui s’est établi entre les ambitions des Castillans vers l’ouest et celles des Portugais vers l’est. Son ancienneté et sa permanence ont permis d’en faire une réalité tangible : rares sont les frontières qui se confondent à ce point avec une limite linguistique aussi tranchée, sauf au nord avec la Galice, d’où sont partis les conquérants à l’assaut des musulmans et qui a conservé, malgré la domination espagnole, son dialecte portugais archaïque ; frontière à l’abri de laquelle s’est forgée la personnalité marquée du peuple portugais, qui, par opposition au Castillan, fier et ardent, se montre d’un tempérament doux, sensible, un peu mélancolique...

La personnalité du Portugal est donc plus le fait de l’histoire que de la géographie. Pourtant, la nature portugaise y contribue certainement. Ce « balcon sur l’Océan » (E. d’Ors), dont les paysages baignés d’influences océaniques n’ont pas l’austérité de ceux de Castille, a toujours regardé au-delà des mers : il fonda, grâce à ses hardis navigateurs, l’un des plus vastes empires coloniaux et il noua avec l’Europe du Nord-Ouest des liens commerciaux qui lui valent une bourgeoisie active, quoique un peu timorée, et ouverte aux influences étrangères. C’est paradoxalement l’un des États européens les plus en retard dans la course au développement économique.