Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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politique (sociologie) (suite)

Ainsi produit, le phénomène bureaucratique représente un des types idéaux de domination légitime, c’est-à-dire d’autorité, analysés par Weber. La domination légale à direction administrative bureaucratique se distingue de la domination traditionnelle et de la domination charismatique par son caractère rationnel. Elle met en œuvre des règles générales et impersonnelles et valorise l’idée de fonction, tandis que règles concrètes et particulières et statuts personnels sont communs aux différents types de domination traditionnelle, et que le caractère sacré, la vertu héroïque ou la valeur exemplaire sont aux sources du pouvoir charismatique. L’observation de la réalité montre que la combinaison de ces types est très fréquente, et l’étude de l’histoire que chaque type idéal de domination est instable : l’évolution économique ébranle les fondements de l’ordre traditionnel ; les luttes d’influences affaiblissent les administrations hiérarchisées des appareils bureaucratiques ; et la domination charismatique, la plus instable de toutes, a pour ennemis tous ceux qui demeurent attachés au fonctionnement régulier des institutions et qui répugnent aux transformations profondes. D’où le très haut intérêt du problème également posé par Max Weber de la routinisation du charisme. Outre que la croyance sur laquelle, d’après Weber, se fonde en des sens différents toute autorité est au cœur de l’analyse sociologique de Pareto, l’approche du politique précédemment esquissée relève d’une problématique comparable à celle de l’école élitiste. D’un côté, les masses gouvernées ; de l’autre, une minorité qui dirige. Mais plus précisément : qui gouverne ? Débat classique centré tantôt sur la loi d’airain de l’oligarchie de R. Michels, tantôt sur la théorie parétienne de la circulation des élites, tantôt sur les vues de G. Mosca sur la classe dirigeante, et alimenté aujourd’hui par les travaux de W. Mills et de R. Dahl. Existe-t-il aux États-Unis une classe dirigeante, une structure du pouvoir, comme l’affirme Mills dans l’Élite du pouvoir (1956) ? Ou bien des catégories dirigeantes, un système pluraliste, comme l’a montré Dahl dans son enquête sur la vie politique à Newhaven, Qui gouverne ? (1961). Et dans quelle mesure l’élite du Nouvel État industriel (1967) de J. K. Galbraith est-elle composée de ces managers que J. Burnham a étudiés dans un ouvrage devenu célèbre, l’Ère des organisateurs ? (1960). On ne peut répondre à ces questions sans élargir le cadre de l’analyse. Ainsi éviterait-on de fâcheuses erreurs d’interprétation de l’œuvre de Vilfredo Pareto si l’on ne dissociait pas sa conception de l’élite de sa courbe de la distribution des richesses, si l’on n’isolait pas ses idées sur l’élite gouvernementale, l’élite non gouvernementale et la circulation des élites de sa vision cyclique du devenir historique.


Le système politique : structures et cultures politiques

L’étude des partis a toujours constitué un chapitre important de la sociologie politique. Néanmoins, l’attention des sociologues se porte aujourd’hui plus volontiers vers les consultations électorales qui modifient la composition et le rôle des formations en présence. L’analyse des processus de socialisation et des composantes de la culture civique s’est enfin récemment imposée à qui veut comprendre l’évolution d’un parti et la vie politique d’un pays.

• S’agissant des partis* politiques, M. Ostrogorski et surtout R. Michels puis M. Duverger ont montré que leur fonctionnement était lié à celui de la démocratie. Or, l’« impossibilité mécanique et technique de gouverner directement les masses », c’est-à-dire l’impossibilité, établie par Michels, de rendre viable la démocratie directe, laisse pressentir l’importance du rôle des chefs dans les organisations démocratiques qui tendent inéluctablement à devenir des organisations oligarchiques. Après avoir montré comment de la conception égalitaire des débuts on parvient à la formation d’une classe de politiciens professionnels, Michels écrit, au terme de son ouvrage sur les Partis politiques (1911) : « La constitution d’oligarchies au sein des multiples formes de démocratie est un phénomène organique et par conséquent une tendance à laquelle succombe fatalement toute organisation, fût-elle socialiste ou même anarchiste. » Posée en ces termes, la question de l’encadrement des partis a été reprise par M. Duverger, qui oppose les partis de cadres (« bourgeois ») aux partis de masses (« prolétariens »), dont il distingue les partis de fidèles comme le parti communiste. Le cas précis de ce parti introduit le problème de la fonction qu’assument les partis « antisystème » dans la vie sociale. Il s’agit d’une fonction tribunitienne, c’est-à-dire, selon G. Lavau, d’une fonction de défense de certaines minorités, comparable à celle qu’assurait à Rome le tribun de la plèbe. Plus globalement, S. M. Lipset et S. Rokkan, s’appuyant sur l’analyse parsonienne du système social, ont étudié le parti politique comme agent de conflit et instrument d’intégration. Il est clair, ici, que la définition du rôle joué par le parti dans le système politique prime, dans cette optique, celle de sa structure interne. Si l’on s’en tient à ce dernier aspect, il faut noter le caractère opératoire de la théorie des trois zones concentriques de participation (électeurs - sympathisants - militants) que Duverger a formulée. L’intérêt d’un tel découpage apparaît bien dans l’ouvrage que Annie Kriegel a consacré aux Communistes français (1968), où sont successivement traités : les couronnes extérieures, le « peuple communiste », l’appareil du parti. Mais les études de partis politiques comme celle qui vient d’être citée ou celle de Jean Chariot sur l’U. N. R. (1967) sont vite appelées à devenir historiques. Seule, en outre, l’analyse détaillée de telle consultation électorale permet de connaître, mieux qu’au travers des études d’ensemble, le troisième cercle de participation partisane auquel nous avons fait allusion : celui des électeurs.