Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

porcelaine (suite)

Les porcelaines de table font un large appel à la décoration. Le décor de grand feu se cuit en même temps que la porcelaine ou tout au moins à la même température : 1 410 °C. Le bleu de Sèvres est même une sur-couverte appliquée en seconde cuisson sur une couverte incolore déjà cuite. Les colorants sont des oxydes fixes de cuivre, de cobalt, de manganèse, de chrome, etc. Industriellement, on utilise pour décorer les pièces de service des lustres, peintures et dorures cuits au moufle à petit feu. Le décor au moufle autorise des couleurs plus variées, telles que celles des peintures vitrifiables (mélange de fondants et de pigments, éventuellement fritté), et surtout la gamme des pourpre, carmin et rose à l’or (pourpre de Cassius) ainsi que la dorure proprement dite. Cette dernière se pratique en or métallique ou en or liquide. L’or métallique est mal et doit être bruni au polissoir d’agate ; il est plus beau que l’or brillant directement obtenu dans cet état à partir d’or liquide à faible concentration. Les lustres sont à base de résinates de divers métaux et donnent, outre leur teinte propre, les teintes d’interférence des lames minces.

I. P.

➙ Céramique / Isolateur / Verre.

 M. Haussonne, Technologie céramique générale : faïences, porcelaines (Baillière, 1954). / L. Alaurent et M. Larchevêque, Traité pratique de décoration céramique (Baillière, 1960).


L’art de la porcelaine en Europe

Le mot porcelaine vient de porca, qui désigne en bas latin une coquille du type des buccins. Ces coquilles, qui peuvent atteindre jusqu’à 10 cm de long, étaient très appréciées des « amateurs » en Occident ; mises en valeur par une monture d’orfèvrerie, elles garnissaient les cabinets des collectionneurs. Les céramiques d’Extrême-Orient, d’un aspect brillant assez voisin et considérées elles aussi comme des curiosités destinées aux cabinets, furent englobées sous cette appellation de porcelaine.

Aboutissement de la technique du grès, la porcelaine atteint sa perfection avec les artisans de la dynastie des Tang (T’ang) autour du xe s. Denrée très appréciée des marchés d’Asie, elle était bien connue au Proche-Orient dès le Moyen Âge. Marco Polo est le premier Européen à mentionner, avec enthousiasme, des objets en « porcelaine ». Les Vénitiens en acquièrent quelques-uns par Byzance ou Alexandrie. Mais leur véritable introduction en Europe est le fait des Portugais, qui acquièrent un monopole sur le marché d’Asie grâce à leurs contacts directs, jusqu’à Canton, avec les marchands chinois.

Cependant, les secrets de la fabrication restent inconnus (matériaux et proportions, températures...). L’Europe multiplie les tentatives pour fabriquer cette céramique translucide : ainsi les « porcelaines des Médicis », dont il reste une quarantaine de pièces, fabriquées à Florence vers 1575. La formule comprenait un mélange de terre blanche de Vicence, de sable blanc et de poudre de verre. Avec l’appui de Louis XIV, Louis Poterat, appartenant à une grande famille de faïenciers de Rouen, découvre la formule de la pâte tendre vers 1694. Vers 1695 est ouverte à Saint-Cloud la première manufacture de porcelaine tendre ; placée sous la protection du duc d’Orléans et de la princesse palatine, elle inaugure le type de manufactures si en vogue pendant un siècle : Chantilly, Vincennes, Mennecy, Sceaux, Strasbourg.

Auguste II, Électeur de Saxe et roi de Pologne, passionné de porcelaines chinoises et japonaises, entretient une équipe d’ingénieurs et de physiciens afin de découvrir la composition du matériau qu’il prise tant. En 1710, Johann Friedrich Böttger (1682-1719), ayant découvert une première formule (grès), est nommé directeur d’une manufacture qu’Auguste II installe à Meissen. Ses collaborateurs et lui-même sont obligés au plus grand silence sur leurs procédés de fabrication, qui aboutissent peu après à la première porcelaine dure européenne. Pourtant, grâce à des ouvriers fugitifs venant de Meissen, une fabrique s’ouvre bientôt à Vienne en 1717, une autre en 1720 à Venise. Sa qualité technique, la richesse de son ornementation valurent une grande vogue à la production de Meissen. Après d’originales « chinoiseries » se développe un décor peint de scènes et de paysages à l’occidentale, ainsi que de fleurs et d’oiseaux. Vers 1735, le décor plastique commence à l’emporter : gaufrage de la pâte, apparition de figures et d’ornements en haut relief, d’une exubérance rococo. Le modeleur Johann Joachim Kändler (1706-1775) crée les petits groupes qui furent partout imités.

Bientôt, de très nombreuses manufactures de pâte dure et tendre s’ouvrent à travers toute l’Europe : en Italie, Doccia en 1735, Capodimonte en 1743 ; en Angleterre, Chelsea en 1743, Bow en 1744 ; en Allemagne, Berlin en 1751, Frankenthal en 1755 ; au Danemark, Copenhague en 1775.

En 1756, la manufacture de porcelaine tendre de Vincennes est transférée à Sèvres. Devenue propriété du roi en 1760, elle se voit confirmer son privilège (monopole de la fabrication de certains objets de porcelaine pour toute la France). Sous cette impulsion, Sèvres* devient le centre producteur le plus prisé d’Europe, bénéficiant du concours de grands artistes comme Falconet*. Le succès de Sèvres suscite l’ouverture de nouvelles manufactures en province : Niederwiller, Arras, Saint-Amand-les-Eaux.

Le mouvement ira en s’amplifiant après la découverte du kaolin à Saint-Yrieix, qui amène la création d’une fabrique de porcelaine dure à Limoges en 1773 ; elle est rachetée par Sèvres, comme succursale, et devient en 1784 manufacture royale. De leur côté, les princes de la famille royale ont chacun une manufacture : Clignancourt appartient au futur Louis XVIII ; la manufacture de la rue Bondy à Paris, au due d’Angoulême...

Durant le xixe s., l’histoire de la porcelaine accuse une régression dans la qualité artistique : l’industrialisation, les impératifs économiques obligent à la standardisation et à une simplification des décors.

N. B.