Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

armement maritime (suite)

Les caractères

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’évolution de l’industrie de l’armement présente un certain nombre de traits caractéristiques.
1. L’ampleur des investissements exigés par les navires modernes, notamment les paquebots, qui constituent encore jusqu’en 1939 une part importante de beaucoup de flottes, achève de faire disparaître les petits armements au profit des groupes puissants, disposant d’assises suffisamment solides pour faire face au financement des constructions et aux risques de l’exploitation de coûteuses unités.
2. En même temps se marque une spécialisation de plus en plus poussée des armements qui se consacrent au transport d’une même catégorie de produits, tels que les hydrocarbures et les minerais.
3. Une nette séparation s’établit également entre les armements des lignes régulières et ceux qui se livrent au tramping, c’est-à-dire qui exploitent des unités non affectées à la desserte périodique d’itinéraires fixes et qui sont libres de se porter là où peuvent être escomptées de fructueuses recettes.
4. Les doctrines libre-échangistes, nées en Angleterre, où elles ont notamment provoqué l’abrogation progressive, en 1849 et 1854, de l’Acte de navigation, exercent partout une grande influence. Pour la France, à partir de 1866, une série de mesures supprime la protection donnée à l’armement et à la construction navale. Mais il apparaît vite qu’on est allé trop loin, et il faut revenir, non sans tâtonnements successifs, aux aides officielles à l’armement national.
5. La Première Guerre mondiale fait subir aux armements des belligérants des pertes qu’on s’efforce de combler, la paix revenue, mais la situation est à peine rétablie quand éclate la grande crise économique à partir de 1929.
6. L’armement est en effet une industrie de reflet, puisque sa prospérité dépend de l’évolution des échanges internationaux. Après une courte période de développement intensif des mouvements de passagers et de marchandises, il subit les effets des restrictions d’immigration édictées par les pays neufs, puis ceux de la crise générale partie en 1929 des États-Unis. En France comme à l’étranger, plusieurs compagnies de navigation connaissent alors de grandes difficultés. La situation s’améliore lentement pendant les cinq années précédant la Seconde Guerre mondiale.


Le régime de guerre et ses conséquences

Pendant ce nouveau conflit, les armateurs des pays belligérants se trouvent, sous diverses formes, soumis au contrôle de leurs gouvernements. En France, il s’agit d’une formule de réquisition générale analogue à celle qui a déjà été appliquée à la fin de la guerre précédente et mettant la quasi-totalité de la flotte marchande à la disposition d’une direction d’État des transports maritimes. Ce régime ne laisse aux armateurs français que la gérance de leurs unités et de certaines autres affrétées sur le marché international.

Cette situation se prolonge jusqu’en 1948, parce que, comme en 1918, un courant d’opinion tend à la nationalisation de la marine marchande, Les protestations des armateurs sont alors d’autant plus vives que ceux-ci sont anxieux de reconstituer une flotte amputée de plus des deux tiers de son tonnage. Le prolongement de la réquisition les prive, disent-ils, des substantielles recettes permises par le niveau élevé des frets qu’ils réaliseraient, comme leurs concurrents étrangers, si la liberté leur était rendue et qui faciliteraient le financement des reconstructions nécessaires. Finalement, la loi du 28 février 1948 fait prévaloir une solution de compromis. Les armateurs retrouvent la disposition de leurs navires, mais restent soumis à un contrôle de l’État sous l’égide d’un Conseil supérieur de la marine marchande. En même temps, les deux grandes sociétés d’économie mixte, la Compagnie générale transatlantique et les Messageries maritimes, se trouvent placées sous un même régime, comportant un contrôle accru des pouvoirs publics.


L’armement dans le monde actuel


Les facteurs d’évolution

La concurrence de l’aviation oblige les compagnies de navigation exploitant des paquebots à renoncer à la plupart de leurs services traditionnels. Dans la faible mesure où elles peuvent encore les maintenir, des compagnies, longtemps rivales, sont amenées à conclure des accords pour une coordination des horaires et des représentations communes (accord Cunard - Compagnie générale transatlantique). De nouvelles formules peuvent permettre de toucher une autre clientèle : croisières, transports de passagers et de leurs voitures par car-ferries, aéroglisseurs, etc. Les compagnies s’efforcent aussi de diversifier leurs activités (hôtellerie, tourisme, exploitation des océans) ou, parfois, de prendre des intérêts dans des compagnies aériennes.

La décolonisation réduit les échanges entre les métropoles et leurs anciennes dépendances. Les États devenus autonomes se dotent d’ailleurs de flottes nationales, qu’ils soutiennent par diverses mesures protectionnistes. L’armement français, dont l’activité s’exerçait, pour une grande part, dans le cadre de l’ancien empire colonial, est durement touché par cette situation, qui contraint notamment plusieurs compagnies marseillaises à fusionner. Pour échapper aux charges, fiscales ou sociales, trop lourdes, des pays à niveau de vie élevé, certains armateurs (souvent américains) placent leurs navires sous le pavillon de nations qui, comme le Libéria ou Panamá, offrent des réglementations plus souples. Le jeu normal de la concurrence se trouve faussé par le développement incessant de ces pavillons dits « de complaisance ». Mais le facteur qui influe le plus sur la structure des armements est l’accroissement considérable du tonnage unitaire des navires (surtout des porteurs de vracs solides ou liquides) et l’augmentation des prix qui résulte de tous les perfectionnements techniques dont ils sont actuellement dotés. Les investissements nécessaires sont d’une ampleur telle qu’ils ne peuvent plus être assurés que par de puissants groupements résultant de la concentration de plusieurs compagnies d’un même pays ou même, comme on le voit actuellement pour l’exploitation des porte-containers, par des consortiums multinationaux d’armateurs.