Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pologne (suite)

La renaissance de la Pologne (1914-1921)


« Seigneur, accorde-nous la guerre générale pour la liberté des peuples » (Mickiewicz)

Les Polonais sont mobilisés dans les deux camps : où est l’intérêt national ? Les hommes politiques ne comptent guère que sur une autonomie accordée par le futur vainqueur. Le Comité national polonais de Varsovie espère en la Russie, alors que le Conseil national suprême (NKN) de Cracovie mise sur l’Autriche : les deux condamnent l’« aventurisme insurrectionnel » de Piłsudski, qui doit intégrer ses Strzelcy (« Chasseurs ») aux Légions polonaises créées auprès des armées de l’Autriche (16 août 1914). Il apparaît vite que le principal danger pour l’avenir vient de l’Allemagne : occupation de Varsovie (5 août 1915), pillage systématique du pays, fiction d’un nouveau « royaume de Pologne » (5 nov. 1916), qui doit permettre au général-gouverneur Hans Hartwig von Beseler (1850-1921) de recruter des soldats polonais, dissolution des Légions et internement de Piłsudski (juill. 1917). Mais la cause de l’indépendance bénéficie dès lors de la révolution russe, de l’appui du président Wilson (rôle du pianiste Ignacy Paderewski aux États-Unis) et de l’aide de la France. Le Comité national polonais transféré à Paris en août 1917 est reconnu par les Alliés ; une armée polonaise « autonome, alliée et belligérante » se forme en France (ce sera l’« armée Haller »). La débâcle de l’Autriche permet la constitution à Lublin, le 7 novembre 1918, d’un gouvernement populaire provisoire, appuyé sur les forces piłsudskistes et présidé par le socialiste I. Daszyński, lequel s’efface devant Piłsudski : ce dernier, rentré le 10 à Varsovie, proclame la République indépendante de Pologne, négocie l’évacuation de l’armée allemande et devient dictateur de fait. Mais, irrités par l’homme, alarmés par le programme du cabinet socialiste qu’il a constitué (réforme agraire, nationalisations, cogestion ouvrière), les Alliés réservent leur confiance au Comité de Paris, dominé par les nationaux-démocrates de Dmowski. La Posnanie chasse à son tour les Allemands (déc.), et l’émigration rentre à Varsovie par le cabinet d’union d’I. Paderewski, à la fois président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Par peur du bolchevisme (un parti communiste polonais [KPP] est fondé en déc. 1918), la majorité à la diète constituante, élue le 26 janvier 1919, revient à la droite et au centre (nationaux-démocrates, paysans Piast de Wincenty Witos). Piłsudski lui remet le pouvoir : unanime, elle l’élit chef de l’État. Il est responsable devant elle, mais le domaine du pouvoir militaire qu’il conserve reste immense dans la Pologne en lutte pour ses frontières.


L’héritage des Piast ou des Jagellons. Les frontières

Les décisions de la conférence de la Paix, où la Pologne est représentée par Dmowski et Paderewski, reflètent les rivalités des Alliés. Le traité de Versailles fixe la frontière occidentale : la Pologne recouvre la Posnanie et le « Corridor » large de 70 km qui lui donne un accès à la Baltique par Dantzig (Gdańsk), déclarée ville libre. Les plébiscites de Mazurie et de Warmie (11 juill. 1920), influencés par les pressions allemandes et l’invasion bolchevique, lui sont défavorables. Le partage de la Silésie de Teschen (Cieszyn) entre la Pologne et la Tchécoslovaquie les mécontente toutes deux (juill. 1920). Après trois soulèvements de sa population polonaise (dirigée par Wojciech Korfanty), le sort tant débattu de la haute Silésie est fixé par le partage d’octobre 1921 : la Pologne en reçoit le sud-est avec le bassin minier de Katowice. Mais, à l’est, la décision échappe aux Alliés. Au nom de ses frontières de 1772, dès le début de 1919, la Pologne dispute avec succès à l’armée rouge le « grand-duché de Lituanie », que les Allemands évacuent ; son armée atteint la Berezina, le Zbroutch : aussi refuse-t-elle la ligne Curzon. Piłsudski lance l’offensive qui mène ses troupes à Kiev en mai 1920. (V. polono-soviétique [guerre].) La contre-offensive de l’armée rouge les fait reculer jusqu’aux abords de Varsovie : derrière elle, un Comité révolutionnaire avec Feliks Dzerjinski s’installe à Białystok. Mais Piłsudski, soutenu par les puissances occidentales, contre-attaque (le « miracle de la Vistule », août 1920), et le traité de Riga (mars 1921) trace la frontière à quelque 200 km à l’est du Bug. En octobre 1920, Wilno (Vilnious) est reprise aux Lituaniens par un coup de main. En 1923, les Alliés reconnaissent la frontière orientale de la Pologne.


Les faiblesses initiales

La Pologne restaurée s’étend sur 389 000 km2 et compte 27 millions d’habitants (35 millions en 1938). Ses frontières, longues de 5 400 km et bordées par des États hostiles, sont difficiles à défendre. Elles n’englobent pas tous les Polonais, alors que les minorités nationales, Ukrainiens, Biélorusses, Allemands, constituent, avec les 8 p. 100 de Juifs, près du tiers de la population. Les projets fédéralistes se sont évanouis : une organisation unitaire est donnée à cet ensemble hétérogène et soulève aussitôt des protestations. À l’exception de la Posnanie, la Pologne est dévastée, sa production réduite à 30-40 p. 100 de celle d’avant la guerre. Or, elle renaît chargée d’immenses dettes qui grèvent son budget jusqu’en 1939 : elle doit assumer une partie des engagements des États copartageants (surtout de l’Autriche) et rembourser l’équipement et le matériel de guerre fournis par la France. Pour subsister, l’État a recours à l’inflation, qui accentue la misère des masses, aggrave la tension sociale et durcit les luttes politiques. Le capital étranger se montre très exigeant à l’égard d’un pays qui n’est peut-être qu’un « État saisonnier ».


La IIe République et ses problèmes (1921-1939)

Son histoire est jalonnée de crises économiques et de troubles sociaux. La reconstruction du pays est achevée en 1929, mais, profondément divisée, la nation a abandonné ses institutions démocratiques à la férule du maréchal Piłsudski, qui achemine le pays vers une dictature militaire.