Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

armement maritime (suite)

Les flottes d’État

La très rapide croissance des flottes d’État des pays de l’Est (Pologne, République démocratique allemande et surtout U. R. S. S.) trouble d’autant plus l’exploitation des armements capitalistes que ces flottes étatisées sont dirigées par des organismes travaillant dans le cadre d’un plan sans que la rentabilité du voyage maritime soit toujours essentielle en elle-même. Des taux de fret inférieurs à ceux que doivent appliquer les compagnies de navigation travaillant sous régime libéral pour couvrir leurs dépenses peuvent être ainsi pratiqués. Un important développement des armements d’État se manifeste aussi dans les pays d’Amérique latine où ils représentent 60 p. 100 de l’ensemble des flottes.


Les problèmes conjoncturels actuels

La flotte pétrolière, qui représente déjà 43 p. 100 de la flotte mondiale (pour la France, plus de la moitié du tonnage national), semble devoir poursuivre sans difficulté son développement, compte tenu des besoins qui se manifestent partout. Bien que la construction de pétroliers de 500 000 tonnes de port en lourd ne semble plus techniquement irréalisable, et que certaines commandes portent déjà sur des unités proches de ce tonnage, il n’est pas certain que les armateurs poursuivent dans l’immédiat la généralisation de cette course au gigantisme, qui pose des problèmes, notamment d’ordre portuaire.

Pour la plupart des transports de solides en vrac, de minerais en particulier, le développement industriel paraît assurer les armements spécialisés de bonnes perspectives. Il en est de même des transports de gaz liquéfiés, dont le récent essor est remarquable. Mais, pour les marchandises diverses, il est douteux que le rythme d’accroissement actuel, de Tordre de 10 p. 100 par an, puisse se maintenir.

Ces marchandises seront de plus en plus transportées en containers ou par unités de charge sur roues (procédé du roll on - roll off), mais la multiplication des navires porte-containers aboutit à un suréquipement, surtout sur l’Atlantique Nord, compte tenu de la meilleure productivité de ces nouvelles unités, dont les rotations sont beaucoup plus rapides. L’apparition des navires porte-barges constitue aussi un fait nouveau, dont les armateurs discernent encore mal les conséquences. Enfin, l’avion-cargo commence à « écrémer » les frets riches, attaquant l’armement maritime dans un domaine où il semblait jusqu’ici peu vulnérable.

H. C.

➙ Constructions navales / Fret / Marine / Navigation / Navire de commerce / Voilier.

 T. G. Carver, Carnage of Goods by Sea (Londres, 1891 ; 11e éd. revue par R. P. Colinvaux, 1963). / B. Huldermann, la Vie d’Albert Ballin (Payot, 1923). / P. de Rousiers, les Grandes Industries modernes, t. IV : les Transports maritimes (A. Colin, 1926). / J. Marie et C. Diliy, Utilisation et sécurité du navire de commerce (Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1931-1935 ; 3e éd., 1956 ; 3 vol.). / P. Charliat, Trois Siècles d’économie maritime française (Marcel Rivière, 1932). / J. Marie, Marins marchands (Corréa, 1944). / G. Ripert, Droit maritime (Rousseau, 1949-1953 ; t. IV, mis à jour par R. Rodière, 1963). / J. Latty, Traité d’économie maritime, t. II : les Transports maritimes (École nationale supérieure du génie maritime, 1954). / R. Rodière, Traité général de droit maritime (Dalloz, 1967-1968).


Quelques grands armateurs


Albert Ballin,

armateur allemand (Hambourg 1857 - id. 1918). Il entre dans la maison de commerce paternelle, une agence d’émigration jusqu’alors peu prospère. En 1880, il s’associe avec un armement de Hambourg créé pour concurrencer la puissante Hamburg Amerikanische-Packetfahrt-Actien-Gesellschaft, qui, peu après, s’assure son concours comme directeur de ses services de passages, puis l’admet dans son conseil d’administration. Il donne aussitôt à la HAPAG une extraordinaire impulsion, qui en fait en 1913 le premier armement du monde avec une flotte de 1 360 000 tonneaux. L’empereur Guillaume II ne cesse de lui donner son appui et le charge même de plusieurs missions politiques. Préconisant vainement une paix de compromis à la fin de la Première Guerre mondiale, Ballin ne peut survivre à l’anéantissement de sa patrie et de son œuvre, et met fin à ses jours peu avant l’arrêt des hostilités.


Antoine Bordes,

armateur français (Gimbrède, Gers, 1815 - Bordeaux 1881). En 1835, il quitte Bordeaux pour le Chili et réussit peu après à fonder à Valparaíso une agence de consignation. Avec le concours de Le Quellec († 1867), négociant à Bordeaux, il peut, en 1847, acheter deux trois-mâts, mais la révolution de 1848 provoque la ruine de l’armement Le Quellec et Bordes. L’apport d’un autre Bordelais, Ballande, permet cependant de traverser cette crise et de développer la flotte de voiliers, car, malgré les progrès de la navigation à vapeur, Bordes reste obstinément fidèle à la voile. En 1857, il devient directeur de la Compagnie générale maritime (ancêtre de la Compagnie générale transatlantique), qui vient de créer une ligne sur le Pacifique par le cap Horn, mais, en 1859, inquiet de l’état de ses propres affaires, il abandonne cette fonction pour revenir à Valparaíso. Rentré en France en 1868, il y poursuit l’exécution d’un programme de constructions neuves qui lui permet de disposer, quatre ans plus tard, de vingt-quatre voiliers. À sa mort, ses trois fils parviennent à poursuivre l’exploitation familiale, malgré une baisse persistante des frets des voiliers. Lors du premier conflit mondial, le transport des nitrates du Chili, essentiels pour les besoins de la guerre, prend une extrême importance, mais les voiliers, lents et n’ayant pas l’autonomie de leurs mouvements, sont, pour les sous-marins et les corsaires ennemis, des proies trop faciles : vingt-deux unités sur quarante-six sont envoyées par le fond. Après la guerre, les voiliers deviennent de moins en moins rentables, et ceux de l’armement de Bordes doivent cesser leur exploitation.


Delmas-Vieljeux,