Arnolfo di Cambio (suite)
La partie la mieux connue de son œuvre est certainement la suite de ses grands monuments funéraires qui, fondant admirablement architecture et sculpture, créèrent un type nouveau de sépulture, repris notamment par le sculpteur Tino da Camaino (v. 1285-1337). Ces monuments sont assez bien datés : tombeau du cardinal Annibaldi (1276) à Saint-Jean-de-Latran, dont il reste une admirable frise représentant la procession liturgique des funérailles ; tombeau d’Adrien V à San Francesco de Viterbe, sensiblement contemporain ; tombeau du cardinal de Braye à San Domenico d’Orvieto (1282)... Son activité romaine, autant que celle d’un sculpteur (Nativité de Santa Maria Maggiore, statue de bronze de saint Pierre à Saint-Pierre du Vatican), est d’ailleurs celle d’un architecte, comme en témoignent le ciborium de San Paolo fuori le Mura (v. 1285), celui de Santa Cecilia in Trastevere (1293) et surtout les aménagements, en partie disparus, de Santa Maria in Aracoeli, d’où provient la célèbre statue de Charles* d’Anjou (musée du Capitole). Peut-être aurait-il donné son plus grand chef-d’œuvre au dôme de Florence. On lui doit le projet initial du chevet à coupole et la partie inférieure de la façade, détruite à la fin du xvie s., mais dont les fragments sculptés dispersés entre le musée de l’Opera del Duomo, le musée de Berlin et diverses collections privées suffiraient à sa gloire.
De sa formation, Arnolfo garda le sens de la majesté des volumes et une admiration pour l’art antique qui pourra aller jusqu’au pastiche (Vierge de la tombe du cardinal de Braye). Toutefois, il joua surtout un rôle dans l’évolution de l’art italien par la facilité avec laquelle il assimila les découvertes du gothique nordique. À la tension dramatique de Giovanni Pisano et aux formes pleines mais statiques de Tino da Camaino, il oppose des figures élégantes, où le drapé aux plis cassés, nettement transalpin dans son inspiration, contraste avec le classicisme des visages, très éloignés des joliesses de l’art français contemporain. De même, en matière d’architecture, n’hésite-t-il pas à habiller parfois des édicules purement gothiques dans leur dessin d’un précieux revêtement de mosaïques « cosmatesques » (dans la manière des Cosma, ornemanistes romains des xiie et xiiie s.). Connut-il directement l’art français ? On ne sait, mais ses liens avec les Angevins de Naples suffisent peut-être à expliquer qu’Arnolfo soit l’un des plus grands représentants du gothique italien, dont l’existence même fut parfois mise en doute.
J. R. G.
V. Mariani, Arnolfo di Cambio (Rome, 1943).