Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arménie (suite)

Les terribles épreuves de la fin du xixe et du début du xxe s. accentuent l’aspect patriotique des lettres arméniennes, qui deviennent une vraie littérature de résistance à l’oppression turque et de révolte contre les massacres — ceux de 1895 et ceux de 1915 —, où devaient disparaître des poètes comme Varoujan (le Chant du pain) et Siamanto, ainsi que des romanciers et conteurs comme Zohrab.

La littérature arménienne contemporaine, tout en demeurant profondément nationale, adopte et adapte à ses particularités les divers courants et les recherches qui se manifestent dans la littérature mondiale.

En Arménie soviétique, des poètes comme Hagopian (1865-1935), Terian (1885-1920), Isahakian (1875-1957), Tcharentz (1897-1937), des romanciers comme Demirdjian (1877-1956), auteur de Vardanank, Zorian (1890-1967), Mahari (1905-1969), des dramaturges comme Chirvanzadé (1858-1935), inspirés par la renaissance de leur pays, ont établi les bases d’une littérature nouvelle qui se développe aujourd’hui grâce à une pléiade d’écrivains tels que Emine (né en 1918), Chiraz (né en 1914), Sevak (né en 1918), S. Kapoutikian (née en 1918). R. Davoyan (né en 1940).

Dans la Diaspora, la tradition des lettres arméniennes s’est maintenue avec des auteurs comme Tchobanian (1872-1955), Tekeian (1878-1945), Chanth (1870-1951) et survit encore actuellement grâce à la persévérance de jeunes écrivains qui continuent, malgré un public de plus en plus réduit, à écrire leurs ouvrages dans la langue de leurs ancêtres.

L’alphabet arménien

Son origine est encore un mystère, mais l’on s’accorde à reconnaître qu’il n’est pas le produit évolué d’un alphabet préexistant : comme tous les peuples de l’Orient chrétien, les Arméniens ont adopté une écriture à signes graphiques spéciaux, d’origine éclectique. La confection de leur alphabet est un produit de « cabinet », fabriqué ex abrupto par le moine Machtotz, appelé aussi Mesrob, un ancien fonctionnaire de chancellerie, à la demande du roi Vramchapouh (392-414) et du patriarche Sahak, qu’inquiétait l’envahissement de la culture mazdéenne. Sur les 36 caractères, 22 sont inspirés de modèles grecs, et quelques-uns des 14 autres de modèles sémitiques. Deux lettres supplémentaires furent ajoutées vers la fin du xiie s.

R. M.

 A. Tchobanian, les Trouvères arméniens (Mercure de France, 1906) ; la Roseraie d’Arménie (Leroux, 1918-1929 ; 3 vol.). / H. Thorossian, Histoire de la littérature arménienne (Libr. des Cinq Continents, 1952). / L. A. Marcel, G. de Narek et l’ancienne poésie arménienne (Cahiers du Sud, 1953). / L. Aragon, « Littérature arménienne » dans Littératures soviétiques (Denoël, 1956). / Littérature arménienne, numéro spécial de la revue Europe, février 1961.


L’art arménien chrétien

Cet art est né au ive s., aux confins des mondes romain et iranien, et tire son origine de l’art paléochrétien et de l’art partho-sassanide. La part du fonds autochtone (ourarthéen) [v. Anatolie] est difficile à apprécier.


L’architecture

C’est l’expression la plus originale et la plus importante. Tandis que les arts plastiques restent traditionnels, l’architecture évolue très vite et multiplie les innovations.

• Les églises sont évidemment les monuments les plus nombreux. Les types en sont très variés, mais un certain nombre de caractères particuliers s’y retrouvent : l’usage de la coupole sur tambour (probablement à cause d’une vision de saint Grégoire), la simplicité extérieure, la rareté et l’étroitesse des portes et des fenêtres (à cause du climat, mais aussi de l’insécurité du pays), le cloisonnement intérieur (indiqué extérieurement par des dièdres verticaux, les niches arméniennes), le mode de construction par âme de mortier entre deux parements de tuf (la légèreté du matériau autorisant la couverture de pierre), la variété et la permanence des types.

Ces types sont les suivants :
1. les églises à plan longitudinal d’origine romaine : basilique* à 3 nefs voûtées en berceau, basilique à coupole (souvent la coupole a été ajoutée) ;
2. les églises à plan rayonnant d’origine iranienne, dont il existe deux groupes : a) les tétraconques (coupole sur carré contre-buté par 4 absides), qui peuvent être soit simples, soit à piliers centraux, ou à niches d’angle, ou à niches et chambres latérales (type Hripsimé), ou enfin à galerie (type Zvartnots) ; b) la salle à coupole, plan arménien par excellence (bâtiment rectangulaire, constitué par 4 bras se joignant sur un carré central surmonté d’une coupole à tambour ; angles occupés par des chambres à 1 ou 2 étages servant d’oratoires) ;
3. les petites églises ; très fréquentes en Arménie, ce sont de simples chapelles à une nef, des croix libres, des triconques, des hexagones, des octogones.

Jusqu’à l’invasion arabe (du ive au viie s.), l’art de bâtir n’a guère de particularisme régional et tous les types se rencontrent déjà, mais les basiliques disparaissent au ve s. pour être remplacées par les basiliques à coupole (Mren, 639) et par les tétraconques (Etchmiadzine, 483 ; Sainte-Hripsimé, 618 ; Mastara, 641 ; Zvartnots, v. 650). La salle à coupole apparaît au début du viie s. (Ptghni), les octogones à la fin du même siècle (Irind, Eghvart).

Dans la période des royaumes arméniens (ixe-xie s.), on voit se développer certaines tendances locales, sans qu’on puisse vraiment parler d’écoles.

Dans le royaume d’Ani et dans celui de Tachir, vassal, le plan le plus utilisé est celui de la salle à coupole (Horomos), mais on trouve aussi des basiliques à coupole (cathédrale d’Ani), des hexagones (Saint-Grégoire d’Abougamrents), des octogones (chapelle du Rédempteur à Ani), des tétraconques (Saint-Grégoire de Gagik à Ani). Les édifices prennent des proportions plus élancées sous l’impulsion de l’architecte Tiridate. Dans le royaume de Siounie, la princesse Miriam fait élever de nombreuses églises de plan triconque ou tétraconque. Le royaume de Kars reste également fidèle au plan tétraconque (Saints-Apôtres de Kars), de même que le royaume du Vaspourakan (Aktamar).